Dimanche 1 juin 2025
Concerts & dépendances
Ce Triptyque de Puccini – créé à New York en 1918 et non représenté à Paris depuis 1987 – dans une production du Festival de Salzbourg de 2022 mise en scène par Christof Loy, s’il est nouveau pour Paris, a cependant été diffusé par Arte Concert. Il marquait la consécration européenne d’Asmik Grigorian. Peu connue en France où elle n’a donné que quelques concerts, cette soprano lituanienne fait une grande carrière en Autriche et outre-Atlantique et c’est une grande chance de pouvoir l’entendre à Paris dans les trois rôles si différents de ce triptyque.
Bousculant l’ordre prévu par Puccini, Christof Loy fait débuter son Trittico à Florence avec la comédie Gianni Schicchi. Suit le drame sordide La Houppelande (Il Tabarro) dicté par la jalousie qui se passe sur les berges de la Seine à Paris. Enfin, Sœur Angelica pousse le drame un peu plus loin dans un couvent italien et laisse le spectateur dans une humeur plutôt sombre mais sur un message de rédemption. La scénographie réaliste, très sobre pour ne pas dire dépouillée, qui recycle certains éléments dans les trois opéras en un acte, permet de se concentrer sur l’action avec une direction d’acteurs virtuose. Au contraire de son Werther au TCE l’hiver dernier et du récent Peter Grimes à Lyon, Loy ne surajoute aucune intention personnelle à sa mise en scène hormis l’inévitable transposition dans des époques autres que celles du livret et une bien questionnable automutilation de la Sœur Angélique. Quelle que soit la motivation de l’ordre choisi pour représenter ce triptyque, on ne peut que constater qu’il va en ménageant les forces vocales et assurant une habile progression dramatique à Asmik Grigorian. Elle illumine comme personne O mio Babbino caro, seul air de l’acte comique, fascine dans le dilemme du trio amoureux de La Houppelande superbement incarné par Roman Burdenko (Michele) et Joshua Guerrero (Luigi) et culmine dans l’émotion poignante de son rôle de mère déchirée de douleur de Sœur Angélique.
Si elle domine une excellente distribution, identique à Salzbourg il y a deux ans, sans toutefois tirer la couverture à elle, on admire également l’excellent Schicchi de Misha Kiria, comique né, qui reste sur le chemin du bon goût dans un rôle pouvant prêter à tous les excès. Magnifique aussi toute cette famille jouant la farce avec une habileté théâtrale quasi pirandellienne. De même est formidablement rendu avec une habileté quasi cinématographique le pittoresque de ce quai des brumes qu’est l’épisode de la péniche de La Houppelande. Dans Sœur Angélique Karita Mattila impose une Zia Principessa glaçante et d’une féroce autorité. Aussi intense actrice que sa nièce Angélique, leur affrontement constitue l’un des moments théâtraux les plus puissants de la soirée. Carlo Rizzi dirige avec un sens aigu du théâtre et une grande attention aux chanteurs un Orchestre de l’Opéra de Paris dans une forme superlative. Et quand au rideau final reviennent saluer les trois distributions, chose rare à l’Opéra-Bastille, le public se lève comme un seul homme et réserve une standing ovation bien méritée, partagée par la vedette de la soirée très émue avec la troupe, l’orchestre, les chœurs et leurs chefs.
Olivier Brunel
Opéra Bastille, le 16 juin 2025

Prochaines représentations les 19, 22 et 28/05/2025 (19h) et 25/05/2025 (14h)

© Guergana Damianova / OnP : Asmik Grigorian (Suor Angelica) Karita Mattila (Zia Principessa) dans Sœur Angélique

 

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