Samedi 19 juillet 2025
Concerts & dépendances
Chavirer avec Vassilena Serafimova et Thomas Enhco

Le 10 juillet 2025 concert dans l’écrin original du cirque du manège de Reims, et le cadre d’un « Festival Flâneries, concerts pique niques ».  Les deux artistes ont fait chavirer le public  en jouant l’essentiel du CD « Bach Mirror » enregistré en 2021, qui a eu un retentissement mérité. En public, les deux artistes, qui avaient déjà joué ensemble dans la même salle en 2015, sont chaleureux, simples, expliquant alternativement quelques-unes de leurs techniques ou de leurs intentions. Thomas Ehnco est un pianiste de jazz et un pianiste classique, et Vassilena Serafimova est une percussionniste virtuose, très brillante, devenue ambassadrice du marimba. Ce grand xylophone à touches de bois produit un son doux, rond, chaud, qui porte et conduit le duo marimba piano, et les transcriptions d’œuvres de Bach.  Sans minimiser le talent d’Ehnco, le marimba n’est pas un « nième » gadget destiné à montrer les infinies possibilités de la musique du génial Jean Sébastien, mais permet de susciter un tourbillon d’émotions, en entendant Jésus que ma joie demeure, ou une transcription inspirée par la Chaconne de la Partita n° 2 pour violon, ou « Reflets » ou « Avalanches », titres donnés à des extraits du Clavier bien tempéré, avec des improvisations sur le thème de base. La complicité de ces deux-là est ancienne, ils travaillent ensemble depuis 2009, ont créé un duo et un disque « Funambules » en 2011 (voir ici). Leur répertoire mêle les styles, les rythmes, les timbres, de façon aussi savante que fluide. Ainsi Ehnco modifie le son des basses du piano en installant de la gomme « patafix » sur son instrument, et Serafimova  recouvre  à un moment son marimba de grands rouleaux de scotchs, qu’elle arrachera prestement quelques minutes plus tard...  En bis, ils joueront une composition folklorique bulgare, histoire de rappeler les origines de Vassilena, et une part de son répertoire. Une magnifique soirée, dont le public ressort euphorique et ravi.

Denis Mechali
 
Le 10 juillet 2025, Reims, Cirque du manège 

• En duo le 12/09 à Santar (Portugal) : « Bach Mirror »

• Vassilena Serafimova le 18/07 à Paris (Jardin des Tuileries), le 24/07 avec Rémi Delangle à Vendôme (Fest Quatuor à Vendôme) et le 27/07 avec Hélène Escriva à Menton (Palais de l’Europe)

• Thomas Ehnco avec D. Tepfer le 19/07 à Nancy (2 pianos) ; les 22/07 à Léognan,  24/07 à Monaco, 26/07 à La Romieu, 4/08 à Biarritz, 13/08 à Arradon,  20/09 à Hambourg, 24/09 à Sète et 29/09 à Paris (TCE) : « Mozart Paradox ». 

Photo : © Frank Loriou / Sony Music
L’Orchestre Métropolitain de Montréal fondé il y a 44 ans est lié aujourd’hui à la personne du chef québécois Yannick Nézet-Séguin qui le dirige depuis 25 ans, par un contrat de directeur musical à vie. Excellent chef de fosse et désormais directeur musical du Metropolitan Opera de New York, Nézet-Séguin développe également une importante activité dans le domaine symphonique. Si chacun des concerts que nous avons entendu dirigés par lui a toujours apporté son lot de relatives déceptions, ce concert parisien – étape d’une tournée européenne qui passait par Montréal, Bruxelles, Vienne, Hambourg et Baden Baden – se révéla franchement frustrant mais sauvé par la formidable prestation du pianiste Alexandre Kantorow. Le copieux programme s’ouvrait par La Valse de Ravel, belle démonstration des individualités instrumentales de cette phalange, mais dirigée avec un énergie et une épaisseur qui privait l’œuvre de sa finesse et excluait tout mystère. La courte composition Eko-Bmijwang Aussi longtemps que la rivière coule ») inspirée par l’eau de la compositrice anichinabée Barbara Assiginaak (née en 1966) et créé en 2021 par les mêmes, coulait avec une infinie poésie comme le fleuve Saint-Laurent dont elle se veut l’écho.
Le 2e Concerto pour piano de Camille Saint-Saëns semble avoir été composé pour les doigts, la sonorité pleine et pour le style d’Alexandre Kantorow. C’est certes celui de ses débuts à la scène et au disque sous la direction paternelle (Bis), et il en maîtrise si bien la sagesse néo-classique, la fantaisie mélodique et les envolées dans ses trois mouvements que l’on demeure fasciné – presque au point d’oublier une direction bien épaisse. La Symphonie n° 6 dite Pathétique de Tchaïkovski dirigée en force et toujours dans l’excès montrait certes l’excellence des musiciens québécois, notamment vents et cuivres tout à fait en valeur, mais ne permettait pas de percer les mystères de cette oeuvre atypique. 
Olivier Brunel

Paris (Philharmonie), 24 juin (photo ©) Arthur Elgort)

Alexandre Kantorow avec le SWR, dit. A. Orozco-Estrada les 10/07 à Freiburg (Brahms, Concerto pour piano n°1), 12 et 13/07 à Grenade (Brahms, Concertos pour piano 1 & 2) ; avec R. Capuçon (v) le 15/07 à Bad Kissengen (Brahms) ; avec R. Capuçon (v), L. Power et V. Julien-Laferrière le 16/07 à Wupperthal (Brahms) ; avec l'Orch. phil. de Marseille, dir. L. Foster le 22/07 à La Roque d'Anthéron (Brahms) ; avec le Scottish Ch. Orch.,dir. M. Emelyanychev le 25/07 à Londres (BBC Proms, Saint-Saëns) ; avec l'Orch du Fest de Verbier, dir. T. Currentzis le 31/07 à Verbier (Rachmaninov, Rhapsodie sur un thème de Paganini) ; avec le Phil. de Hong Kong, dir. J. Van Sweden le 31/08 à Amsterdam (Rachmaninov) ; récital Bach/Liszt, Medtner, Rachmaninov et Bach/Brahms le 4/09 à Hagen-Haus, Liechtenstein ; avec l'Orch phil royal, dir. V. Petrenko le 12/09 à Bucarest (Liszt) ; récital Bach, Liszt et Chopin le 20/09 à Sainte Marie du Mont ; avec l'Orch de Strasbourg, dir. A. M. Patino-Osorio le 26/09 à Strasbourg et 27/09 à Thaon-les-Vosges (Prokofiev, Concerto pour piano n° 3).
mardi 10 juin 2025 à 08h03
Cette deuxième reprise de la production de 2020 de Manon de Jules Massenet d’après l’Abbé Prévost, signée par Vincent Huguet qui fut l’assistant de Patrice Chéreau, retrouve pour ses premières représentations la distribution de sa création. On admire toujours sa somptueuse mise en scène qui transpose l’action dans les Années folles avec une direction d’acteurs impeccable, même si on ne comprend pas très bien l’ajout du rôle de Joséphine Baker et qu’on déplore plusieurs libertés avec le livret (certaines ont heureusement été corrigées). Les décors monumentaux d’Aurélie Maestre évoquent l’architecture des années 1920, et les costumes de Clémence Pernoud sont constamment magnifiques. Très originale avec son ballet de cabaret, la chorégraphie réglée par Jean-François Kessler est admirable de fantaisie.
Un peu déçu de ne pas revoir le couple Nadine Sierra - Benjamin Bernheim, si parfait dans le Roméo et Juliette de Gounod au Metropolitan Opera la saison dernière, on retrouve avec bonheur la soprano égyptienne Amina Edris qui maîtrise toutes les facettes du rôle complexe de Manon avec une excellente diction et un Benjamin Bernheim en belle santé vocale dont c’est, avec Faust et Hoffman à notre avis, le meilleur rôle. Roberto Alagna lui succédera dans la deuxième série de représentations. Excellents aussi, le Lescaut d’Andrzej Filończyk et le Guillot de Morfontaine plutôt jeune de l’Australien Nicholas Jones. On a particulièrement apprécié la sobriété et la noblesse de Nicolas Cavallier dans le rôle du Comte des Grieux et retrouvé avec émotion dans celui, très épisodique, de l’Hôtelier le vétéran de la maison, Philippe Rouillon. Dirigés avec beaucoup de subtilité et d’efficacité par Pierre Dumoussaud, récemment nommé directeur musical de l'Opéra de Rouen-Normandie, l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra de Paris sont ici à leurs niveaux superlatifs.
Olivier Brunel
Opéra Bastille, le 1er juin 2025
Prochaines représentations les 11, 14, 17 et 20 juin, à 19 h
Photo : Amina Edris (Manon) & Benjamin Bernheim (Le Chevalier des Grieux) © Sébastien Mathé /Opéra de Paris
Ce Triptyque de Puccini – créé à New York en 1918 et non représenté à Paris depuis 1987 – dans une production du Festival de Salzbourg de 2022 mise en scène par Christof Loy, s’il est nouveau pour Paris, a cependant été diffusé par Arte Concert. Il marquait la consécration européenne d’Asmik Grigorian. Peu connue en France où elle n’a donné que quelques concerts, cette soprano lituanienne fait une grande carrière en Autriche et outre-Atlantique et c’est une grande chance de pouvoir l’entendre à Paris dans les trois rôles si différents de ce triptyque.
Bousculant l’ordre prévu par Puccini, Christof Loy fait débuter son Trittico à Florence avec la comédie Gianni Schicchi. Suit le drame sordide La Houppelande (Il Tabarro) dicté par la jalousie qui se passe sur les berges de la Seine à Paris. Enfin, Sœur Angelica pousse le drame un peu plus loin dans un couvent italien et laisse le spectateur dans une humeur plutôt sombre mais sur un message de rédemption. La scénographie réaliste, très sobre pour ne pas dire dépouillée, qui recycle certains éléments dans les trois opéras en un acte, permet de se concentrer sur l’action avec une direction d’acteurs virtuose. Au contraire de son Werther au TCE l’hiver dernier et du récent Peter Grimes à Lyon, Loy ne surajoute aucune intention personnelle à sa mise en scène hormis l’inévitable transposition dans des époques autres que celles du livret et une bien questionnable automutilation de la Sœur Angélique. Quelle que soit la motivation de l’ordre choisi pour représenter ce triptyque, on ne peut que constater qu’il va en ménageant les forces vocales et assurant une habile progression dramatique à Asmik Grigorian. Elle illumine comme personne O mio Babbino caro, seul air de l’acte comique, fascine dans le dilemme du trio amoureux de La Houppelande superbement incarné par Roman Burdenko (Michele) et Joshua Guerrero (Luigi) et culmine dans l’émotion poignante de son rôle de mère déchirée de douleur de Sœur Angélique.
Si elle domine une excellente distribution, identique à Salzbourg il y a deux ans, sans toutefois tirer la couverture à elle, on admire également l’excellent Schicchi de Misha Kiria, comique né, qui reste sur le chemin du bon goût dans un rôle pouvant prêter à tous les excès. Magnifique aussi toute cette famille jouant la farce avec une habileté théâtrale quasi pirandellienne. De même est formidablement rendu avec une habileté quasi cinématographique le pittoresque de ce quai des brumes qu’est l’épisode de la péniche de La Houppelande. Dans Sœur Angélique Karita Mattila impose une Zia Principessa glaçante et d’une féroce autorité. Aussi intense actrice que sa nièce Angélique, leur affrontement constitue l’un des moments théâtraux les plus puissants de la soirée. Carlo Rizzi dirige avec un sens aigu du théâtre et une grande attention aux chanteurs un Orchestre de l’Opéra de Paris dans une forme superlative. Et quand au rideau final reviennent saluer les trois distributions, chose rare à l’Opéra-Bastille, le public se lève comme un seul homme et réserve une standing ovation bien méritée, partagée par la vedette de la soirée très émue avec la troupe, l’orchestre, les chœurs et leurs chefs.
Olivier Brunel
Opéra Bastille, le 16 mai 2025

Prochaines représentations les 19, 22 et 28/05/2025 (19h) et 25/05/2025 (14h)

© Guergana Damianova / OnP : Asmik Grigorian (Suor Angelica) Karita Mattila (Zia Principessa) dans Sœur Angélique

jeudi 10 avril 2025 à 09h27
Déchéance du conte de fée et fortes visions oniriques

Exit la production de 1997, ascétique, intemporelle, hypnotisante, en ombres chinoises, probablement unes des meilleures de Robert Wilson, qui a défendu Pelléas et Mélisande de Claude Debussy sur la même scène, d'abord au Palais Garnier puis à l'Opéra Bastille, avec des interprètes souvent prodigieux pendant plus un quart de siècle. Le metteur en scène libano-québécois Wajdi Mouawad prend dignement la relève pour inscrire, on l’espère, cette pièce majeure au répertoire de la première scène lyrique française qui, comme Carmen de Bizet, devrait être accessible en permanence au public. Son approche convoque tous les tics et le confort moderne de la mise en scène lyrique contemporaine. Les interludes musicaux sont théâtralisés, l’envahissante vidéo tient lieu de scénographie et – le procédé se développe de plus en plus – le sur titrage ne se contente plus d’être supérieur et latéral à la scène, il est projeté sur son rideau de fond. Pas toujours inutile, évitant de voir des salles de spectateurs la tête levée et, car si la distribution est globalement bien disante, la projection du chant n’est pas toujours excellente.
On ne peut s’empêcher de penser qu’avec une telle distribution, le spectacle aurait gagné à revenir à Garnier. Le dispositif scénique sur trois niveaux fait que les chanteurs sont souvent plaqués contre le rideau de fond de scène (qui permet entrée et sorties par un système ingénieux de rideau de cordes, avec certes un effet cinématographique saisissant mais leurs voix ne projettent moins bien vers la salle que quand ils chantent plus en avant ou directement à l’avant-scène. Ainsi beaucoup de la superbe lettre de Golaud chantée par Sophie Koch passe à la trappe car on n’en perçoit clairement que les graves. Aussi pour Sabine Devieilhe, exquise Mélisande au discours tout en finesse mais n’ayant vraiment pas le format vocal de ce grand théâtre. Huw Montague Rendall (Pelléas à a diction parfaite) et Gordon Bintner (pour une fois un jeune Golaud) s’en tirent mieux alors qu’Arkel (Jean Teitgen) et le Petit Yniold (Anne Blanche Trillaud Ruggeri soliste de la Maîtrise de la Troupe lyrique maison à la technique vocale parfaite) peinent à se faire entendre.
Wajdi Mouawad opte pour une narration fidèle de cette « déchéance d’un conte de fée » en montrant la violence et la cruauté contenues dans le texte de Maeterlinck. On y voit le sanglier blessé par Golaud, son cheval dépecé par les « pauvres » qui rodent au Château d’Allemonde. Les vidéos de Stéphanie Jasmin vont d’un naturalisme figuratif à un bel impressionnisme avec des visions oniriques des protagonistes coulant au fond de l’eau comme les bijoux de Mélisande. La direction d’acteurs est irréprochablement lisible et si le spectacle flotte un peu sur l’immense plateau il est dramatiquement satisfaisant.
Le chef italien Antonello Manacorda exalte les aspects très dramatiques de la partition à la tête d’un orchestre magnifique qui a dû conserver en mémoire ce qu’avait apporté d’onirique Philippe Jordan lors des dernières reprises de la production de Wilson.

Olivier Brunel

Représentation du 28 février 2025

• Prochaines représentations les 4, 12, 15, 18, 20, 25 et 27 maos (19h30) et le 9 mars (14h30)
photo : © Benoîte Fanton OnP
• Captation réalisée par François Roussillon et produite par l'Opéra de national de Paris avec le soutien de la Fondation Orange à partir du 20 mars (19h30) sur la plateforme
POP
• Diffusion radio à venir sur France Musique
Claude Debussy
Debussy : Pelléas et Mélisande
Sabine Devieilhe (Mélisande), Huw Montague Rendall (Pelléas), Gordon Bintner (Golaud), Jean Teitgen (Arkel), Sophie Koch (Geneviève) Blanche Trillaud Ruggeri (Le Petit Yniold)
Chœur et Orchestre national de l'Opéra de Paris
Direction musicale : Antonello Manacorda
Mise en scène : Wajdi Mouawad
dimanche 9 février 2025 à 16h35
Piano quantique

Avantage de la musique vivante : On profitait au « TCE » de deux « stars », Kit Armstrong, musicien surdoué et personnage fulgurant et romanesque, et le piano Steinway, somptueux outil, qui répondait aux moindres nuances du jeu du pianiste. Celui-ci ne se privait pas de passer en un instant d’un univers à un autre, d’une violence fulgurante  à une douceur séraphique, ou de faire percevoir les voix complémentaires de sa main droite et de sa main gauche, en éloge et illustration du contrepoint. Kit Armstrong a une totale maitrise de son propos, et c’est un musicien « pédagogue ».  Ici, la filiation de Bach à Chopin, puis à Rachmaninov.   Armstrong qui, malgré son jeune âge, est aussi un compositeur prolifique, adore illustrer un répertoire débutant à Guillaume de Machaut, en passant par les virginalistes anglais, William Bird ou John Bull, en soulignant leur apport aux musiciens suivants, tout en jouant  également des compositeurs contemporains. Michel Mollard, complice de Kit Armstrong dans la composition du programme de cette soirée  compare malicieusement le pianiste au chat de Shrodinger, illustrant un paradoxe de la physique quantique qui est la propriété d’être en même temps dans deux lieux différents. La comparaison s’impose pour ce pianiste anglo-taiwanais, né en 1992, qui, à 20 ans, soutenait un master de mathématiques à Paris, après des études aux Etats unis et à Oxford. A 14 ans, une rencontre fortuite avec Alfred Brendel avait débouché sur « 4 heures de travail commun sur la sonate Les Adieux de Beethoven », puis le soutien indéfectible de Brendel. En 2012, Armstrong a racheté l’ancienne église de Hirson, dans l’Aisne, qui, depuis, abrite ses expériences  musicales et accueille nombre de ses amis, chambristes ou chanteurs. Il vit aussi bien à Hirson qu’en Italie, en Autriche, partout où sa boulimie de musique, de rencontres et de partage  trouve à s’exercer. Dernier projet en date, une « expédition Mozart » à travers l’Europe avec un groupe d’amis musiciens et chanteurs : treize dates à sillonner l’Europe entre le 18 avril 2024 et le 1er février dernier.
Denis Méchali

• Paris, Théâtre des Champs-Élysées, le 8 février. Photo DR

• En concert les 11/02 à Berlin (Philharmonie, avec Ensemble der Berliner Philharmoniker), 15/02 à Bamberg et 16/02 à Erlangen : Concerto en Fa de Gershwin avec Bamberger Philharmoniker, dir. B. de Billy ; 17/03 à Barcelone (Palau de la Músican) : récital Bach et Liszt ; 19/03 à Saint-Étienne (Théâtre Copeau) : Chopin, Liszt, Rachmaninov et Saint-Saëns ; 26/03 en récital à Bilbao ; 2/05 à Hirson (Église Sainte-Thérèse) : Semaine de la voix.
jeudi 12 décembre 2024 à 16h14
Troisième passage au Théâtre des Champs-Élysées pour ces Dialogues des Carmélites signés Olivier Py, emblématiques du directorat de Michel Franck à la tête du théâtre de l’Avenue Montaigne pour un ultime retour ? La mise en scène légèrement allégée dans la reprise de Daniel Izzo mériterait pourtant par son intériorité, son efficacité et sa grande intelligence une plus grande longévité. Bien heureusement, un DVD édité par Érato immortalise sa première mouture de 2013 – voir ici. Pour cette deuxième reprise certaines Carmélites se sont livrées à un jeu de prie-Dieu musicaux : si Véronique Gens reste une solide Madame Lidoine, Sophie Koch qui chantait Mère Marie est promue Madame de Croissy qu’elle incarne avec une intensité dramatique bouleversante et des moyens vocaux intacts. Patricia Petibon, inoubliable Blanche de La Force qui aura chanté dans sa carrière les trois rôles principaux de l’opéra, aborde celui de Mère Marie de l’Incarnation avec beaucoup d’autorité. Nouvelles venues dans ce Carmel, Vannina Santoni donne à Blanche une stature moins craintive, plus engagée qu’à l’habitude et Manon Lamaison succède à Sabine Devieilhe pour incarner une Sœur Constance bien extravertie. Les hommes ne déméritent pas avec le Chevalier de La Force très lyrique et élégant de Sahy Ratia, le Marquis au timbre chaleureux d’Alexandre Duhamel et l’excellent Loïc Félix en Aumônier. Le point noir de cette reprise accueillie triomphalement par le public, est la direction de Karina Canellakis qui, chauffant à blanc l’orchestre Les Siècles avec une direction brutale et bruyante, couvre énormément les chanteurs qu’elle oblige souvent à des excès nuisibles.
Olivier Brunel

Paris, Théâtre des Champs-Élysées, le 11 décembre. Photo : © Vincent Pontet

mercredi 11 décembre 2024 à 16h42
Opéra de poche, tant par son effectif – deux chanteurs et trois instrumentistes – que par sa durée – une soixantaine de minutes –, Le Sang du glacier est conçu comme une fable sur le bouleversement climatique. Commande de l’Opéra de Lyon associé au Théâtre du Point du Jour à la Franco-suisse Claire-Mélanie Sinnhuber (née en 1973), l’ouvrage évoque la fonte inexorable des glaciers d’où suppurent des algues rouges, qui témoignent de la pollution. Rédigé par Lucie Verot Solaure, le livret met en scène une scientifique, son frère et un fantôme, celui de leur père, alpiniste, dont le corps, pris par les glaces, est réapparu au bout de quelques années… Mais l’histoire n’avance pas, car tout est dit, hormis le fait qu’il s’échappe de l’eau polluée – ce que l’on apprend par la radio. Huis clos dans un labo restitué de manière efficace sur la scène du théâtre par Angélique Clairand (Petite Sirène d’après Andersen et Grieg avec Natalie Dessay à Lyon en 2009, suivie par un Peer Gynt de Grieg en 2022) et chanté tout du long par la soprano Charlotte Bozzi et le baryton Mathieu Dubroca. Signée pourtant par une compostrice formée à bonne école (Frédéric Durieux, Philippe Leroux, Salvatore Sciarrino, Grisey, Luca Francesconi…), la partition s’essouffle, ne parvenant pas toujours à créer un climat propice au drame : les longs accords continus à l’accordéon, manière d’étirer le temps, épousent la litanie du chant, tandis que le violoncelle, plus rythmique, en duo avec la harpe, se veut plus mystérieux. On songe parfois à l’étrange Conte fantastique de Caplet d’après Le Masque de la mort rouge d’Edgar Poe, également écrit pour harpe solo et quatuor à cordes, mais ce Sang du glacier manque d’ampleur, voire de l’ironie qui accompagne les contes horrifiques de Poe. Entre-temps, resserré sous le chapiteau du camion-opéra qui devrait sillonner la région Auvergne-Rhône-Alples (de mi-janvier à fin mars 2025), la forme légère de ce spectacle trouvera peut-être ses marques.
Franck Mallet

• Représentations suivantes les jeudi 12, vendredi 13 et samedi 14 décembre (20 h) à Lyon, Théâtre du Point du Jour.
• Photo : © Jean Louis Fernandez

mardi 16 avril 2024 à 12h25
La création française du Lac d’argent avait été assurée par Opéra Éclaté (Olivier Desbordes/Joël Suhubiette) en décembre 1999. Vingt ans plus tard, le Berlinois Ersan Mondtag signe un nouveau spectacle pour les Opéras de Gand et d’Anvers (où, un an plus tôt, il s’était fait remarquer avec Le Forgeron de Gand de Schreker) coproduit avec Nancy… qui a eu du flair ! On ne sait que louer dans ce spectacle – d’abord la partition, bien sûr, dopée aux mélodies entraînantes et capiteuses, entre veine populaire, ballade et oratorio, dévolues aussi bien à l’orchestre seul qu’à une série de chansons magnifiquement ciselées. Le texte de Georg Kaiser, ensuite, issu de l’expressionnisme certes, mais tourné vers un théâtre épique, à la fois satirique et féerique. Une ambiguïté et une drôlerie d’esprit surréaliste – l’ouvrage fut chahuté puis interrompu à sa création en 1933, l’année de l’accession de Hitler au pouvoir –, que le metteur en scène magnifie avec un spectacle plein d’imagination… quitte à en augmenter la durée de près d’une heure (!) en raison de séquences insérées en français, jamais redondantes ou déplacées, qui se marient judicieusement avec le propos de la pièce. Olim, officier prussien, tire sur Severin, qui a volé un ananas. Grâce à une grosse somme gagnée à la loterie, Olim rachète le château de Silbersee à un noble de Weimar. Bourrelé de remords, il y accueille Severin et prend soin de lui jusqu’à vouloir devenir son ami. Severin déprime et n’a qu’un but : se venger du policier… La gouvernante, Madame von Luber, qui appartient à la noblesse locale, exploite leur naïveté et réussit à les chasser du château : ils s’en échappent avec la volonté de se noyer dans le lac d’argent, sans y parvenir, car il est gelé. Le couple disparaît dans une lumière aveuglante sur cette ultime parole du chœur : « Tout n’est que commencement qui  se perd à l’orée du temps, comme finit la nuit en clarté dans une aube d’éternité ». Prenant à partie le public, celui de la salle et même celui de la célèbre place Stanislas où se situe l’Opéra, plusieurs séquences opèrent une distanciation brechtienne du meilleur effet, d’autant que le rôle d’Olim – formidable comédien Benny Claessens ! – se dédouble avec celui d’un metteur en scène qui hésite sur le bien-fondé de son spectacle…  Son « acolyte » Séverin, le jeune baryton Joël Terrin – grand dégingandé de deux mètres de haut, au moins ! – lui offre la réplique idéale, délirant et touchant comme le couple de la série Little Britain – Olim pourrait revendiquer la formule : « I’m the only gay in the village ». De la première scène avec ces êtres fantastiques et mutants à la Max Ernst – bras, jambes et yeux par trois – qui organisent « les funérailles de la faim », à ces pitoyables manifestants cagoulés et robots-médecins, en passant par le décor néo-égyptien futuriste où officie une Cléopatre / Madame von Luber dominatrice (Nicola Belier Carbone) ; des costumes toujours plus somptueux – hauts dignitaires chinois, pharaons, saints martyrs, cabaret (latex noir pour Olim, rose fuschia pour Séverin –, au plateau tournant final avec ses trois décors, ce Lac d’argent impressionne et tourbillonne, mené avec fougue par le chef d’orchestre Gaetano Lo Coco. Applaudissements à tout rompre… Sans hésiter l’Ananas d’argent du meilleur spectacle !                            
 Franck Mallet

• Der Silbersee (Le Lac d’argent) de Weill sur un livret de Georg Kaiser 
• Nouvelles représentations les mardi 16/04, jeudi 18/04 et samedi 20 à 20h.  

Photo : Le Lac d'argent © Jean-Louis Fernandez
vendredi 9 février 2024 à 14h39
Avec son spectacle « Birds », en un peu plus d’une heure, le jeune ensemble Maja (lauréat 2023 du tremplin Jean Claude Malgloire de l’Atelier lyrique de Tourcoing) revigore l’esprit du théâtre musical, genre célébré à l’orée des années 1960 où s’engouffrèrent nombre de musiciens, en particulier le Français Georges Aperghis – qui lui donna ses lettres de noblesse. Presque vingt ans avant son opéra Le Grand Macabre, Ligeti tournait en dérision la comédie humaine dans l’« action scénique » Aventures et Nouvelles aventures (1962/65) dévolue à trois chanteurs et sept instrumentistes. À partir d’une langue artificielle en écriture phonétique, les protagonistes s’affrontent joyeusement dans une gestique entremêlant parties vocales et instrumentales. Coiffés de plumes,  gesticulant, Anne-Laure Hulin, Romie Estèves et Pierre Barret-Mémy (soprano, mezzo et baryton)  sont les héros volubiles de cette pièce sans queue ni tête dont on saisit pourtant la moindre expression et le sens le plus intime grâce à la direction idoine de Bianca Chillemi – qui fait son miel de cette fantaisie langagière.
D’une folie à l’autre, « Birds » enchaîne ensuite sans entracte les Eight Songs for a Mad King composées en 1969 par le Britannique Peter Maxwell Davies : un soliloque pour baryton et six musiciens, dont le livret s’inspire des paroles de George III, roi dépressif puis reconnu dément à la fin de sa vie (il meurt en 1820) … et qui fut grand amateur d’oiseaux. Dans un style plus traditionnel que Ligeti, la partition bénéficie néanmoins des sonorités inusitées de percussions légères et d’appeaux. Le baryton Vincent Bouchot, à qui échoit le redoutable rôle du roi fou – la technique vocale requise s’étend sur plus de cinq octaves ! –, nous tient en haleine : un « one man show » sensible et grandiose, mis en scène par Cécila Galli, et que symbolisent les bras tentaculaires d’une couronne cage… Un spectacle haut en couleur.           
Franck Mallet

• « Birds »  d’après Aventures et Nouvelles aventures de Ligeti et Eight songs for a Mad King de Peter Maxwell Davies par l’Ensemble Maja, dir., conception et piano Bianca Chillemi les 9 et 10 février (20 h)  à l’Athénée Théâtre Louis Jouvet (Paris)

Photo : Crédit @Animata Beye
 

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