Au musée de la Philharmonie 2, exposition Pierre Boulez (90ème anniversaire et ouverture de la Philharmonie 1, dont il est un des principaux instigateurs). Une rétrospective sur deux étages, aussi exhaustive que possible - rien à voir avec Le Louvre invite Pierre Boulez, en 2008, jeu de miroirs entre « l’inachevé et le fini ». Le pendant austère de l’exposition David Bowie, qui attire les foules à la Philharmonie 1 ? Pas si simple ! Dans sa quête d’une modernité dont notre époque se targue d’être revenue, Boulez a côtoyé musiciens, poètes et plasticiens parmi les plus grands, fréquenté l’Institution sans mettre sa liberté en péril, tenté des expériences avec ou sans lendemains, influencé les politiques dans l’ombre ou dans la lumière, usé de violence et joué de son charme. L’exposition (commissaire : Sarah Barbedette ; metteur en espace : Ludovic Lagarde) raconte cette recherche d’un art en résonance avec les autres arts, assume et se nourrit des richesses et contradictions qui en découlent, sans chercher à tresser systématiquement des lauriers au grand homme, et c’est sans doute-là la clé de sa réussite. Partitions, articles, photos documents filmés et sonores (n’oubliez pas l’audioguide : la voix de Boulez est un monde en soi et sa rhétorique est imparable), mais aussi toiles (Cézanne, Klee, de Staël, Mondrian, Masson, magnifique triptyque de Bacon), manuscrits (dont Boulez lui-même, à l’écriture précise et minuscule, fascinante page « à paperolles » de Proust) jalonnent un parcours articulé autour de cinq œuvres clés (2ème Sonate pour piano, Le Marteau sans maître, Pli selon Pli, Rituel, sur Incises), de la classe de Messiaen au Conservatoire à la Compagnie Renaud-Barrault, du Domaine Musical à l’exil anglo-américain, de Bayreuth à l’Ircam, de la Cité de la Musique à … la Philharmonie. Au beau milieu : un mur de c…ritiques et articles polémiques signés, entre autres, Clarendon (son vieil ennemi du Figaro), Marcel Landowski (idem au Ministère), et même Carmen Tessier, la Commère dont les potins faisaient trembler Paris. En fin de parcours : un espace Répons, le grand-œuvre boulézien, avec diffusion spatialisée et exposition de l’historique machine 4X (analyse et synthèse en temps réel de signaux sonores). Autour de l’exposition : concerts, tables rondes et installations. Somptueux catalogue chez Actes-Sud. La modernité fait toujours rêver.
François Lafon
Espace d’exposition du Musée de la musique, Philharmonie 2, Paris, du 17 mars au 28 juin