Lundi 2 décembre 2024
Concerts & dépendances
jeudi 31 mars 2011 à 23h19

Bronca pour Akhamatova, l’opéra de Bruno Mantovani donné en première mondiale à l’Opéra Bastille. Renaud Machart, dans Le Monde, s’en prend à l’équipe : musique du directeur du Conservatoire, mise en scène de celui de l’Opéra (Nicolas Joel), livret du dramaturge maison (Christophe Ghristi), interprétation de l’épouse de ce dernier (Janina Baechle). Un spectacle institutionnel, en somme, bien dirigé (Pascal Rophé), bien éclairé, bien chanté. Dans cette optique, le sujet n’est pas anodin : résistance et compromission, disgrâce publique et drame privé de la grande poétesse russe Anna Akhmatova (1886- 1966) sous le régime stalinien. Une forme d’exorcisme ? Le résultat est sans pitié : rien de vivant, rien d’émouvant dans cette musique habile et bruyante où passent tous les tics de la « contemporaine », dans ce texte exposant des idées à défaut de susciter des personnages, dans cette mise en scène élégamment géométrique. Au rythme des changements de décors, le portrait célèbre d’Akhmatova par Modigliani ne cesse de glisser de la scène aux coulisses, de la lumière à l’ombre. Au moins, lui, reste-t-il dans les mémoires.

François Lafon

A l’Opéra National de Paris – Bastille, les 2, 6, 10, 13 avril – Diffusion sur France Musique le 27 avril. A l’Amphithéâtre Bastille : Lectures d’Anna Akhmatova, avec Françoise Fabian (récitante), le 4 avril; concerts Beethoven/Mantovani/Chostakovitch les 5 et 12 avril.

Photo : Elisa Haberer/Opéra de Paris

vendredi 25 mars 2011 à 22h19

Avec un Mr Ford qui ressemble à Michel Debré et une Mrs Ford à Catherine Deneuve dans Potiche, le film de François Ozon, le Falstaff monté à l’Opéra de Nantes par Patrice Caurier et Moshe Leiser n’a plus grand chose à voir avec l’Angleterre du XVème siècle. Et pourtant, l’esprit de l’ultime opéra de Verdi est bien là, sans futilité, sans hâblerie, mais avec une rare élégance, dans un chatoyant éventail de couleurs et de styles, dans un tempo enlevé mais jamais précipité. Transportées dans ce cadre boulevardier et savamment décalé, les aventures des Joyeuses Commères de Windsor et du vieux chevalier obèse, encore séducteur et toujours escroc, relèvent d’un univers que nous ne connaissons que trop, où la norme est seule acceptable et où la désignation d’un bouc émissaire justifie toutes les cruautés. Si la transposition s’avère judicieuse, l’interprétation l’est tout autant avec, en particulier, un quatuor vocal féminin - Véronique Gens et Amanda Forsythe en tête - qui affiche son bonheur d’être de cette aventure portée par un Orchestre national des Pays-de-la Loire qui galope agréablement. Voici un Falstaff « sans rien qui pèse et qui pose », où la règle est « glissez mortels, n'appuyez point ! » : toute la philosophie de Verdi au soir de sa vie.

Frank Langlois

Angers-Nantes-Opéra Nantes Théâtre Graslin 20, 22 mars – Angers le Quai 31 mars, 3 avril (Photo DR)

En 1998, au festival de Salzbourg dirigé par Gerard Mortier, Katia Kabanova a quelques fans et beaucoup de détracteurs. Christoph Marthaler, le metteur en scène, prend l’opéra de Janacek à rebrousse-poil. Quand la musique parle de fleuve immense et de grands espaces, il enferme l’action dans un coin de cour. Quand le livret (tiré de L’Orage, une pièce d’Alexandre Ostrovski) nous raconte l’histoire d’une Bovary russe écrasés par les préjugés bourgeois, il nous transporte chez les déclassés de l’époque soviétique. Le comble du regietheater, dont Marthaler est un des pères fondateurs ! Le spectacle est filmé, diffusé à la télé et en DVD ; il est repris à l’Opéra de Paris (directeur Gerard Mortier) et au Capitole de Toulouse (directeur Nicolas Joel). Comme il est frustrant, démoralisant même, mais rigoureux dans son exploitation de la dialectique scène/musique, il se bonifie avec le temps, à moins que ce ne soit le public qui ne s’y soit fait, à la longue. Aujourd’hui, il est repris au Palais Garnier (direction … Nicolas Joel). On le regarde comme un classique. Angela Denoke, chanteuse moderne (on dirait anti-diva, si ce n’était un lieu commun) y officie toujours, en grande amoureuse qui se punit elle-même. Sa voix est fatiguée, mais elle est plus que jamais l’interprète qu’il faut pour ce spectacle-là. On pourrait en dire autant du chef, le jeune Tchèque Thomas Netopil, qui donne la sensation de recréer à mesure cette musique à jamais belle et dérangeante.

François Lafon

A l’Opéra National de Paris - Palais Garnier, les 23 et 29 mars, 1er et 5 avril (Photo DR)

Un Messie multimédia au Châtelet. Diable ! C’est le plasticien russe Oleg Kulik qui s’y est collé, dans la foulée de son illustration, simpliste mais efficace, des Vêpres de Monteverdi sur la même scène. Mais, le sujet aidant, l’affaire, cette fois, s’est compliquée. Au jeu très postmoderne de Kulik visant à montrer que le Messie est notre contemporain – vitraux en 3 D, tableaux éclatés, ciels étoilés, bandes d’actualités, Jésus danseur au couvre-chef d’idole aztèque et solistes vocaux déguisés en popes –, sont venus s’ajouter les cogitations de quelques cerveaux de poids, tels les philosophes Benoît Chantre, signataire de la dramaturgie, et Michel Serres, qui se lance en personne (et en soutane) dans des prêches interminables autant que redondants. Pour corser le tout, ce n’est pas l’oratorio originel qu’on entend, mais l’épaisse réorchestration de Mozart sur un texte traduit en allemand, exécutée (c’est le mot) par le chef Hartmut Haenchen. Il y a une trentaine d’années, au Théâtre des Champs-Elysées, Pier Luigi Pizzi et William Christie s’étaient lancés dans une mise en espace de la Passion selon Saint Jean de Bach façon défilé de haute-couture ecclésiastique dans Fellini-Roma. Au moins, là, on riait.


François Lafon

Châtelet, Paris, les 17, 19, 20 mars.

mardi 15 mars 2011 à 00h29

Hier soir, au Théâtre des Champs-Elysées, Marie-Nicole Lemieux, aphone, a joué l’Orlando Furioso de Vivaldi, tandis qu’une inconnue nommé Delphine Galou lui fournissait le son en play-back. Ce n’est pas la première fois que cela arrive. On se souvient, jadis à Bayreuth, de Patrice Chéreau dans la peau de Siegfried, tandis que René Kollo, le pied dans le plâtre, chantait depuis la fosse, ou naguère au Châtelet d’Anna Caterina Antonacci mimant les fureurs de Médée, pendant qu’à l’avant-scène, une dame en tailleur, sac à main posé au pied du pupitre, se chargeait des imprécations chérubiniennes. Cela pose le problème, crucial dans le cas d’un opera seria, du son et de l’image. Il y a sept ans, déjà au TCE mais en version de concert, Jean-Christophe Spinosi s’est fait le croisé de l’ouvrage de Vivaldi, que l’on ne connaissait que dans une version musicologiquement douteuse mais vocalement somptueuse (Marilyn Horne) et théâtralement esthétique (Pier Luigi Pizzi), donnée au Châtelet au début des années 1980. Aujourd’hui, l’affiche est sensiblement la même qu’en concert (Lemieux, Philippe Jaroussky, Jennifer Larmore), mais c’est d’une version scénique, signée Pierre Audi, qu’il s’agit. On voit les héros de l’Arioste, en pourpoints et bas noirs, errer dans la pénombre d’un palais design. Cela n’apporte pas grand-chose, mais le seul fait que le personnage principal soit - si l’on ose dire - coupé en deux, donne à l’ensemble un aspect brechtien assez inattendu. Delphine Galou a eu droit à une ovation méritée, et les autres ont fait comme si de rien n’était, fort bien d’ailleurs, même si certains flottent, dramatiquement autant que vocalement, dans des habits un peu grands pour eux. Moralité : si vous ne pouvez pas avoir de places (c’est complet), ne regrettez rien, écoutez le disque, très réussi (3 CD Naïve), ou regardez la retransmission sur Mezzo, pour laquelle, on l’espère, la Lemieux aura retrouvé sa voix.

François Lafon

Au Théâtre des Champs-Elysées, les 16, 18, 20, 22 mars. Sur Mezzo vendredi 18 mars. Sur France Musique samedi 7 mai.

Le Prince Charmant : Ma Lucette !
Cendrillon : Ô mon Prince Charmant !
Dans le « conte de fées (d’après Perrault) par Henri Cain, musique de Jules Massenet » que reprend l’Opéra Comique cent-deux ans après sa création in loco, Cendrillon s’appelle Lucette, comme la divette d’Un Fil à la patte de Feydeau (1894). Ce n’est pas que cet ouvrage soit un vaudeville qui s’ignore : l’auteur de Manon et de Werther y est sérieux comme un pape. Le metteur en scène Benjamin Lazar, connu pour ses reconstitutions baroques éclairées à la chandelle, tente de donner à tout cela une certaine dimension parodique en célébrant la Fée électricité, Marc Minkowski, dans la fosse, cherche à muscler ce « festival d’émotions et de sensations renouvelées » (dit-il), rien n’y fait : Cendrillon est un de ces nombreux opéras-dinosaures que l’on tente périodiquement de ranimer, en les traitant avec les égards dus aux causes perdues. Joue-t-on encore le théâtre de Porto-Riche (1849-1930), lit-on les romans de Paul Bourget (1852-1935) ? Comme les voix sont belles, comme le public est sage et a même l’air heureux, on se fait une raison. Pour la première, le 24 mai 1899, le président Emile Loubet s’était déplacé. Hier, François Fillon, premier ministre, était là. Troisième République pas morte?

François Lafon

Opéra Comique, Paris, les 7, 9, 11, 13, 15 mars

Photo : Elisabeth Carecchio

mercredi 2 mars 2011 à 01h11

Pourquoi Siegfried est-il un rasta blond ? Pourquoi Mime, le fourbe Nibelung, porte-t-il une perruque empruntée à Zaza Napoli ? Pourquoi le dragon Fafner a-t-il pour gardiens de l’or du Rhin (qu’il a volé) des coolies sortis de La Nuit des morts-vivants ? Pourquoi, après un Or du Rhin comico-politique et une Walkyrie néo-spielbergienne, Siegfried, monté par Günter Krämer à l’Opéra Bastille, est-il si disparate ? Pourquoi le metteur en scène attend-il le troisième acte pour laisser les chanteurs chanter et la musique parler, sans parasiter ceux-là par une agitation permanente et celle-ci par des effets qui montrent qu’en 2011, on ne s’en laisse plus conter ? Tentative de réponse : parce que dans Wagner, tout a une petite chance de faire sens, et que les metteurs en scène ont peur que le public s’ennuie. Est-ce pour cela que le chef Philippe Jordan ne donne l’impression de prendre le pouvoir que lorsque le spectacle le laisse tranquille, c'est-à-dire dans les moments lyriques (les Murmures de la forêt, le Réveil de Brünnhilde) ? De quoi se plaint-on d’ailleurs ? Le spectacle est riche, la distribution est belle, et Siegfried n’avait pas été donné à l’Opéra depuis 1959, la dernière tentative tétralogique, en 1976, s’étant arrêtée net après La Walkyrie. En 1878, dans Humain, trop humain, Nietzsche écrivait : « Nous nous imaginons que le conte de fées et le jeu appartiennent à l’enfance, myopes que nous sommes. Comme si nous avions envie de vivre sans conte ni jeux quel que soit notre âge ! » Ce Siegfried où les Deschiens rencontrent le docteur Mabuse est peut-être un conte de notre temps.

François Lafon


A l’Opéra National de Paris – Bastille, les 6, 11, 15, 18, 22, 27, 30 mars.

 

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