Lundi 2 décembre 2024
Concerts & dépendances
vendredi 28 octobre 2011 à 00h20

Ce 27 octobre à la Cité de la musique, à l’heure où Nicolas Sarkozy regarde la France dans l’œil de la caméra, Fanny Ardant joue Cassandre, celle dont le destin est de ne pas être crue. Il s’agit, dans le cadre du cycle Paul Klee, Polyphonies, du monodrame de Michael Jarrell, créé par Marthe Keller au Châtelet en 1994. Cette fois, c’est en version de concert qu’est donnée cette pièce de musique avec voix parlée, et pourtant le théâtre est bien présent. Jeu de regards : ceux, fascinés, des musiciens de l’Ensemble Intercontemporain, qui vont de leur chef Susanna Mälkki à la comédienne tout de noir vêtue ; celui de Fanny Ardant sur les mains de Susanna Mälkki, qui lui impriment le rythme et le souffle. Inclus dans la musique par la magie du « son Ircam », le texte de Christa Wolf, entre Iliade et Allemagne ex-de l’est, devient une arme. Images : Fanny Ardant, le visage tendu vers la chef, comme en état de voyance, ou se débarrassant de ses chaussures pour mieux s’arrimer à la terre. On la savait tragédienne, depuis Tête d’or de Claudel, il y a longtemps. Soutenue par la musique de Jarrell, elle retrouve sa nature de bête de théâtre.

François Lafon

Photo © Jean Radel

dimanche 23 octobre 2011 à 01h01

Au théâtre de l’Athénée : L’Egisto de Marco Mazzocchi et Virgilio Marazzoli. Rien à voir avec Egisthe, le deuxième mari de Clytemnestre : c’est d’un personnage de Boccace qu’il s’agit. Rien à voir non plus avec l’ouvrage de Francesco Cavalli, connu pour être le premier opéra italien représenté à Paris, et que l’on a confondu avec celui-ci. Le spectacle est importé de la Fondation Royaumont, laboratoire d’études musicales des plus sérieux et des plus inventifs. Le chef (et ex-baryton) Jérôme Correas s’est passionné pour ce proto-opéra mêlant drame et comédie, pastorale et commedia dell’arte. L’œuvre, créée à Rome pour un public averti, décorée par le Bernin, regorgeait d’allusions, de références, de clins d’œil esthétiques, politiques, linguistiques, religieux. En France, où Mazarin l’avait fait venir, on n’y comprit pas grand-chose. C’est un peu ce qui arrive trois siècles et demi plus tard, avec cette résurrection pourtant exemplaire : bons chanteurs aguerris aux dialectes de l’italien ancien, finement mis en scène par Jean-Denis Monory (le Covielle du Bourgeois Gentilhomme restitué par Vincent Dumestre et Benjamin Lazar), danseurs astucieusement intégrés à l’action, instrumentistes hors-pair (Les Paladins), direction enflammée de Correas. On imagine que le travail a été passionnant. On regrette davantage de n’en saisir que l’ombre portée.

François Lafon

Théâtre de l’Athénée, Paris, du 19 au 23octobre. Photo © Didier Saulnier

vendredi 21 octobre 2011 à 09h46

Soirée Rachmaninoff (avec deux « f », ainsi qu’il l’orthographiait lui-même) par l’Orchestre de Paris à Pleyel : une œuvre de jeunesse, Le Rocher, poème symphonique rimski-tchaikovskien, un tube, le 2ème Concerto pour piano, un dernier feu d’artifice, les Danses symphoniques (1940). Ici plus qu’ailleurs, Paavo Järvi modèle l’orchestre, qui retrouve sa spécificité : sonorités raffinées, solistes superlatifs. Le Cubain Jorge Luis Prats, qui joue le Concerto, est de ces stars du clavier découvertes sur le tard, tels Claudio Arrau, Jorge Bolet ou Nelson Freire. Il ne fait qu’une bouchée des acrobaties requises : grand son, technique de fer, fine musicalité, avec un côté jazzy savamment dosé. En bis, ce gros monsieur à l’œil qui frise donne un mini-récital : quatre pièces qu’il promène sur tous les podiums, à commencer par la Petite boite à musique cassée de Villa-Lobos. Succès assuré. Le piano-spectacle est aussi une forme d’art.

François Lafon

mercredi 19 octobre 2011 à 10h13

Il reste des places pour Lulu à l’Opéra Bastille. Rien d’étonnant, à revoir le spectacle de Willy Decker donné pour la dernière fois en 2003. Sur l’affiche : la Femme de tous les dangers lovée sur le Canapé Bouche de Salvador Dali et cernée de voyeurs en chapeaux mous. Un cirque coloré, une BD (très) animée, l’antithèse du piège de marbre noir imaginé par Patrice Chéreau et Richard Peduzzi en 1979, lors de la création très médiatisée de la version complétée par le compositeur Friedrich Cerha. Une mise en scène illustrative, voire explicative, mais qui n’empêche pas que cette histoire soit complexe, et la musique d’Alban Berg à tout jamais dérangeante. Interprétation impeccable : Laura Aikin (Lulu) et Jennifer Larmore (la Comtesse), Wolfgang Schöne (Schön) et Franz Grundheber (Schigolch), sous la baguette très sûre de Michael Schonwandt. Remarque saisie à l’entracte : « Ils jouent cela comme du Mozart, mais cela reste un brûlot ». Un classique, en somme.

François Lafon

Opéra National de Paris Bastille, les 21, 24, 28 octobre, 2, 5 novembre.

mardi 18 octobre 2011 à 10h54

Comment un concert qui peine à décoller finit-il par s’envoler ? La salle Pleyel accueille ce lundi le Russian National Orchestra dirigé par son fondateur et directeur Mikhail Pletnev. La soirée commence avec la version Sibelius de Pelléas et Mélisande. Dans cette pièce inspirée, l’orchestre donne le change mais cherche en vain à faire advenir la magie. On guette le 3ème concerto de Rachmaninov avec Nikolaï Lugansky. Dans le 1er mouvement, l’orchestre et le soliste règlent les équilibres pour ne pas couvrir le piano. On s’inquiète ; on commence même à s’ennuyer. Et tout à coup, le miracle se produit, on est pris par ce qui se passe sans comprendre pourquoi cette interprétation si peu romantique, martelant les phrasés, parvient à nous saisir. La dernière note à peine jouée, standing ovation méritée pour le pianiste. Reconnaissance de la prouesse, mais aussi gratitude pour l’instant magique. La deuxième partie du concert, avec une version arrangée par Pletnev lui-même du Lac des cygnes de Tchaïkovski, bénéficie d’abord de cet instant magique, mais rapidement la flamme s’éteint, la lumière disparaît. On a la même sensation qu’avant le décollage, et l’on s’aperçoit qu’on a déjà atterri.

Katchi Sinna

Salle Pleyel 17 octobre Photo©DR

samedi 15 octobre 2011 à 00h50

Escale au théâtre de l’Athénée, du Tour d’écrou de Benjamin Britten, présenté par La Clé des chants (Région Nord-Pas-de-Calais). Un opéra de chambre (six chanteurs, quatorze instrumentistes) tiré d’une nouvelle de Henry James. Difficulté suprême : comment montrer des fantômes ? Dans sa nouvelle, James ne fait que suggérer la présence d’un couple de revenants pourrissant l’âme de deux enfants. Britten leur fait chanter une étrange musique vénéneuse et éthérée. Le metteur en scène Olivier Bénézech les mêle aux vivants, qui sentent ou non leur présence, et parfois les voient. C’est tout simple et cela fonctionne, même si nous sommes loin de l’ambiguïté suggérée, avec davantage d’idées et de moyens, par Deborah Warner (Covent Garden - 1997) ou Luc Bondy (Festival d’Aix-en-Provence - 2001). Sur le plateau exigu de l’Athénée, les corps sont désespérément réels. En revanche la musique, bien chantée, bien jouée par les jeunes instrumentistes de l’Orchestre-Atelier OstinatO, gagne à être entendue de près. Seize scènes, seize interludes, un thème principal comprenant les douze notes de la gamme, et Britten serrant l’écrou jusqu’à l’étranglement final, nous explique le programme. Chapeau bas ! Mais comment le compositeur nous fait basculer dans un monde où l’on n’est plus sûr de rien, cela n’est pas près de s’expliquer.

François Lafon

Théâtre de l’Athénée, Paris, 15 et 16 octobre- Le Phoenix, Valenciennes, 20 octobre - Opéra de Lille, 12, 13 et 15 décembre - Château d’Hardelot, 8 et 9 juin 2012
 

Photo : © Frédéric Iovino

mardi 11 octobre 2011 à 10h15

Aux Bouffes du Nord, concert du Quatuor Zemilnsky. Dans le hall, Pierre-Emile Barbier vend lui-même les enregistrements de son label Praga Digitals. « Ce soir, ils jouent Haydn, Mozart et Beethoven. La salle est pleine et les disques partent. Le seul que je n’arrive pas à vendre, c’est leur album … Zemlinsky ». Affluence en effet pour ces lauréats du Concours de Bordeaux, élèves de Walter Levin (fondateur du Quauor LaSalle) et Josef Kluson (violoncelliste du Quatuor Prazak). Pour le public, tout cela compte : depuis une vingtaine d’années, et grâce à des mordus comme Barbier et Georges Zeisel (créateur de l’association ProQuartet et d’ailleurs présent ce soir), le quatuor à cordes, genre réputé élitiste – donc rébarbatif – est à la mode. Ecoute religieuse de « L’Empereur » de Haydn, sourires entendus quand commence le deuxième mouvement, qui deviendra l’hymne national allemand. Les Zemlinsky perpétuent la tradition bohémienne d’interprétation : riches sonorités, propension à souligner les aspects populaires de cette musique aristocratique. Frantisek Soucek, le premier violon, est fâché avec la justesse, mais il est la pile électrique de l’ensemble. Cela fonctionne dans Beethoven (Quatuor n°18), et surtout dans « Les Dissonances » de Mozart, où l’équilibre classique est à la fois contredit et magnifié. En bis : le finale du Quatuor « Américain » de Dvorak et la Barcarolle de Josef Suk, joués « comme là-bas ». Même pour les accros, la couleur locale est payante.

François Lafon

Photo © Thomas Bican

vendredi 7 octobre 2011 à 10h13

Wagner à l’Opéra Bastille, avec la reprise de Tannhäuser dans la mise en scène de Robert Carsen. A la première, en 2007, grève des techniciens. Au milieu du plateau vide, une harpe ; chanteurs en costume de tous les jours, atmosphère de répétition. Seiji Ozawa est au pupitre, Matthias Goerne est un grand Wolfram : on ne sort pas frustrés. Aujourd’hui, toujours des grèves. Tannhäuser est menacé, mais la première a lieu. Pas de décors, mais grand ballet de cimaises et de châssis : Tannhäuser est peintre (?), il est rejeté pour avoir puisé l’inspiration dans le cloaque de Vénus, son amoureuse Elisabeth est la seule à comprendre que l’Artiste a besoin du ciel et de l’enfer pour nourrir son imagination. Un subterfuge comme un autre pour gratter le vernis sulpicien de cet auto-plaidoyer du jeune Wagner en guerre contre les Pharisiens. Plateau de premier ordre, correctement dirigé par Mark Elder, avec cette fois le carré d’as Nina Stemme-Sophie Koch-Christopher Ventris-Stéphane Degout, et des chœurs revitaminés. On ne sort pas plus frustrés que la première fois, mais pas moins non plus. A un tel niveau vocal, la dramaturgie perd de son importance.

François Lafon

Opéra National de Paris Bastille, les 9, 12, 17, 20, 23, 26, 29 octobre Photo©Opéra de Paris

mercredi 5 octobre 2011 à 10h07

Enesco a entrepris neuf symphonies, dont quatre « d’école » et les deux dernières inachevées : trois « officielles », donc. Gergiev dirigea « à la russe » la Symphonie n°3 opus 21 (1918), vaste fresque aux références « dantesques » pour piano, célesta, harmonium, chœur et orchestre. Uniquement instrumentale, la granitique Symphonie n°2 opus 17 (1914) se meut parfois dans l’ombre de Richard Strauss, notamment au début, mais sa rudesse est propre à Enesco. Kocsis, qui ne l’avait jamais abordée, la conduisit par cœur, suscitant un enthousiasme amplement mérité. Grand succès aussi pour Foster avec l’ambitieuse Suite pour orchestre n°3 « Villageoise » opus 27 (1938). Programmée par Rojdestvensky, la cantate Vox Maris opus 31 (1953) s’inscrit moins dans les mémoires que les trois autres partitions ci-dessus, qui comptent parmi les plus fortes du compositeur. Supprimé par le régime communiste en 1971, rétabli après la chute de Ceaucescu, le Festival Enescu a attiré cette année environ 16 000 touristes étrangers. Le Concours International qui lui est intégré n’a décerné de premier prix ni en piano ni en violon. Pour la première fois, il comprenait une section violoncelle : le lauréat, Tian Bonian, un Chinois, a interprété de façon mémorable le concerto de Dvorak.

Marc Vignal

Les artistes invités au Festival George Enescu sont censés jouer Enesco : pour la 20ème édition, ce ne fut pas toujours le cas. Dirigeant les 13 et 14 septembre la Staatskapelle de Berlin, Daniel Barenboim interpréta deux concertos de Mozart (les 24e et 22e) de façon assez précieuse, mais donna le meilleur de lui-même dans la Septième Symphonie de Bruckner et la Dante Symphonie de Liszt. Ses collègues, eux aussi, firent entendre un vaste panorama de compositeurs. Guennady Rojdestvensky choisit naturellement Prokofiev : deux œuvres, dont une mémorable intégrale d’Ivan le Terrible. Valery Gergiev et « son » orchestre du Mariinsky, terminèrent leurs deux concerts « en puissance », avec respectivement Une Vie de Héros de Richard Strauss et les Tableaux d’une Exposition. L’Orchestre Symphonique Gulbenkian et Lawrence Foster, grand spécialiste d’Enesco, s’imposèrent avec la symphonie The Age of Anxiety de Leonard Bernstein (en soliste la remarquable pianiste roumaine Dana Ciocarlie). A la tête de la Philharmonie Hongroise, Zoltan Kocsis se révéla une fois de plus chef d’orchestre d’exception, mais Boris Berezovsky joua le 2e concerto de Bartok sans subtilité. Et Enesco dans tout cela ?

Marc Vignal

(suite et fin demain)

 

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