Mardi 9 décembre 2025
Concerts & dépendances
Théâtre des Champs Elysées : La possibilité d'une île
dimanche 7 décembre 2025 à 19h11
Laurent Pelly ajoute à son palmarès Offenbach le rare Robinson Crusoé que la France n’avait pas vu depuis la production de Robert Dhéry pour l’Opéra de Paris, en 1986. Le metteur en scène, qui a signé des productions mémorables comme en témoignent les vidéo des opérettes les plus réussies – Belle Hélène et Grande Duchesse de Gerolstein au Châtelet ou Orphée aux Enfers pour l’Opéra de Lyon – sait transformer en une égale réussite les ouvrages plus faibles comme Le Roi Carotte, monté à Lyon, en 2015. Quoique contemporain de La Duchesse de Gerolstein (1867), Robinson Crusoé accuse quelques faiblesses dramaturgiques, avec un acte I interminable quasi vaudevillesque et un dernier un peu bancal, qui tombe à plat après le délire et la féérie bouffe du III ! L’équipe soudée que forment Laurent Pelly, la chorégraphe Chantal Thomas et sa dramaturge Agathe Mélinand qui dope les dialogues désuets d’un soupçon d’actualité, sans oublier le chef d’orchestre Marc Minkowski, ne font qu’une bouchée de l’ouvrage pour le rendre formidable.
Prouesse d’autant plus méritoire qu’aujourd’hui, toucher au colonialisme dont se nourrit le roman de Daniel Defoe et qui a inspiré les librettistes Eugène Cormon et Hector Crémieux, relève de l’équilibre de haute voltige ! À l’insularité commuée en misère des grandes villes avec ses sans-abris et leurs tentes de fortune au pied des immeubles de luxe et l’anthropophagie assimilée au fast food, s’ajoutent des pirates mercenaires et des sauvages clones de Donald Trump à moumoutes blondes et cravates rouges. Réglées au millimètre, la direction d’acteurs et la chorégraphie de Chantal Thomas, toujours virtuose pour transformer en mouvement l’ivresse de la musique, transmettent au spectateur d’aujourd’hui ce qu’a pu être le vertige éprouvé par celui du Second Empire. On n’est pas près d’oublier la performance de Julie Fuchs (Edwige, fiancée de Robinson dans le livret romancé de la version opérette) chantant le tube : « Conduisez-moi vers celui que j’adore » en petite tenue sans perdre une once de ses moyens vocaux ni de son charme, tandis que de vilains sauvages aux pieds verts l’entraînent dans une chorégraphie infernale. 
Autour d’elle, la distribution est un sans-faute absolu avec Sahy Ratia Robinson infaillible vocalement, Adèle Charvet débordante de tendresse dans le rôle travesti de Vendredi, Rodolphe Briand truculent Jim-Cocks et le chœur Accentus. La partition orchestrale n’accuse elle aucune faiblesse avec des pages exquises pour les intermèdes. Les Musiciens du Louvre, leurs excellents vents et violoncelles lui rendraient pleine justice s’ils n’étaient trop souvent poussés par Marc Minkowski à des extrêmes sonores et des brutalités rythmiques qui restent le seul point faible de cet excellent spectacle qui a remporté le soir de la première un triomphe public.
Olivier Brunel

• 1er décembre à Paris, Théâtre des Champs-Élysée

• Prochaines représentations les 8, 10 et 12/12 (19 h 30) et 14/12 (17 h)

• Photo : Julie Fuchs (Edwige) et Sahy Ratia (Robinson) - (c) Vincent Pontet
 

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