Lundi 2 décembre 2024
Concerts & dépendances
Sur le vaste plateau du Châtelet : Intérieur, variation sur la pièce de Maurice Maeterlinck (1894) par Silvia Costa (mise en scène) et Joan Magrané Figuera (musique). « Ce n’est certainement pas un opéra. Personne ne chante et nulle hybridation disciplinaire n’est recherchée. C’est même le contraire, nous avons cherché à juxtaposer les arts » explique ce dernier. De ce texte bref, on garde en mémoire le fascinant rituel qu’il avait inspiré à Claude Régy en 1985, repris avec une troupe japonaise trente ans plus tard. Après dix ans de compagnonnage avec Romeo Castellucci, autre créateur d’images entre ciel et enfer, Silvia Costa se place dans son sillage, mieux à son affaire qu’elle ne l’était avec Combattimento, la théorie du cygne noir (voir ici) au dernier festival d’Aix-en-Provence. Pour évoquer la fable du Vieillard et de l’Inconnu venus annoncer à des gens heureux la mort d’une de leurs filles - malheur de l’extérieur, intérieur des âmes -, le musicien et la metteur en scène recherchent « l’envers des destinées » (Maeterlinck, Pelléas et Mélisande), le premier en juxtaposant deux groupes instrumentaux, un sur scène, l’autre dans la fosse, la seconde en confiant à un seul acteur (l’excellent Michel Vuillermoz de la Comédie-Française) et à une danseuse (Flora Gaudin) le soin de « raconter » la pièce. Sans s’écarter des canons contemporains habituels, la musique est efficace, comme le sont les images, parfois redondantes mais souvent étranges jusqu’aux frontières du kitsch (danse avec la chevelure… de Mélisande ?). Belle interprétation de Matthias Pintscher avec l’Ensemble Intercontemporain, jonglant lui-aussi avec l’intérieur/extérieur, et contribuant à laisser le spectateur entre dedans et dehors.
François Lafon 
Châtelet, Paris, 22 et 23 octobre (Photo © Maia Flore)

vendredi 15 octobre 2021 à 23h08
Etape n° 2, après le remarquable Words and Music (voir ici), de la saison du Balcon à l’Athénée : Au Coeur de l’océan, opéra à deux compositeurs - Frédéric Blondy et Arthur Lavandier - et un librettiste-metteur-en-scène – Halory Goerger – dirigé (et plus que cela, la partie improvisée étant importante) par Maxime Pascal, projet de l’Opéra de Lille coréalisé par l’Athénée et retardé par la pandémie.  Un opéra sans chanteurs lyriques mais à sept corps et voix produisant de sons rarement entendus, en tout cas en aussi grands nombre et de façon si rapprochée. C’est l’histoire d’un oligarque finançant la recherche d’un espace sous-marin à investir, la vie sur la terre ferme devenant problématique. De l’enthousiasme initial à l’apaisement final (« Du vide dans lequel il y a de la lumière »), secoués par la rencontre entre fantastique et horreur d’une force des abysses s’opposant à la présence humaine, on nage dans les sortilèges sonorisés du Balcon et l’on résiste (ou  non) à l’hystérie des voix. Beau travail de lumière (Annie Leuridan) et vidéo (Jacques Hoepffner), évoquant - à l’instar de la musique - l’attrait et l’étouffement des grands fonds sans effets platement réalistes. Amateurs de bel canto s’abstenir, nostalgiques d’Alien bienvenus. 
François Lafon 
Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris, jusqu’au 17 octobre (Photo © JB. Cagny)
jeudi 14 octobre 2021 à 00h11
Changement de programme à la Philharmonie. Au départ : la Symphonie n° 7 « Leningrad » de Chostakovitch - la plus grand public des quinze - par Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris. Conséquence d’une méchante grippe du jeune chef : Daniel Harding, prédécesseur de Mäkelä à la tête de l’Orchestre, dirige L’Oiseau de feu de Stravinsky (suite n° 2 - 1919) et La Mer de Debussy. Plan sécurité, tradition au lieu de découverte avec deux œuvres (surtout la seconde) que l’Orchestre peut jouer les yeux fermés. Non que Harding soit neutre, ou trop directif. Il connait ses (ex-)musiciens et tient la bride sans la serrer. Dans L’Oiseau de feu, cela donne un superbe travail d’orchestre, mais le relatif assèchement par rapport au ballet originel (1910) de cette musique encore influencée par Rimski-Korsakov n’est pas compensé par un assez net aiguisement des angles. La Mer en revanche déferle et miroite sans contrainte, et l’on croirait retrouver chez les musiciens les timbres et respirations de leurs lointains prédécesseurs inaugurant l’orchestre avec Charles Munch. C’est pourtant pour la première partie - rescapée du programme originel - que l’essentiel du public est venu : Renaud Capuçon jouant le Concerto pour violon d’Erich Wolfgang Korngold. Un retour à la « grande » musique, en 1945, du prodige que Mahler qualifiait de génie et qui – la faute à la guerre – avait fait carrière à Hollywood comme musicien de cinéma. Heureux équilibre entre la sentimentalité de Capuçon et l’objectivité de Harding : inspirée par les soundtracks à succès du compositeur (Another Down, Anthony Adverse, Le Prince et le Pauvre) sans pourtant générer de tubes immortels, l’œuvre n’en demande pas plus. 
François Lafon 
Philharmonie de Paris, Grande salle Pierre Boulez, 13 et 14 octobre
(Photo © DR)

dimanche 10 octobre 2021 à 22h08
Joyeuse bonne action à l’Opéra-Comique : le 2ème concert solidaire du Fonds de dotation Unisson, créé en mars 2020 en plein confinement, destiné à aider à long terme les artistes lyriques, du choriste à la diva, victimes des annulations en chaîne. Le milieu étant loin d’être réorganisé, un Fonds Unisson junior est en projet. Quatre-vingt voix sur scène en cette fin d’après-midi devant une salle conquise. Judicieuse idée pour éviter un concert de quatre heures : il n’y a que des ensembles, du duo à la « quatre-vingtaine », accompagnés à tour de rôle par trois pianistes tous terrains, dont l’excellent Selim Mazari. Petit jeu : reconnaître les célébrités. Facile lorsqu’il s’agit de Julie Fuchs et Stanislas de Barbeyrac nous délectant de "Tea for two" ou de Jodie Devos dans Le Comte Ory de Rossini, plus difficile dans des ensembles complexes, où chacun doit se fondre dans le groupe sans abdiquer sa personnalité, tel le quatuor « From the gutter » de Peter Grimes (Britten). On apprécie en groupe les huit Walkyries et les sept fêtards de La Veuve joyeuse, et en particulier la prometteuse Cyrielle Ndjiki Nya face à la confirmée Clémentine Margaine dans une Gioconda de Ponchielli façon fight de divas, et l’on applaudit la « quatre-vingtaine » finale, qui n’est autre que le grand chœur du Concours des Maîtres-chanteurs de Wagner, un titre en l’occurrence bien trouvé. 
François Lafon
Opéra-Comique, Paris, 10 octobre. Fonds Unisson c/o Philippe Do, 4 rue Copernic, 75016 Paris (Photo © Concert Fonds Unisson)

Nouvelle création du Balcon au théâtre de l’Athénée : Words and music. Quels mots ? Ceux de Samuel Beckett, théâtre pour l’oreille écrits pour la BBC en 1961. Quelle musique ? Pas l’originale, signée John S. Beckett, et que son cousin l’écrivain a désavoué, ni celle du plus connu Morton Feldman, déjà donnée par Le Balcon, mais celle du Colombien Pedro Garcia Velasquez, collaborateur attitré de l’ensemble. Mis en scène par Jacques Ozinski, dont les Beckett (Cap au pire, La dernière bande) ont fortement impressionné à l’Athénée, Words est incarné (en VO anglaise) par l’acteur belge Johan Leysen, auquel répond la musique, petit ensemble dans la fosse dirigé par Alphonse Cemin, augmenté de machines à son et à (faible) lumière disposés sur scène et dans la salle. Mais il y a aussi Croak (Croassement), une troisième entité animée par Jean-Claude Frissung, maître du jeu que Words appelle respectueusement Mylord, et qui va, armé d’une masse, faire passer mots et musique dans une dimension supplémentaire, tissant, entre et autour de trois thèmes (amour, vieillesse, visage) une gaze de de silence et saupoudrant le tout d’un humour entre chair et cuir typique de Beckett. En cela, la musique de Velasquez, à la fois bruitiste et lyrique, est en situation, dans ce théâtre d’ombres où les présences sont esquissées. Cela dure à peine une heure, et l’on a l’impression - autre typicité de Beckett - d’avoir traversé une vie. 
François Lafon
Théâtre de l’Athénée- Louis-Jouvet, jusqu’au 10 octobre (Photo © Pierre Grosbois)

 
 

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