Samedi 15 novembre 2025
La Walkyrie de Wagner à l'Opéra Bastille
Une Walkyrie en pilote automatique

Pour le deuxième volet de son Ring à l’Opéra de Paris, Calixto Bieito déroule la suite logique du prologue présenté l’an dernier (voir ici), non sans donner l’impression d’avoir déjà épuisé pas mal de ses cartouches. On retrouve inévitablement cet univers dystopique où la maîtrise des données numériques est le principal enjeu, d’où le retour des câbles qui pendouillent un peu partout dans le Walhalla devenu data center. Cette Walkyrie se déroule dans un unique décor « simultané », grande structure métallique qui superpose comme trois conteneurs de fret la demeure de Wotan, celle de Hunding et le rocher de Brünnhilde. Pour le premier acte, on a reproduit un appartement en ruines dans la ville fantôme de Prypiat, près de Tchernobyl, ce qui permet d’avoir un frêne au milieu du salon. C’est d’ailleurs la cohabitation du high-tech et de l’archaïsme qui surprend ici le plus : dans ce monde post-nucléaire, post-tout, on chasse encore le bouquetin (on échappe de justesse à son dépeçage) et l’on se bat encore à l’épée. Si la brutalité prévisible règne dans la demeure de Hunding – sans doute régulièrement tabassée par son époux, Sieglinde tient Siegmund en respect pendant vingt bonnes minutes, mitraillette en main – le Walhalla est en revanche un monde de sales gosses : les dieux se font des grimaces, Wotan crache au visage de son épouse qui vient de donner un superbe exemple de womanspreading, et Brünnhilde en crinoline caracole sur un cheval-bâton. La chevauchée des Walkyries est un kaléidoscope d’images qui juxtapose tout et n’importe quoi (Godzilla, Marilyn, des chatons…) et les adieux père-fille sont tout sauf déchirants : Brünnhilde bourre son père de coups de poing et celui-ci, après avoir longuement étalé sa collection de masques à gaz, part en esquissant trois pas de danse…
Heureusement, l’oreille est bien davantage à la fête, même si Pablo Heras-Casado, très chaleureusement applaudi, ne peut faire l’impossible dans l’acoustique du grand hangar. La distribution vocale est de haute tenue, notamment grâce au nouveau forfait de Ian Paterson, qui cède la place – jusqu’à quand ? – à l’excellent Christopher Maltman, totalement maître de la tessiture de Wotan et qui se plie aux facéties imposées par la production. Bien plus que dans le répertoire italien, Tamara Wilson est ici tout à son affaire dans le rôle-titre et prête à l’ado rebelle une voix ample et souple. La barre est d’emblée placée très haut avec Günther Groissböck, Hunding de luxe, Elza van den Heever, Sieglinde émouvante, dont le jeu théâtral est peut-être le plus travaillé, et Stanislas de Barbeyrac, Siegmund qui inspire un légitime Cocorico. Francophones également, Ève-Maud Hubeaux déjà présente dans Rheingold a cette fois plus grande latitude de déployer son expressivité, et Marie-Andrée Bouchard-Lesieur se distinguera probablement davantage si elle revient en Waltraute dans Götterdämmerung.
Laurent Bury
 
• Wagner, Die Walküre, Opéra-Bastille, 11/11, 18h30

• Prochaines représentations les 15, 18, 21, 24 et 27/11, à 18 h 30 et le 30/11 à 14 h

• Photo Stanislas de Barbeyrac (Siegmund) et Elza van den Heever (Sieglinde) © Herwig Prammer/OnP 

Wagner : La Walkyrie
Stanislas de Barbeyrac (Siegmund), Christopher Maltman (Wotan), Günther Groissböck (Hunding), Elza van des Heever (Sieglinde), Tamara Wilson (Brünnhilde), Ève-Maud Hubeaux (Ericka), Louise Foor (Gerhilde), Naura Wilde (Ortlinde), Marie-Andrée Bouchard-Lesieur (Waltraude)
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Direction musicale : Pablo Heras-Casado
Mise en scène : Calixto Bieito

mis en ligne le mercredi 12 novembre 2025

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