Vendredi 24 octobre 2025
Ténor vedette
Les premiers enregistrements de Jonas Kaufmann rassemblés dans un coffret
The Decca recordings

Les inconditionnels de la première heure du ténor allemand Jonas Kaufmann qui, ayant vite quitté Harmonia Mundi, a rejoint Universal avant de passer chez Sony, auront collectionné ces enregistrements Decca des quinze premières années de ce siècle. Les kaufmannophiles plus récents les retrouveront réunis sous forme d’un coffret de 15 CD. Il comporte quelques digitalisations pour les enregistrements les plus anciens et de très rares inédits : trois airs d’opéra, un lied et des interviews. Si le coffret reprend les pochettes d’origine (sans les notices), l’éditeur aurait pu faire un meilleur effort éditorial pour honorer celui qui a été son ténor vedette pendant quinze ans.
Plusieurs enregistrements de ce coffret ayant déjà, été chroniqués ici sous la plume de François Lafon lors de leurs parutions, on se contentera de les évoquer pour se concentrer sur les autres. Dans le Requiem de Verdi à l’occasion de son bicentenaire (Teatro alla Scala de Milan août 2012), enregistrement live sous la direction de Daniel Barenboim, si le ténor était formidablement entouré par Anja Harteros, Elīna Garanča et René Pape, l’Orchestre et les Chœurs du théâtre milanais leur volent presque la vedette. Une référence moderne toujours actuelle. Fidelio enregistré en version de concert au Festival de Lucerne en Août 2010 sous la direction de Claudio Abbado avait été accueilli par François Lafon comme « une version à part » dans une discographie plutôt riche de l’unique opéra de Beethoven (voir ici). Au sein d’une distribution très soignée, Jonas Kaufmann excelle dans le rôle de Florestan. A ses côtés la Leonore ardente de Nina Stemme, Peter Mattei, Falk Struckmann et Christoph Fischesser. La direction d’Abbado à la tête des Mahler Chamber orchestra et Lucerne Festival Orchestra est un atout de taille. Königskinder (Enfants de roi) opéra conte de fée de Humperdinck moins célèbre que son Hänsel et Gretel, a été filmé par Decca à l'Opéra de Zürich en 2010 avec Jonas Kaufmann. Le DVD a été chroniqué ici par François Lafon (et ici). La version audio présente dans ce coffret a été enregistrée au Festival de Radio France Montpellier Languedoc-Roussillon sous la direction d’Armin Jordan, en 2005. C’est un petit bijou dans lequel le ténor trouve un rôle idéal, dans lequel il déploie une élégance stylistique et une beauté vocale exceptionnelles – assez bien entouré avec Nora Gubisch en sorcière et Ofelia Sala en gardeuse d’oie. Autre opéra contenu par ce coffret, le rare Oberon de Weber sous la baguette de John Eliot Gardiner à la tête de son Orchestre révolutionnaire et romantique et du Monteverdi Choir. Ici encore, au tout début de sa carrière internationale – 2002 –, le ténor allemand brille au sein d’une distribution soignée, sans vedettes, hormis à la soprano finlandaise Hillevi Martinpelto, et dans une version très allégée par le chef britannique. 
L’album double entièrement consacré aux airs et scènes d’opéras de Richard Wagner accueilli par François Lafon comme une performance « au sex-appeal vocal (et physique) savamment cultivé » (et encore ici) montre le ténor dans une forme vocale insolente : l’enregistrement de studio est de 2012 sous la direction de Donald Runnicles à la tête de l’Orchestre du Deutsche Oper de Berlin. Kaufmann excelle dans presque tous les rôles du répertoire wagnérien (il n’avait pas encore abordé Tristan à l’époque) particulièrement dans Sigmund et Lohengrin et dans les Wesendonck-Lieder version ténor… et on peut y apprécier les belles teintes barytonales de sa tessiture. L’album comporte par rapport à celui d’origine publié en 2013 un CD entier de « pensées et souvenirs » du ténor sur les rôles wagnériens abordés… pour spécialistes.
L’album dirigé par Claudio Abbado en studio en 2008 est sans aucun doute le meilleur de ces récitals. On y retrouve Wagner avec plus de mystère (et de fraîcheur dans la voix qu’en 2013 avec Runnicles) pour deux airs superbes de Lohengrin : In fernen Land et Mein lieber Schwann ! (avec l’intervention du Roi de Valdis Jansons), deux airs de Parsifal magnifiques (avec la Kundry de Margarete Joswig et luxe absolu le Chœur du Teatro Regio de Parme) et un air de Sigmund. Abbado dirige le Mahler Chamber Orchestra qui se révèle plus transparent que l’orchestre berlinois avec Runnicles. Fraîcheur vocale étonnante également dans les deux airs de Tamino de La Flûte enchantée (avec le Sprecher de Michael Volle) et l’air Gott ! Welch dunkel hier ! de Florestan de Fidelio qui est le meilleur contenu par ce coffret. Deux airs de Schubert : Fierrabras, un rôle dans lequel Paris avait pu l’entendre au Châtelet en 2006 et Alfonse et Estrella complètent ce panorama germanique. 
Le récital « Romantic Arias » de 2008 est un fourre-tout réalisé en studio avec l’Orchestre philharmonique de Prague sous la direction impeccable de Marco Armilaito. Le ténor est au mieux vocalement mais assez monotone d’un air à l’autre. Le programme va de Puccini et Verdi à Berlioz et Massenet en passant par Flotow et Weber… Un air de La Rondine de Puccini n’avait jamais été publié et le Lied Cäcilie de Richard Strauss donné comme un bonus. Une grande d’heure d’opéra qui sent terriblement le studio. Dernier récital, l’album « Verismo » enregistré en 2010 à Rome avec l’Orchestre et Chœur de l’Académie nationale Sainte Cécile dirigé par rien moins que Antonio Pappano, montre Kaufmann dans un répertoire radicalement différent, le vérisme italien dans lequel il est grâce à sa tessiture assez large dans le grave, plutôt à l’aise et globalement plus sobre que certains de ses collègues italiens… L’air de L’Arlesienne de Cilea est un exploit d’allégement. Un autre bonus avec un air d’Iris de Mascagni. Un bel héritage discographique avec une manière de politique artistique que ne semble pas vraiment suivre son nouvel éditeur. 
Olivier Brunel


Divers compositeurs…
Jonas Kaufmann (ténor)…
Divers orchestres…
Direction musicale : Claudio Abbado, Marco Armiliato, Daniel Barenboim, John Eliot Gardiner, Armin Jordan, Antonio Pappano, Donald Runnicles
15 CD Decca 487 0033 Edition limitée (dist. Universal)

mis en ligne le vendredi 24 octobre 2025

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