Les Solistes aux Serres d’Auteuil, douzième édition. Une vingtaine de concerts dont cinq « cartes blanches » à un soliste avec un partenaire de son choix. Concept simple, public fidèle. L’institution est pourtant menacée : une douzaine de serres va disparaître, pour laisser la place à une extension de Roland-Garros. L’année prochaine, ou la suivante si les pétitions des riverains sont prises en considération, les essences rares vont être replantées dans les serres historiques, dont celle où ont lieu les concerts. Hier, récital du pianiste Geoffroy Couteau, un élève de Bruno Rigutto et Nicholas Angelich, un jeune dont on parle. Le programme est aussi original que périlleux : du Charles-Valentin Alkan, dit le Berlioz du piano, du Hélène de Montgeroult, la compositrice de l’Empire (le 1er), une Etude d’exécution transcendante (Wilde Gast) de Liszt, quatre Etudes de Chopin (dont la « Révolutionnaire »), plus une pièce de Rodolphe Bruneau-Boulmier (né en 1982) intitulée Ses ailes déployées, inspirée de la figure de l’ange décrite par le philosophe-critique Walter Benjamin. Les morceaux de bravoure s’enchaînent, les doigts suivent, la tête aussi, les moyens sont imposants. On rêve d’un peu de douceur, qui arrive en bis, avec le premier des trois Intermezzos opus 117 de Brahms. Moment de grâce. Qui peut le plus…
François Lafon
Les Solistes aux Serres d’Auteuil, vendredi, samedi et dimanche, jusqu’au 11 septembre.
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Récital Kathia Buniatishvili à l’Orangerie de Sceaux. Un événement presque incongru : le festival de l’Orangerie – quarante-deux ans d’existence, mille quatre cent cinquante concerts – est une institution estivale. Jacqueline Loewenguth, belle sœur du créateur, le violoniste Alfred Loewenguth, y accueille des artistes choisis pour un public d’habitués. Avec cette star de vingt-quatre ans, que s’arrachent orchestres et festivals, c’est le show biz classique qui investit le lieu. Sanglée dans un fourreau en lamé noir (il est 17h30 et l’on peut voir, par les baies, les promeneurs en short), l’artiste attaque la Fantaisie de Schumann dans un esprit de conquête : doigts infaillibles, sonorité variée, mais sur-lignage expressif permanent. Décuplés par l‘acoustique réverbérée de l’endroit, les forte claquent, les piani murmurent, les foucades se font orageuses. Kathia Buniatishvili bouscule la barre de mesure alla Argerich et sollicite le texte. D’émotion, point, ou trop fabriquée pour être communicative. Efficace dans les folies digitales de la Méphisto-Valse de Liszt, le système s’essouffle dans Chopin et tourne au remix dans les 3 Mouvements de Petrouchka de Stravinsky. Public partagé : on adore ou l’on déplore. De quoi alimenter le buzz, puisque c’est de cela, apparemment, qu’il s’agit.
François Lafon