Mardi 16 décembre 2025
Concerts & dépendances
Complicité familiale avec Emilija Zukauskaite (piano) et Giedrius Zukauskas (violoncelle) 
 
Soirée de musique de chambre parfaite, dans la petite salle chaleureuse de l’Accord Parfait. Quarante spectateurs pour entendre un frère et une sœur, à la complicité évidente, jouer les deux sonates pour piano et violoncelle de Fauré, œuvres tardives du compositeur, datant de 1917 et 1921 – Fauré disparaît en 1924. La soirée débute par la Romance en La majeur (1894), courte pièce de trois minutes environ, où le violoncelle, rêveur, chante avec lyrisme et passion. La sonate n° 1 en ré mineur, composée durant la Grande Guerre, accuse un caractère âpre, heurté et rugueux avec son 1er mouvement. À l’opposé, le second, plus intérieur, oppose le magnifique chant contemplatif du violoncelle. Le troisième, très animé, représente l’espoir d’un renouveau après la guerre, comme le suggère la pianiste dans sa présentation. Seul autre compositeur présent de façon brève dans cette soirée Fauré, une Romance oubliée S 132 de Liszt. La  version violoncelle piano est la transposition d’une version pour alto et piano, souvenir d’enfance des interprètes : leurs parents musiciens la jouaient à la maison. Puis la sonate n° 2 en sol mineur est donnée avec fougue. Créé au départ pour commémorer le centenaire de la mort de Napoléon, on retrouve cette inspiration dans le second mouvement – le violoncelle, solennel et grave, ayant remplacé les vents de la version initiale ; le Final est bien enlevé, jubilatoire et pétillant, virtuose et effervescent. Tout naturellement, les interprètes récompensent le public, ravi, avec la célèbre Élégie en ut mineur, composée en 1880, d’une veine lyrique égale à la Romance. Puis Papillons, brève pièce de 1884, fait virevolter un violoncelle virtuose. Enfin, le dernier bis honore Ciurlionis, compositeur et peintre Lituanien défendu avec ardeur, et chéri par le couple d’interprètes – eux même Lituaniens. Ils vivent désormais en Allemagne, pour Giedrius, en France pour Emilija. Celle-ci a complété son cursus en France, et a notamment obtenu un diplôme de l’institut Alfred Cortot en 2023. Elle a travaillé avec la pianiste Muza Rubackyte, qui donnera elle-même bientôt un récital à Paris, Salle Gaveau, au bec au programme une œuvre de Ciurlionis. Rarement jouées ensemble, les deux sonates de Fauré furent mise en valeur de façon remarquable lors de cette soirée, si magique.
Denis Méchali
• 24/11 à Paris, l’Accord Parfait (47, rue Ramey, 18e)

• Le 12/12 à Paris, Salle Gaveau, récital de Muza Rubackyté

Photo © N. Kiznis
Réinventer Faust !

Énième tentative de mise en scène de la légende dramatique La Damnation de Faust d’Hector Berlioz (1846), celle de Silvia Costa pour le Théâtre des Champs-Élysées n’échappe pas à la déception. Pendant des années, cette Damnation était une merveilleuse pièce de concert qui, malgré son découpage en tableaux, possédait grâce à sa dramaturgie interne et à la force du texte adapté de Goethe par Gérard de Nerval, la capacité de permettre au spectateur de rêver son Faust. Une seule fois, en 2001, on a cru au miracle avec la mise en scène pour l’Opéra de Paris par Robert Lepage, metteur en scène canadien virtuose de la vidéo, des éclairages et de la direction d’acteurs. Le travail scénique proposé au Théâtre des Champs-Élysées par Silvia Costa qui signe une mise en scène brouillonne, une scénographie d’une grande laideur et des costumes sans imagination ne montre jamais au spectateur ce que le texte dit et vice versa. « Réinventer Faust « n’est pas une mince affaire, d’autant plus que l’idée de base – le héros est un ado un peu paumé vivant entouré de nounours dans une chambrette – fait vite long feu : rien ne permet à la légende d’exister scéniquement et tout distrait inutilement l’oreille.
Dommage ! car si elle n’est pas idéale, la distribution réunie a des atouts mais aussi des angles. On y attendait Benjamin Bernheim, le ténor vedette de l’opéra français. Il se plie sans mal aux étranges exigences scéniques, Sa diction est toujours impeccable et il possède les redoutables aigus du duo d’amour et l’endurance du souffle pour son air d’entrée, mais on reste sur sa faim pour ce qui est du phrasé berliozien si particulier qu’il ne maîtrise pas encore. La mezzo-soprano russe Viktoria Karkacheva (Marguerite), elle aussi de belle diction et dont le programme de salle nous apprend qu’elle a un timbre « rond » (!), chante ses airs et duos avec une voix belle, saine et qui projette bien. Ce qu’on fait de son personnage sur scène ne dessert pas sa prise de rôle. L’Américain Christian Van Horn est plus basse que baryton-basse, sa diction est imparfaite, cela enlève beaucoup de crédibilité à sa caractérisation un peu fantaisiste de son Méphistophélès. Le Chœur de Radio France qui accumule les petits décalages n’a pas su donner sa force de personnage qu’il a dans cette partition. L’Orchestre Les Siècles jouant sur instruments d’époque malgré la direction très énergique et attentive aux chanteurs de Jakob Lehmann n’a pas réussi à insuffler le souffle berliozien que l’on attend tant dans cette légende dramatique. On ajoutera, au discrédit de cette soirée tiède, que l’entracte qui coupe sans raison artistique l’action est pour beaucoup un mieux mais toujours l’ennemi du bien. 
Olivier Brunel
 
• Soirée du 3/11 au Théâtre des Champs-Élysées, Paris
 
• Prochaines représentations les mercredi 12 (19h30) et samedi 15/11 (18h)
 
photo : Viktoria Karkacheva (Marguerite) et Benjamin Bernheim (Faust) © Vincent Pontet
 

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