Samedi 22 novembre 2025
Concerts & dépendances
Réinventer Faust !

Énième tentative de mise en scène de la légende dramatique La Damnation de Faust d’Hector Berlioz (1846), celle de Silvia Costa pour le Théâtre des Champs-Élysées n’échappe pas à la déception. Pendant des années, cette Damnation était une merveilleuse pièce de concert qui, malgré son découpage en tableaux, possédait grâce à sa dramaturgie interne et à la force du texte adapté de Goethe par Gérard de Nerval, la capacité de permettre au spectateur de rêver son Faust. Une seule fois, en 2001, on a cru au miracle avec la mise en scène pour l’Opéra de Paris par Robert Lepage, metteur en scène canadien virtuose de la vidéo, des éclairages et de la direction d’acteurs. Le travail scénique proposé au Théâtre des Champs-Élysées par Silvia Costa qui signe une mise en scène brouillonne, une scénographie d’une grande laideur et des costumes sans imagination ne montre jamais au spectateur ce que le texte dit et vice versa. « Réinventer Faust « n’est pas une mince affaire, d’autant plus que l’idée de base – le héros est un ado un peu paumé vivant entouré de nounours dans une chambrette – fait vite long feu : rien ne permet à la légende d’exister scéniquement et tout distrait inutilement l’oreille.
Dommage ! car si elle n’est pas idéale, la distribution réunie a des atouts mais aussi des angles. On y attendait Benjamin Bernheim, le ténor vedette de l’opéra français. Il se plie sans mal aux étranges exigences scéniques, Sa diction est toujours impeccable et il possède les redoutables aigus du duo d’amour et l’endurance du souffle pour son air d’entrée, mais on reste sur sa faim pour ce qui est du phrasé berliozien si particulier qu’il ne maîtrise pas encore. La mezzo-soprano russe Viktoria Karkacheva (Marguerite), elle aussi de belle diction et dont le programme de salle nous apprend qu’elle a un timbre « rond » (!), chante ses airs et duos avec une voix belle, saine et qui projette bien. Ce qu’on fait de son personnage sur scène ne dessert pas sa prise de rôle. L’Américain Christian Van Horn est plus basse que baryton-basse, sa diction est imparfaite, cela enlève beaucoup de crédibilité à sa caractérisation un peu fantaisiste de son Méphistophélès. Le Chœur de Radio France qui accumule les petits décalages n’a pas su donner sa force de personnage qu’il a dans cette partition. L’Orchestre Les Siècles jouant sur instruments d’époque malgré la direction très énergique et attentive aux chanteurs de Jakob Lehmann n’a pas réussi à insuffler le souffle berliozien que l’on attend tant dans cette légende dramatique. On ajoutera, au discrédit de cette soirée tiède, que l’entracte qui coupe sans raison artistique l’action est pour beaucoup un mieux mais toujours l’ennemi du bien. 
Olivier Brunel
 
• Soirée du 3/11 au Théâtre des Champs-Élysées, Paris
 
• Prochaines représentations les mercredi 12 (19h30) et samedi 15/11 (18h)
 
photo : Viktoria Karkacheva (Marguerite) et Benjamin Bernheim (Faust) © Vincent Pontet
mercredi 22 octobre 2025 à 21h40
Florent Albrecht et son ensemble L’Encyclopédie donnaient un concert lundi soir 20 octobre à la Salle Gaveau. La salle était pleine, avec un public très familial et de nombreux enfants. Le programme était consacré à Mozart, père et fils, Léopold et Wolfgang, et les musiciens ont pris un soin tout particulier pour rendre la musique et la soirée le pus accessible. Malgré tout, quelques personnes, sans doute trop éloignées de cette musique savante, sont parties avant la fin, et parfois même au milieu d’un mouvement ou d’une modulation, émouvante pour le mélomane.
La soirée avait un lien direct avec la parution d’un disque chez Harmonia Mundi, avec juste un changement par rapport à l’enregistrement ;  Le CD se termine par une œuvre étonnante de Mozart (Wolfgang) : La Plaisanterie musicale, œuvre composée juste après la mort de Léopold, et qui est sans doute un hommage tendre et plein d’humour du fils à ce père si important dans sa vie.  A sa place,  Florent Albrecht et son orchestre ont choisi de jouer le très beau concerto en do majeur n° 13, Kv 415, datant de 1783, au piano forte, car Albrecht se revendique fermement « Pianofortiste », dans la lignée de musiciens comme Paul Badura Skoda, l’un de ses inspirateurs.  Fondé en 2020, L’Encyclopédie se veut « historiquement informé », au plus près de ce qu’ont pu être l’esprit et la façon de jouer de l’époque. Florent Albrecht, lui-même âgé de 50 ans, a eu un parcours un peu singulier, avec « une première vie » dans l’industrie du luxe et l’organisation d’évènements, avant de se remettre sérieusement à la musique, avec un diplôme obtenu à Genève en 2018. Il mène alors une carrière en solo, et enregistre un album consacré aux nocturnes de John Field (1783/1837), puis aux Fantaisies de Mozart. Pour ce programme, il a travaillé tout particulièrement avec Jean François Madeuf, trompettiste, qui a fait fabriquer, à partir d’un modèle présent sur un tableau, une petite trompette jouet, ainsi qu’avec David Joignaux, percussionniste qui, lui, s’en est donné à cœur joie avec plusieurs collègues pour faire sonner les grelots des chevaux, un fouet, une crécelle, un chant de rossignol, un appeau de caille et à coucou, et on en passe ! On a même droit au partage de coupe de champagne en cours d’interprétation.
L’idée est donc de montrer la volonté de fantaisie, de joie simple et de fête familiale visée par Leopold Mozart dans sa symphonie des jouets, et dans la promenade en traineau, où on suit le voyage, les tremblements de froid de la princesse,  le passage dans la forêt avec les bruits de la nature. Les musiciens s’amusent et nous amusent tout en jouant remarquablement, et on peut apprécier le vrai talent de Leopold, malgré tout vite dépassé et éclipsé par le génie de son rejeton.
Denis Méchali
 
Le 20/10 à Paris, Salle Gaveau

« Kindermusic »   1CD, durée 57 minutes. HMM 905399. Harmonia Mundi - octobre 2025.
 
• Florent Albrecht en concert le 13/11 à Genève (Fondation-Musée Zoubov/"Mozart,Haydn & Cie") : L’Encyclopédie le 13/12 à Genève (Fondation-Musée Zoubov/Symphonies de Beethoven et Hummel)
mardi 30 septembre 2025 à 09h39

Des contes de Nicklausse ?

On est sorti de la Salle Favart plutôt dépité après y avoir vu et entendu Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach réduits à une version tronquée, tronçonnée même, aux dialogues réécrits dans une adaptation que l’on n’hésitera pas à qualifier de « pour les nuls » tant elle nous semble ne pas faire confiance, voire faire injure, au public cultivé et considéré comme une des plus traditionaliste de la capitale (mais le public change…).
 Injure aussi aux musicologues Michael Kaye et Jean Christophe Keck qui ont inlassablement travaillé des années pour établir une partition aussi complète que possible de cette oeuvre testamentaire laissée pour incomplète à la mort du compositeur ? La présence d’un texte de Jean Christophe Keck dans le programme de salle cautionnerait t-elle l’option d’avoir confié à Lotte de Beer (directrice du Volksoper de Vienne) une adaptation de l’œuvre qui lui permet de rentrer dans le format « trois heures entracte inclus » pour son retour dans deux des lieux emblématiques de sa création (sur les quatre de la coproduction) :  Paris et Vienne ? Précisons que l’adaptation suppose des coupes sombres dans la musique et que, ayant opté pour la version dite « Guiraud » avec dialogues parlés, elle comporte une réécriture complète des dialogues. Les nouveaux dialogues signés par Peter te Nuyl, dramaturge de l’équipe, censés faire avancer l’action brouillent souvent les pistes de la compréhension, tirent vers le bas par leur trivialité le style de l’œuvre mais surtout, étant confiés principalement à La Muse d’Hoffmann, personnage clé dans la partition complète de Kaye et Keck, ils confèrent à ce personnage une mission de donneur de leçon à Hoffmann sur sa moralité, son essence poétique et son attitude vis à vis des femmes. Est-on toujours chez Offenbach/E.T.A Hoffmann/Carré et Barbier ? 
La production signée Christof Hetzer pour les décors et Jorine van Beek pour les costumes nous a paru (soyons charitable) bien modeste avec son décor unique plutôt défraîchi et ses bien laids costumes contemporains : Hoffmann est fagoté comme un Rodolfo de La Bohème dans un théâtre pauvre. Une option bien décevante à Paris qui a connu depuis un demi-siècle des production des Contes déjà légendaires. Dans un espace étriqué, la direction d’acteurs pèche par son approximation et par des idées saugrenues comme de faire tomber constamment le rideau pour jouer les scènes « capitales » à l’avant-scène, d’abuser des doubles d’Hoffmann ou de faire changer les accessoires de taille : la poupée assise de cinq mètres de haut par exemple ne permet pas à la scène « clé de l’automate » de se dérouler comme prévu. L’acte de Venise est lui méconnaissable… Bref c’est une adaptation dont on aurait dû avoir l’honnêteté de prévenir le public comme le font désormais les théâtres qui proposent des révisions de pièces du répertoire « d’après Shakespeare » ou « d’après Tchekhov ». L’Opéra de Lyon pour l’inauguration de la salle de Jean Nouvel en 1993 avait eu celle de nommer son spectacle adapté pour cause de moyens : « Des Contes d’Hoffmann… ». 
Pour la musique, le chœur Ensemble Aedes et l’Orchestre philharmonique de Strasbourg – le premier coproducteur où a été créé ce spectacle en janvier dernier –, sous l’excellente direction de Pierre Dumoussaud – dont on peut s’étonner aussi, texte dans le programme à l’appui, qu’il cautionne le tronçonnage de la partition –, ont parfaitement dompté l’acoustique singulière de la Salle Favart. La distribution très inégale a été diversement commentée par les différents observateurs. Il nous a semblé que le formidable ténor Michael Spyres n’était pas au mieux de sa forme le premier soir, mais peut être était-il mal à l’aise dans cette étrange réalisation ? Amina Edris qui cumulait les quatre rôles féminins n’était satisfaisante dans aucun, avec une diction non parfaite : coloratures d’Olympia approximatives avec suraigus chantés à l’arraché, peu sensuelle pour Antonia. Pour les quatre rôles « noirs » ce n’est pas la diction qui faisait défaut à Jean Sébastien Bou mais plutôt le grave du registre et aussi la prestance scénique inhérente à ces parties diaboliques. 
C’est bien sûr La Muse/Nicklausse d’Héloïse Mas qui a emporté l’adhésion du public (les publics changent…) pour son indéniable présence scénique mais il nous a semblé qu’elle tirait trop souvent la couverture à elle au détriment de la vérité des autres personnages, notamment du rôle éponyme. Alors, « Des Contes de Nicklausse » ???
Olivier Brunel

• Salle Favart le 25 septembre 2025

• Prochaines représentations les 29 septembre, 1er et 3 octobre, 20h et 5 octobre, 15h

• Photo : Jean-Sébastien Bou (Lindorf/Coppélius/Miracle/Dapertutto) et Michael Spyres (Hoffmann) DR Stefan Brion
Soirée « Prems » à la Philharmonie de Paris 
 
Maris Nelsons dirige la Symphonie Réformation de Mendelssohn, puis Un Requiem allemand de Brahms, avec l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig.  Les « Prems » sont un décalque  des « Proms » de Londres, avec l’idée, selon Olivier Mantei, directeur du lieu : « de faciliter l’accès à la musique, par des prix accessibles et par la souplesse de l’accueil. » Pour ces premières Prems, entre le 2 et le 11 septembre, 470 sièges d’orchestre ont été retirés, faisant place à 700 spectateurs débout, au prix de 15 euros la place adulte… et 11 euros pour les moins de 27 ans. À vue de nez, et sans valeur statistique, l’objectif d’attirer un public différent et  plus jeune semblait atteint,  Les spectateurs se pressaient en bas, et finalement les 2600 places de la salle étaient quasiment toutes occupées. Le programme du jour ramenait à la foi Luthérienne, la Symphonie Réformation ayant été composée pour l’anniversaire des 300 ans de la confession  d’Augsbourg, texte important du Luthérianisme. Mendelssohn, d’origine juive, était converti, et sa foi, fervente. Symbole supplémentaire de la soirée, Mendelssohn fut lui-même directeur de ce même orchestre de Leipzig durant 10 ans. L’œuvre a un contenu spirituel explicite, magnifiquement mis en valeur par l’orchestre et son chef. Les différents pupitres, bois, cuivres, cordes, s’exprimaient avec la clarté et la cohérence d’un orchestre rodé au travail commun. En seconde partie, Un Requiem allemand était magnifiquement présenté, avec un chœur somptueux de plus de 120 choristes préparés par Richard Wilberforce. Le sur-titrage permettait de suivre les paroles, Brahms a composé une œuvre d’apaisement et de consolation, sans note tragique ou de colère divine : confiée aux solistes Julia Kleiter et Christian Gerhaher – le baryton Allemand y montrait davantage d’émotion et de recueillement dans son interprétation.
Denis Méchali
Le 3 septembre 2025, Paris, Philharmonie de Paris 

photo : © DR

Prochains concerts : le 5/09, Mahler par le Philh de Berlin, dir. K. Petrenko, 7/09, Verdi, Rossini par l’Orch de la Scala de Milan, dir. R. Chailly et 10 et 11/09, V. Lucas, Copland, Gershwin, Tower et Varèse par l’Orch de Paris, dir. K. Mäkelä
Le 10 juillet 2025 concert dans l’écrin original du cirque du manège de Reims, et le cadre d’un « Festival Flâneries, concerts pique niques ».  Les deux artistes ont fait chavirer le public  en jouant l’essentiel du CD « Bach Mirror » enregistré en 2021, qui a eu un retentissement mérité. En public, les deux artistes, qui avaient déjà joué ensemble dans la même salle en 2015, sont chaleureux, simples, expliquant alternativement quelques-unes de leurs techniques ou de leurs intentions. Thomas Ehnco est un pianiste de jazz et un pianiste classique, et Vassilena Serafimova est une percussionniste virtuose, très brillante, devenue ambassadrice du marimba. Ce grand xylophone à touches de bois produit un son doux, rond, chaud, qui porte et conduit le duo marimba piano, et les transcriptions d’œuvres de Bach.  Sans minimiser le talent d’Ehnco, le marimba n’est pas un « nième » gadget destiné à montrer les infinies possibilités de la musique du génial Jean Sébastien, mais permet de susciter un tourbillon d’émotions, en entendant Jésus que ma joie demeure, ou une transcription inspirée par la Chaconne de la Partita n° 2 pour violon, ou « Reflets » ou « Avalanches », titres donnés à des extraits du Clavier bien tempéré, avec des improvisations sur le thème de base. La complicité de ces deux-là est ancienne, ils travaillent ensemble depuis 2009, ont créé un duo et un disque « Funambules » en 2011 (voir ici). Leur répertoire mêle les styles, les rythmes, les timbres, de façon aussi savante que fluide. Ainsi Ehnco modifie le son des basses du piano en installant de la gomme « patafix » sur son instrument, et Serafimova  recouvre  à un moment son marimba de grands rouleaux de scotchs, qu’elle arrachera prestement quelques minutes plus tard...  En bis, ils joueront une composition folklorique bulgare, histoire de rappeler les origines de Vassilena, et une part de son répertoire. Une magnifique soirée, dont le public ressort euphorique et ravi.

Denis Mechali
 
Le 10 juillet 2025, Reims, Cirque du manège 

• En duo le 12/09 à Santar (Portugal) : « Bach Mirror »

• Vassilena Serafimova le 18/07 à Paris (Jardin des Tuileries), le 24/07 avec Rémi Delangle à Vendôme (Fest Quatuor à Vendôme) et le 27/07 avec Hélène Escriva à Menton (Palais de l’Europe)

• Thomas Ehnco avec D. Tepfer le 19/07 à Nancy (2 pianos) ; les 22/07 à Léognan,  24/07 à Monaco, 26/07 à La Romieu, 4/08 à Biarritz, 13/08 à Arradon,  20/09 à Hambourg, 24/09 à Sète et 29/09 à Paris (TCE) : « Mozart Paradox ». 

Photo : © Frank Loriou / Sony Music
L’Orchestre Métropolitain de Montréal fondé il y a 44 ans est lié aujourd’hui à la personne du chef québécois Yannick Nézet-Séguin qui le dirige depuis 25 ans, par un contrat de directeur musical à vie. Excellent chef de fosse et désormais directeur musical du Metropolitan Opera de New York, Nézet-Séguin développe également une importante activité dans le domaine symphonique. Si chacun des concerts que nous avons entendu dirigés par lui a toujours apporté son lot de relatives déceptions, ce concert parisien – étape d’une tournée européenne qui passait par Montréal, Bruxelles, Vienne, Hambourg et Baden Baden – se révéla franchement frustrant mais sauvé par la formidable prestation du pianiste Alexandre Kantorow. Le copieux programme s’ouvrait par La Valse de Ravel, belle démonstration des individualités instrumentales de cette phalange, mais dirigée avec un énergie et une épaisseur qui privait l’œuvre de sa finesse et excluait tout mystère. La courte composition Eko-Bmijwang Aussi longtemps que la rivière coule ») inspirée par l’eau de la compositrice anichinabée Barbara Assiginaak (née en 1966) et créé en 2021 par les mêmes, coulait avec une infinie poésie comme le fleuve Saint-Laurent dont elle se veut l’écho.
Le 2e Concerto pour piano de Camille Saint-Saëns semble avoir été composé pour les doigts, la sonorité pleine et pour le style d’Alexandre Kantorow. C’est certes celui de ses débuts à la scène et au disque sous la direction paternelle (Bis), et il en maîtrise si bien la sagesse néo-classique, la fantaisie mélodique et les envolées dans ses trois mouvements que l’on demeure fasciné – presque au point d’oublier une direction bien épaisse. La Symphonie n° 6 dite Pathétique de Tchaïkovski dirigée en force et toujours dans l’excès montrait certes l’excellence des musiciens québécois, notamment vents et cuivres tout à fait en valeur, mais ne permettait pas de percer les mystères de cette oeuvre atypique. 
Olivier Brunel

Paris (Philharmonie), 24 juin (photo ©) Arthur Elgort)

Alexandre Kantorow avec le SWR, dit. A. Orozco-Estrada les 10/07 à Freiburg (Brahms, Concerto pour piano n°1), 12 et 13/07 à Grenade (Brahms, Concertos pour piano 1 & 2) ; avec R. Capuçon (v) le 15/07 à Bad Kissengen (Brahms) ; avec R. Capuçon (v), L. Power et V. Julien-Laferrière le 16/07 à Wupperthal (Brahms) ; avec l'Orch. phil. de Marseille, dir. L. Foster le 22/07 à La Roque d'Anthéron (Brahms) ; avec le Scottish Ch. Orch.,dir. M. Emelyanychev le 25/07 à Londres (BBC Proms, Saint-Saëns) ; avec l'Orch du Fest de Verbier, dir. T. Currentzis le 31/07 à Verbier (Rachmaninov, Rhapsodie sur un thème de Paganini) ; avec le Phil. de Hong Kong, dir. J. Van Sweden le 31/08 à Amsterdam (Rachmaninov) ; récital Bach/Liszt, Medtner, Rachmaninov et Bach/Brahms le 4/09 à Hagen-Haus, Liechtenstein ; avec l'Orch phil royal, dir. V. Petrenko le 12/09 à Bucarest (Liszt) ; récital Bach, Liszt et Chopin le 20/09 à Sainte Marie du Mont ; avec l'Orch de Strasbourg, dir. A. M. Patino-Osorio le 26/09 à Strasbourg et 27/09 à Thaon-les-Vosges (Prokofiev, Concerto pour piano n° 3).
mardi 10 juin 2025 à 08h03
Cette deuxième reprise de la production de 2020 de Manon de Jules Massenet d’après l’Abbé Prévost, signée par Vincent Huguet qui fut l’assistant de Patrice Chéreau, retrouve pour ses premières représentations la distribution de sa création. On admire toujours sa somptueuse mise en scène qui transpose l’action dans les Années folles avec une direction d’acteurs impeccable, même si on ne comprend pas très bien l’ajout du rôle de Joséphine Baker et qu’on déplore plusieurs libertés avec le livret (certaines ont heureusement été corrigées). Les décors monumentaux d’Aurélie Maestre évoquent l’architecture des années 1920, et les costumes de Clémence Pernoud sont constamment magnifiques. Très originale avec son ballet de cabaret, la chorégraphie réglée par Jean-François Kessler est admirable de fantaisie.
Un peu déçu de ne pas revoir le couple Nadine Sierra - Benjamin Bernheim, si parfait dans le Roméo et Juliette de Gounod au Metropolitan Opera la saison dernière, on retrouve avec bonheur la soprano égyptienne Amina Edris qui maîtrise toutes les facettes du rôle complexe de Manon avec une excellente diction et un Benjamin Bernheim en belle santé vocale dont c’est, avec Faust et Hoffman à notre avis, le meilleur rôle. Roberto Alagna lui succédera dans la deuxième série de représentations. Excellents aussi, le Lescaut d’Andrzej Filończyk et le Guillot de Morfontaine plutôt jeune de l’Australien Nicholas Jones. On a particulièrement apprécié la sobriété et la noblesse de Nicolas Cavallier dans le rôle du Comte des Grieux et retrouvé avec émotion dans celui, très épisodique, de l’Hôtelier le vétéran de la maison, Philippe Rouillon. Dirigés avec beaucoup de subtilité et d’efficacité par Pierre Dumoussaud, récemment nommé directeur musical de l'Opéra de Rouen-Normandie, l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra de Paris sont ici à leurs niveaux superlatifs.
Olivier Brunel
Opéra Bastille, le 1er juin 2025
Prochaines représentations les 11, 14, 17 et 20 juin, à 19 h
Photo : Amina Edris (Manon) & Benjamin Bernheim (Le Chevalier des Grieux) © Sébastien Mathé /Opéra de Paris
Ce Triptyque de Puccini – créé à New York en 1918 et non représenté à Paris depuis 1987 – dans une production du Festival de Salzbourg de 2022 mise en scène par Christof Loy, s’il est nouveau pour Paris, a cependant été diffusé par Arte Concert. Il marquait la consécration européenne d’Asmik Grigorian. Peu connue en France où elle n’a donné que quelques concerts, cette soprano lituanienne fait une grande carrière en Autriche et outre-Atlantique et c’est une grande chance de pouvoir l’entendre à Paris dans les trois rôles si différents de ce triptyque.
Bousculant l’ordre prévu par Puccini, Christof Loy fait débuter son Trittico à Florence avec la comédie Gianni Schicchi. Suit le drame sordide La Houppelande (Il Tabarro) dicté par la jalousie qui se passe sur les berges de la Seine à Paris. Enfin, Sœur Angelica pousse le drame un peu plus loin dans un couvent italien et laisse le spectateur dans une humeur plutôt sombre mais sur un message de rédemption. La scénographie réaliste, très sobre pour ne pas dire dépouillée, qui recycle certains éléments dans les trois opéras en un acte, permet de se concentrer sur l’action avec une direction d’acteurs virtuose. Au contraire de son Werther au TCE l’hiver dernier et du récent Peter Grimes à Lyon, Loy ne surajoute aucune intention personnelle à sa mise en scène hormis l’inévitable transposition dans des époques autres que celles du livret et une bien questionnable automutilation de la Sœur Angélique. Quelle que soit la motivation de l’ordre choisi pour représenter ce triptyque, on ne peut que constater qu’il va en ménageant les forces vocales et assurant une habile progression dramatique à Asmik Grigorian. Elle illumine comme personne O mio Babbino caro, seul air de l’acte comique, fascine dans le dilemme du trio amoureux de La Houppelande superbement incarné par Roman Burdenko (Michele) et Joshua Guerrero (Luigi) et culmine dans l’émotion poignante de son rôle de mère déchirée de douleur de Sœur Angélique.
Si elle domine une excellente distribution, identique à Salzbourg il y a deux ans, sans toutefois tirer la couverture à elle, on admire également l’excellent Schicchi de Misha Kiria, comique né, qui reste sur le chemin du bon goût dans un rôle pouvant prêter à tous les excès. Magnifique aussi toute cette famille jouant la farce avec une habileté théâtrale quasi pirandellienne. De même est formidablement rendu avec une habileté quasi cinématographique le pittoresque de ce quai des brumes qu’est l’épisode de la péniche de La Houppelande. Dans Sœur Angélique Karita Mattila impose une Zia Principessa glaçante et d’une féroce autorité. Aussi intense actrice que sa nièce Angélique, leur affrontement constitue l’un des moments théâtraux les plus puissants de la soirée. Carlo Rizzi dirige avec un sens aigu du théâtre et une grande attention aux chanteurs un Orchestre de l’Opéra de Paris dans une forme superlative. Et quand au rideau final reviennent saluer les trois distributions, chose rare à l’Opéra-Bastille, le public se lève comme un seul homme et réserve une standing ovation bien méritée, partagée par la vedette de la soirée très émue avec la troupe, l’orchestre, les chœurs et leurs chefs.
Olivier Brunel
Opéra Bastille, le 16 mai 2025

Prochaines représentations les 19, 22 et 28/05/2025 (19h) et 25/05/2025 (14h)

© Guergana Damianova / OnP : Asmik Grigorian (Suor Angelica) Karita Mattila (Zia Principessa) dans Sœur Angélique

jeudi 10 avril 2025 à 09h27
Déchéance du conte de fée et fortes visions oniriques

Exit la production de 1997, ascétique, intemporelle, hypnotisante, en ombres chinoises, probablement unes des meilleures de Robert Wilson, qui a défendu Pelléas et Mélisande de Claude Debussy sur la même scène, d'abord au Palais Garnier puis à l'Opéra Bastille, avec des interprètes souvent prodigieux pendant plus un quart de siècle. Le metteur en scène libano-québécois Wajdi Mouawad prend dignement la relève pour inscrire, on l’espère, cette pièce majeure au répertoire de la première scène lyrique française qui, comme Carmen de Bizet, devrait être accessible en permanence au public. Son approche convoque tous les tics et le confort moderne de la mise en scène lyrique contemporaine. Les interludes musicaux sont théâtralisés, l’envahissante vidéo tient lieu de scénographie et – le procédé se développe de plus en plus – le sur titrage ne se contente plus d’être supérieur et latéral à la scène, il est projeté sur son rideau de fond. Pas toujours inutile, évitant de voir des salles de spectateurs la tête levée et, car si la distribution est globalement bien disante, la projection du chant n’est pas toujours excellente.
On ne peut s’empêcher de penser qu’avec une telle distribution, le spectacle aurait gagné à revenir à Garnier. Le dispositif scénique sur trois niveaux fait que les chanteurs sont souvent plaqués contre le rideau de fond de scène (qui permet entrée et sorties par un système ingénieux de rideau de cordes, avec certes un effet cinématographique saisissant mais leurs voix ne projettent moins bien vers la salle que quand ils chantent plus en avant ou directement à l’avant-scène. Ainsi beaucoup de la superbe lettre de Golaud chantée par Sophie Koch passe à la trappe car on n’en perçoit clairement que les graves. Aussi pour Sabine Devieilhe, exquise Mélisande au discours tout en finesse mais n’ayant vraiment pas le format vocal de ce grand théâtre. Huw Montague Rendall (Pelléas à a diction parfaite) et Gordon Bintner (pour une fois un jeune Golaud) s’en tirent mieux alors qu’Arkel (Jean Teitgen) et le Petit Yniold (Anne Blanche Trillaud Ruggeri soliste de la Maîtrise de la Troupe lyrique maison à la technique vocale parfaite) peinent à se faire entendre.
Wajdi Mouawad opte pour une narration fidèle de cette « déchéance d’un conte de fée » en montrant la violence et la cruauté contenues dans le texte de Maeterlinck. On y voit le sanglier blessé par Golaud, son cheval dépecé par les « pauvres » qui rodent au Château d’Allemonde. Les vidéos de Stéphanie Jasmin vont d’un naturalisme figuratif à un bel impressionnisme avec des visions oniriques des protagonistes coulant au fond de l’eau comme les bijoux de Mélisande. La direction d’acteurs est irréprochablement lisible et si le spectacle flotte un peu sur l’immense plateau il est dramatiquement satisfaisant.
Le chef italien Antonello Manacorda exalte les aspects très dramatiques de la partition à la tête d’un orchestre magnifique qui a dû conserver en mémoire ce qu’avait apporté d’onirique Philippe Jordan lors des dernières reprises de la production de Wilson.

Olivier Brunel

Représentation du 28 février 2025

• Prochaines représentations les 4, 12, 15, 18, 20, 25 et 27 maos (19h30) et le 9 mars (14h30)
photo : © Benoîte Fanton OnP
• Captation réalisée par François Roussillon et produite par l'Opéra de national de Paris avec le soutien de la Fondation Orange à partir du 20 mars (19h30) sur la plateforme
POP
• Diffusion radio à venir sur France Musique
Claude Debussy
Debussy : Pelléas et Mélisande
Sabine Devieilhe (Mélisande), Huw Montague Rendall (Pelléas), Gordon Bintner (Golaud), Jean Teitgen (Arkel), Sophie Koch (Geneviève) Blanche Trillaud Ruggeri (Le Petit Yniold)
Chœur et Orchestre national de l'Opéra de Paris
Direction musicale : Antonello Manacorda
Mise en scène : Wajdi Mouawad
dimanche 9 février 2025 à 16h35
Piano quantique

Avantage de la musique vivante : On profitait au « TCE » de deux « stars », Kit Armstrong, musicien surdoué et personnage fulgurant et romanesque, et le piano Steinway, somptueux outil, qui répondait aux moindres nuances du jeu du pianiste. Celui-ci ne se privait pas de passer en un instant d’un univers à un autre, d’une violence fulgurante  à une douceur séraphique, ou de faire percevoir les voix complémentaires de sa main droite et de sa main gauche, en éloge et illustration du contrepoint. Kit Armstrong a une totale maitrise de son propos, et c’est un musicien « pédagogue ».  Ici, la filiation de Bach à Chopin, puis à Rachmaninov.   Armstrong qui, malgré son jeune âge, est aussi un compositeur prolifique, adore illustrer un répertoire débutant à Guillaume de Machaut, en passant par les virginalistes anglais, William Bird ou John Bull, en soulignant leur apport aux musiciens suivants, tout en jouant  également des compositeurs contemporains. Michel Mollard, complice de Kit Armstrong dans la composition du programme de cette soirée  compare malicieusement le pianiste au chat de Shrodinger, illustrant un paradoxe de la physique quantique qui est la propriété d’être en même temps dans deux lieux différents. La comparaison s’impose pour ce pianiste anglo-taiwanais, né en 1992, qui, à 20 ans, soutenait un master de mathématiques à Paris, après des études aux Etats unis et à Oxford. A 14 ans, une rencontre fortuite avec Alfred Brendel avait débouché sur « 4 heures de travail commun sur la sonate Les Adieux de Beethoven », puis le soutien indéfectible de Brendel. En 2012, Armstrong a racheté l’ancienne église de Hirson, dans l’Aisne, qui, depuis, abrite ses expériences  musicales et accueille nombre de ses amis, chambristes ou chanteurs. Il vit aussi bien à Hirson qu’en Italie, en Autriche, partout où sa boulimie de musique, de rencontres et de partage  trouve à s’exercer. Dernier projet en date, une « expédition Mozart » à travers l’Europe avec un groupe d’amis musiciens et chanteurs : treize dates à sillonner l’Europe entre le 18 avril 2024 et le 1er février dernier.
Denis Méchali

• Paris, Théâtre des Champs-Élysées, le 8 février. Photo DR

• En concert les 11/02 à Berlin (Philharmonie, avec Ensemble der Berliner Philharmoniker), 15/02 à Bamberg et 16/02 à Erlangen : Concerto en Fa de Gershwin avec Bamberger Philharmoniker, dir. B. de Billy ; 17/03 à Barcelone (Palau de la Músican) : récital Bach et Liszt ; 19/03 à Saint-Étienne (Théâtre Copeau) : Chopin, Liszt, Rachmaninov et Saint-Saëns ; 26/03 en récital à Bilbao ; 2/05 à Hirson (Église Sainte-Thérèse) : Semaine de la voix.
 

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