Lundi 2 décembre 2024
Concerts & dépendances
A l’Opéra de Paris-Bastille : Hamlet d’Ambroise Thomas d’après Shakespeare ou plutôt d’après l’adaptation à la scène romantique qu’en a faite Alexandre Dumas, avec happy end en lieu et place de la mort du héros. A l’Opéra-Comique il y a quatre ans (reprise la saison dernière), le metteur en scène fan de vidéo Cyril Teste avait déromantisé l’ouvrage en adoptant la technique du « jeu transparent » (voir ici). Avec Krzysztof Warlikowski cette fois, c’est toute la structure du chef-d’œuvre qui bascule. Puisque Hamlet ne meurt pas, on le découvre vieilli dans un hôpital psychiatrique aux grilles en abyme, poussant sa mère encore plus diminuée que lui dans une petite voiture à roulettes, portant sempiternellement le poids de son malheur. Même décor pour le grand flash back qui suit : « L’hôpital psychiatrique ne signifie pas que Hamlet est fou. On y enfermait aussi ceux dont on voulait se débarrasser », précise le metteur en scène, qui recycle ainsi ses obsessions (cf. l’Iphigénie de Gluck à l’EHPAD) et ses accessoires (baignoire comprise) : trop fin donc pour décréter que Hamlet est vraiment fou, ce que Shakespeare et même Dumas s’étaient bien gardés de faire. Une façon en fin de compte de re-romantiser l’opéra à la mode d’aujourd’hui, avec ce spectre du père idéal en clown blanc auquel succédera le fils moins idéal en clown noir au visage blanc. Et puis au-delà des warlikowskismes avérés, de grands moments de théâtre creusant encore l’inépuisable mythe, et une direction d’acteurs superlative, culminant dans un affrontement mère (la Reine) – fils dont Lacan se serait délecté. Pour animer cette grande machine iconoclaste, un plateau sans faiblesse autour de Ludovic Tézier, Hamlet de luxe ovationné au rideau final, et comptant quelques-uns des meilleurs représentants du désormais riche vivier vocal francophone. Mention spéciale pour l’Américaine Lisette Oropesa en Ophélie (récemment médaillée des Arts et Lettres) et surtout pour la Suissesse Eve-Maud Hubeau, stealing the show en Reine coupable. Consécration enfin du jeune chef Pierre Dumoussaud dirigeant ce grand-opéra-à-la française contemporain du Don Carlos de Verdi d’un geste large, préférant le panache à la fascinante mise en valeur des trouvailles d’Ambroise Thomas (ah, ce saxophone !) opéré par Louis Langrée à l’Opéra–Comique. 
François Lafon 

Opéra National de Paris-Bastille, jusqu’au 9 avril - En direct le 30 mars  sur Arte concert, et avec le concours de FRA cinéma, dans les cinémas UGC, dans le cadre de leur saison « Viva l’Opéra ! » et dans des cinémas indépendants en France et en Europe, et ultérieurement dans le monde entier. Diffusion le 2 mai dans les cinémas CGR. Diffusion ultérieure sur Arte. En différé le 22 avril sur France Musique
(Photo © DR)

 

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