Lundi 22 décembre 2025
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Opéra de Paris : Bohème dans l’espace, Tosca à l’hospice ?
mardi 9 décembre 2025 à 20h17
Si Pierre Audi était encore de ce monde, peut-être réviserait-il sa mise en scène de Tosca, initialement conçue pour l’Opéra de Paris en 2014, pour tenir compte des interprètes qui se succèdent dans cette production constamment reprise. Il pourrait, par exemple, utiliser le principe rétrospectif qui, depuis plusieurs décennies, nous vaut tant de spectacles où le protagoniste se remémore ses jeunes années : Cavaradossi octogénaire revivrait ainsi les heures mouvementées de ce lointain mois de juin 1800 (bien sûr, le peintre est censé mourir à la fin de l’opéra, mais l’ingéniosité des metteurs en scène se laisse rarement décourager par ce genre d’obstacle). Cela aurait l’avantage de justifier le décalage entre ce que l’on voit et ce que l’on entend. Sur le plan théâtral, Jonas Kaufmann, protagoniste de trois représentations à Bastille, fait encore illusion, mais sa voix est désormais durcie, rétive à l’aigu forte dont l’émission nécessite un effort perceptible ; du fameux chocolat chaud jadis chère aux mémères, on ne retrouve plus la saveur que dans la nuance piano. 
C’est d’autant plus dommage que le reste du trio est en pleine forme. Déjà Tosca dans ce même spectacle en 2022, et peut-être plus convaincante que dans la récente Aida, Saioa Hernández propose un portrait complet de la cantatrice imaginée par Victorien Sardou pour Sarah Bernhardt : scéniquement convaincante, elle maîtrise toutes les facettes musicales du rôle, la véhémence nécessaire mais aussi la douceur d’un superbe « Vissi d’arte », la sensualité de l’amante et la puissance nécessaire à franchir la rampe à Bastille. Quant à Ludovic Tézier, on a peine à croire qu’on ait jamais pu lui reprocher une certaine placidité d’acteur, tant son Scarpia est détaillé par les gestes, les mimiques et les mille intentions dont il pare son jeu. En glorieuse possession de ses moyens vocaux, le baryton français – présent pour trois soirs comme son complice allemand – remporte ici un triomphe mérité, dans un personnage qui lui va comme un gant.
La direction d’Oksana Lyniv surmonte toutes les difficultés liées à l’acoustique de Bastille et laisse admirablement respirer la musique de Puccini sans rien céder de la tension nécessaire. De la mise en scène, somme toute très classique, de Pierre Audi, on retient l’efficacité des deux premiers actes (mais pourquoi faire pivoter de quelques centimètres l’énorme croix qui, surmontée de bastingages, ressemble d’abord à un paquebot ?), malgré le no-man’s-land du troisième où Tosca, privée de tout rebord d’où sauter, ne peut qu’avancer vers l’aveuglante lumière du fond de scène.

Laurent Bury
 
• Puccini, Tosca. Opéra Bastille, lundi 8 décembre 2025, 19h30
 
• Distribution et prochaines représentations, jusqu'au 27/12, puis du 12 au 18/04 : voir ici

• photo : Ludovic Tézier (Scarpia) et Saioa Hernández (Tosca) - Elisa Haberer / OnP 
 

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