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Opéra Comique : Orphée et le Pepper’s Ghost
samedi 13 octobre 2018 à 01h37
Ouverture de la saison à l’Opéra-Comique : Orphée et Eurydice de Gluck, version Berlioz ou presque. Ce work in progress depuis sa création en 1762 en a vu d’autres, Orphée-castrat devenant ténor à Paris, avant que l’alto Pauline Viardot ne l’incarne presque un siècle plus tard dans cette mouture berliozienne – orchestration mise à jour et transposition du rôle-titre, mais aussi savant montage des beautés de la VO et des fastes plus versaillais de la VF. Plus d’ouverture frénétique donc, mais un larghetto tiré du ballet Don Juan (de Gluck quand même), plus de happy end avec Amour ré-unissant les époux, mais un retour se terminant en point d’interrogation de la déploration initiale. Pour « appréhender d’un point de vue physique » cet Orphée côté sombre, le metteur en scène Aurélien Bory fait référence à la version dansée de Pina Bausch. On pense aussi à Trisha Brown, chorégraphe elle aussi, et à son Orfeo (… de Monteverdi) défiant la pesanteur. Puisque Orphée perd son Eurydice en se retournant, c’est tout le théâtre qui se retourne dans le basculement d’un Pepper’s Ghost, « dispositif optique renversant la verticalité en profondeur » (sic). Superbes effets assurés, gestuelle virtuose, rituel ludique bien éloigné des trop fréquentes problématiques dramaturgiques du Regietheater. Adéquation surtout avec Raphaël Pichon et son bien nommé ensemble Pygmalion (orchestre et chœur), mariant Gluck et Berlioz dans une continuité dont ce dernier a nourri ses Troyens. Sept ans après sa prise de rôle à l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris (voir ici), Marianne Crebassa devenue tête d’affiche spécialisée dans les dames à pantalon (c’est à dire travesties) confirme les espoirs mis en elle à l’époque : présence scénique, timbre profond, virtuosité et diction affermie. Lea Desandre lui vole la vedette le temps d’un air en Amour acrobate, symbole de vie selon le metteur en scène (alors qu’Eurydice est symbole de mort), secondée par une troupe de circassiens qui n’est pas pour rien dans la magie du spectacle, tandis qu’Hélène Guilmette, elle aussi vouée à la portion congrue, conserve sa poésie à cette Eurydice qui, plus que celle de Monteverdi, semble souhaiter que le malheur arrive. 
François Lafon

Opéra Comique, Paris, jusqu’au 24 octobre. En direct sur Arte Concert le 18 octobre.
Diffusé ultérieurement sur France Musique (Photo © Pierre Grosbois)

 

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