Le génie de Rameau est d’avoir réussi, dans Castor et Pollux, une alliance rarement aussi achevée entre les trois éléments que sont le chant soliste, le chant choriste et la danse. Mais Christian Schiaretti, le metteur en scène de la production des Champs-Élysées, a peur du vide et du silence, les remplit par de l’action et de la violence, et au lieu de mettre ces trois éléments en sympathie, les oppose avec un parti pris systématique. Aux chanteurs, qu’il laisse désespérément sans direction de scène, il demande de chanter vite et fort. La consigne, peu baroque et donnée à une distribution plus à l’aise dans le bel canto verdien que dans la tragédie lyrique, fait voler en éclat diction, prosodie, et affects de l’opéra à la française. A ce rythme, l’interprétation d’Hervé Niquet tient de la performance physique. Le Concert Spirituel, ses bois et ses vents superbes, ne mérite pas un tel traitement, inhabituel certes. Même précipitation et agitation continues en matière de danses, quelles que soient les circonstances : la chorégraphie pourtant inventive d’Andonis Foniadakis sacrifie l’expressivité à la performance. Alors, que reste-t-il de ce Castor et Pollux ? Des chœurs, ceux du Concert Spirituel, en force eux aussi, mais qui parviennent à restituer les subtilités ramistes. Et comme Rameau leur a fait la part belle, sous leur souffle inspiré, Castor et Pollux se transforme en un opéra pour chœur avec intermèdes solistes. Pour notre plus grand plaisir, même si on s’attendait à autre chose.
Albéric Lagier
Théâtre des Champs Elysées 15, 17, 19 et 21 octobre Photo © TCE