Mardi 7 octobre 2025
Concerts & dépendances
Les Contes d'Hoffmann à l'Opéra comique
mardi 30 septembre 2025 à 09h39

Des contes de Nicklausse ?

On est sorti de la Salle Favart plutôt dépité après y avoir vu et entendu Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach réduits à une version tronquée, tronçonnée même, aux dialogues réécrits dans une adaptation que l’on n’hésitera pas à qualifier de « pour les nuls » tant elle nous semble ne pas faire confiance, voire faire injure, au public cultivé et considéré comme une des plus traditionaliste de la capitale (mais le public change…).
 Injure aussi aux musicologues Michael Kaye et Jean Christophe Keck qui ont inlassablement travaillé des années pour établir une partition aussi complète que possible de cette oeuvre testamentaire laissée pour incomplète à la mort du compositeur ? La présence d’un texte de Jean Christophe Keck dans le programme de salle cautionnerait t-elle l’option d’avoir confié à Lotte de Beer (directrice du Volksoper de Vienne) une adaptation de l’œuvre qui lui permet de rentrer dans le format « trois heures entracte inclus » pour son retour dans deux des lieux emblématiques de sa création (sur les quatre de la coproduction) :  Paris et Vienne ? Précisons que l’adaptation suppose des coupes sombres dans la musique et que, ayant opté pour la version dite « Guiraud » avec dialogues parlés, elle comporte une réécriture complète des dialogues. Les nouveaux dialogues signés par Peter te Nuyl, dramaturge de l’équipe, censés faire avancer l’action brouillent souvent les pistes de la compréhension, tirent vers le bas par leur trivialité le style de l’œuvre mais surtout, étant confiés principalement à La Muse d’Hoffmann, personnage clé dans la partition complète de Kaye et Keck, ils confèrent à ce personnage une mission de donneur de leçon à Hoffmann sur sa moralité, son essence poétique et son attitude vis à vis des femmes. Est-on toujours chez Offenbach/E.T.A Hoffmann/Carré et Barbier ? 
La production signée Christof Hetzer pour les décors et Jorine van Beek pour les costumes nous a paru (soyons charitable) bien modeste avec son décor unique plutôt défraîchi et ses bien laids costumes contemporains : Hoffmann est fagoté comme un Rodolfo de La Bohème dans un théâtre pauvre. Une option bien décevante à Paris qui a connu depuis un demi-siècle des production des Contes déjà légendaires. Dans un espace étriqué, la direction d’acteurs pèche par son approximation et par des idées saugrenues comme de faire tomber constamment le rideau pour jouer les scènes « capitales » à l’avant-scène, d’abuser des doubles d’Hoffmann ou de faire changer les accessoires de taille : la poupée assise de cinq mètres de haut par exemple ne permet pas à la scène « clé de l’automate » de se dérouler comme prévu. L’acte de Venise est lui méconnaissable… Bref c’est une adaptation dont on aurait dû avoir l’honnêteté de prévenir le public comme le font désormais les théâtres qui proposent des révisions de pièces du répertoire « d’après Shakespeare » ou « d’après Tchekhov ». L’Opéra de Lyon pour l’inauguration de la salle de Jean Nouvel en 1993 avait eu celle de nommer son spectacle adapté pour cause de moyens : « Des Contes d’Hoffmann… ». 
Pour la musique, le chœur Ensemble Aedes et l’Orchestre philharmonique de Strasbourg – le premier coproducteur où a été créé ce spectacle en janvier dernier –, sous l’excellente direction de Pierre Dumoussaud – dont on peut s’étonner aussi, texte dans le programme à l’appui, qu’il cautionne le tronçonnage de la partition –, ont parfaitement dompté l’acoustique singulière de la Salle Favart. La distribution très inégale a été diversement commentée par les différents observateurs. Il nous a semblé que le formidable ténor Michael Spyres n’était pas au mieux de sa forme le premier soir, mais peut être était-il mal à l’aise dans cette étrange réalisation ? Amina Edris qui cumulait les quatre rôles féminins n’était satisfaisante dans aucun, avec une diction non parfaite : coloratures d’Olympia approximatives avec suraigus chantés à l’arraché, peu sensuelle pour Antonia. Pour les quatre rôles « noirs » ce n’est pas la diction qui faisait défaut à Jean Sébastien Bou mais plutôt le grave du registre et aussi la prestance scénique inhérente à ces parties diaboliques. 
C’est bien sûr La Muse/Nicklausse d’Héloïse Mas qui a emporté l’adhésion du public (les publics changent…) pour son indéniable présence scénique mais il nous a semblé qu’elle tirait trop souvent la couverture à elle au détriment de la vérité des autres personnages, notamment du rôle éponyme. Alors, « Des Contes de Nicklausse » ???
Olivier Brunel

• Salle Favart le 25 septembre 2025

• Prochaines représentations les 29 septembre, 1er et 3 octobre, 20h et 5 octobre, 15h

• Photo : Jean-Sébastien Bou (Lindorf/Coppélius/Miracle/Dapertutto) et Michael Spyres (Hoffmann) DR Stefan Brion
 

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