Mercredi 10 septembre 2025
Le cabinet de curiosités par François Lafon
À l’occasion du décès de Bob Wilson, entretien paru dans 
Artpress n° 316, Octobre 2005

Opéra : le langage des plasticiens

Bob Wilson et le Ring, peindre avec la lumière
entretien avec Franck Mallet

Comme au début du 20e siècle, l'opéra est, aujour­d'hui encore, une « vitrine » ouverte sur un large public, où les images s'animent et se renouvellent sous le regard de mul­tiples plasticiens. En vrais « instal­lationnistes », ces derniers trouvent à l'opéra un accomplissement – loin des installations mortifères encombrant les musées. Bob Wilson, artisan de ce renouveau, témoigne que la mise en scène de ses propres ouvrages comme celle d'œuvres du répertoire est une seule et même expérience. À l'occasion de sa mise en scène du Ring de Wagner à Paris (Théâtre du Châtelet), il s'entretient avec Franck Mallet sur sa conception du spectacle.




Bill Viola s’exprime sur sa première collaboration à l’opéra avec le metteur en scène Peter Sellars. Il a réalisé un film vidéo de quatre heures accompagnant Tristan et Isolde de Wagner ; ce spectacle fut un tel événement en avril et en mai à Paris (à l’Opéra-Bastille) qu’il se déroula à guichets fermés – il est heureusement repris en novembre prochain. La Flûte enchantée de Mozart a, encore récemment, à Salzbourg, Bruxelles, Strasbourg et Paris, concentré les talents d’artistes aussi différents que le Catalan Jaume Plensa, l’Allemand Achim Freyer et le Sud-Africain William Kentridge – une occasion supplémentaire d’évoquer leur rapport à l’opéra.

Préférez-vous mettre en scène vos propres spectacles ou des ouvrages du répertoire, passé ou présent ?


Je ne vois pas une telle différence entre mettre en scène un spectacle que j’aurais conçu dans sa totalité, et revenir ensuite à une production plus classique, que serait l’opéra, comme un livre blanc qu’il faudrait rendre expressif… 
  


Avant le Ring, était-il pour vous nécessaire d’aborder Wagner en montant tout d’abord l’un de ses premiers opéras, Lohengrin, au Met en 1998, ainsi que le dernier, Parsifal, à Hambourg en 1991, et Houston l’année suivante ?
En fait, j’ai eu la chance de travailler avec Christoph Eschenbach [chef d’orchestre], qui dirigeait la reprise de la production de Parsifal : il est l’un des rares à regarder ce qui se passe sur scène ! La plupart des chefs que je connais ne regardent pas le plateau ; ils observent les chanteurs, bien sûr, mais ne s’intéressent à rien d’autre. Je vous assure que c’est capital, l’opéra est une œuvre totale, qui focalise autant la vue que l’ouïe – peut-être encore plus dans mes spectacles. Je me souviens qu’avec Lohengrin, le prélude orchestral était très important ; comme une cérémonie réglée sur un éclairage changeant constamment, en fonction des motifs, du tempo, etc. C’est un ensemble indissociable : si le chef ne se règle pas sur la scène, ça ne marche pas… Christoph Eschenbach a toujours été là, présent, que ce soit à Hambourg et Houston pour Parsifal, ou dans la première production du Ring, à Zurich, en 2002. Avec lui, je peux régler le mouvement des lumières comme ceux des comédiens, nous travaillons ensemble. Les chanteurs ne sont toujours pas formés pour bouger sur scène, donc le travail est particulièrement long : il s’agit d’expérimenter et de trouver le jeu le plus adéquat. C’est très facile de s’agiter dans tous les sens, de courir d’un endroit à un autre, mais c’est bien autre chose d’obtenir une action sereine, réfléchie, un geste calme qui va s’harmoniser avec la musique… Le chef d’orchestre doit lui aussi intégrer tout ce travail scénique - Eschenbach est la personne idéale, qui impose cette confiance, cette union avec l’orchestre. Il peut être très rapide et impose avec naturel cette maîtrise indispensable de l’ensemble ; il crée la tension nécessaire entre ce qu’on voit et ce qu’on entend. Il obtient cet équilibre délicat entre ce qui se passe à l’extérieur de la musique de Wagner et ce qui se produit lorsqu’on est totalement immergé dans la partition : il faut respecter le maître, mais on ne doit pas pour autant devenir son esclave !

Que représente Wagner pour vous ?


J’aime cette force incroyable, c’est un peu le Cecil B. De Mille d’Hollywood ! Il peut être aussi intime et doux que violent et cataclysmique. Il possède une telle variété de contrastes théâtraux et dramatiques. Richard Wagner était à lui seul la Century Fox du 19e siècle ! (rires). Lorsque j’ai entendu cette musique pour la première fois, j’ai vu un formidable espace : mental, virtuel, visuel et organique. Les pas­sages intimes pouvaient se révéler d’une plus grande importance que les moments violents, car, à ce moment-là, l’espace règne en maître sur la scène : plus l’espace environnant est vaste, plus il devient impressionnant. Si je place un crayon sur la scène du Metropolitan de New York, avec une lumière au-dessus, et si un car Pullman est également sur scène, on ne verra que le crayon et un grand espace alentour. Lorsque je vois des spectacles ici, à New York, ou ailleurs dans des lieux traditionnellement dévolus au théâtre et à l’opéra, le plateau est si encombré qu’il ne peut y avoir d’espace réservé à l’esprit et à la vision. Du coup, ce public n’existe pas pour ce que je recherche ; le Ring de Wagner est comparable par sa dimension à Star Wars, c’est une zone inconnue, un autre monde, une autre galaxie. C’est ce que j’essaie de faire : créer un monde capable de recevoir et écouter cette musique. En général, lorsque je vais à l’opéra, je n’entends pas la musique, je dois fermer les yeux pour me concentrer. Du coup, j’entends avec toute l’attention requise. C’est pareil dans la rue, si on ferme les yeux un instant, on entendra plus distinctement les voix ou tel bruit jusque-là perdu dans la totalité. 
Bien sûr, c’est mon goût personnel, mais, à mon avis, il se passe souvent trop de choses inutiles sur scène – c’est gênant, tout ce remue-ménage… Mon corps a besoin d’écouter. C’est pour cette raison que je m’entends merveil­leusement bien avec Christoph Eschenbach ; nous avons beaucoup réfléchi d’abord sur Par­sifal, puis sur l’épopée du Ring, où il faut en même temps ménager le chaud et le froid. Je pense avoir atteint la sensibilité nécessaire pour ce théâtre… Prenez le personnage de Brünnhilde : son chant incarne la puissance du feu sacré, tandis que son corps est comme un bloc de glace. Voilà un étrange mélange qui concerne le pouvoir, basé sur l’alternance et l’opposition. Pour Brünnhilde, cette puissance émane de l’espace qui l’entoure. Si je sens l’espace derrière et autour de moi, j’ai plus d’assurance, plus de force. Je suis plus attentif, plus réceptif, je peux tendre la corde d’un arc et toucher ma cible. À l’intérieur du texte circule tout un réseau mystérieux dévolu à cette puissance. On ne doit pas illustrer la musique, la décorer. Lorsque j’ai monté Lohengrin au Metropolitan Opera, j’ai eu beaucoup de difficulté avec le chœur, pour faire marcher plus de quatre-vingt personnes contre le rythme naturel de la musique – faire qu’il se déplace lentement lorsque la musique accélère, par exemple. Voilà l’image de la puissance lorsque l’ensemble du chœur, tel un mur, avance vers le public à un rythme ralenti, tandis que la musique va de plus en plus vite. Lorsque, enfant, vous accompagnez une parade à l’école, il n’y a pas de cordes derrière vous, juste la pulsation des cuivres sur laquelle vous vous cadrez. Dissocier le geste de la musique demeure l’une de mes préoccupations.
Je sors  d’une répétition à la Comédie-Française, où je travaillais avec une jeune comédienne dont le jeu était beaucoup trop dur. Je lui disais : « Souris, détends-toi. » Je l’ai regardée fixement, en faisant les gros yeux et en écartant la bouche, et j’ai crié en la menaçant : « Je VAIS TE TUER ! ». Juste après, j’ai touché délicatement son bras et, avec un léger sourire, je l’ai regardée intensément et d’une voix douce, je lui ai dit : « Je vais te tuer… ! » [long silence] Ça a été affreux, je l’ai terrorisée ! Et avec le sourire… Je me souviens également d’une reprise de The Black Rider de Tom Waits à Stockholm (1). Nous avions d’un côté le texte chanté et, de l’autre, la voix enregistrée de William Burroughs, avec ce ton grinçant et métallique caractéristique. [B.W. l’imite aussitôt]. Burroughs dit les pires choses, sur un ton enjoué : « Je vais boire ton sang comme du vin », ce sont les paroles du Diable (2). C’est une conception unique, l’enfer et le paradis sont imbriqués ; il y a des méchants et des bons, mais c’est une seule et même personne. Les dieux dans le Ring reflètent exactement cette conception.

Comment suggérer une même proximité entre Wagner et le public que celle que vous obtenez lorsque vous adaptez Hamlet pour vous-même (2), ou lorsque vous montez Une femme douce de Dostoïevski ?

Un grand acteur, un grand chanteur, n’a, en général, nul besoin d’aller vers le public. Ils pourraient jouer pour eux-mêmes, c’est le public qui vient à eux. Chez Wagner, la scène et la musique sont indissociables, c’est pour cela que si le chanteur n’a que partiellement conscience de l’environnement visuel et sonore qui l’entoure, il amenuise d’autant plus cet espace entre lui et le public… Si je chante pour une seule personne dans la salle, pour vous, face à moi, et personne d’autre, l’espace s’agrandit considérablement – et j’augmente d’autant plus l’espace mental qui nous relie. Vous pouvez le vérifier vous-même dans une grande salle, vous n’atteindrez jamais personne, sauf si vous vous adressez à une personne bien précise : par exemple, ma mère assise quelque part, parmi des milliers de personnes au Met ; du coup, j’atteins tout le monde. Pour Wagner, c’est exactement la même chose, il suffit d’atteindre cette dimension très vaste. 



Avez-vous des moyens adéquats, ou comparables à ceux dont vous disposez à Long Island, au Centre Watermill, lorsque vous travaillez pour de grandes maisons d’opéra ou des théâtres ?


C’est vrai qu’à chaque fois le temps est compté, nous avons des horaires draconiens et devons travailler avec précaution, les chanteurs ne doivent pas répéter sur de trop longues périodes ; certains arrivent au dernier moment et pensent savoir déjà tout ce qu’il faut faire – qu’il leur suffit de répéter des gestes appris précédemment… C’est objectivement moins facile à l’opéra que dans un théâtre. À Watermill, c’est différent. Il n’y a pas de théâtre, et nous n’avons pas à présenter de spectacle. Je n’ai pas souhaité créer une compagnie, une école. C’est juste un centre d’étude, pour y développer des idées, trouver une direction. C’est plutôt un laboratoire, une académie d’un nouveau genre, pour les pre­mières années du 21e siècle. J’y suis moi-même plus détendu, plus ouvert aux idées ; je peux y organiser une foule de choses, inviter un groupe d’enfants, y amener des personnes âgées, consacrer une séance à la danse, étudier avec une chanteuse venue de Turquie le Liebestod de Wagner, en prélude à un futur spectacle au Lincoln Center. Ce ne sont pas des chanteurs que vous retrouverez dans une production à New York ou sur la scène du Châtelet, à Paris, mais il s’agit de trouver à Watermill des solutions à des problèmes posés ; j’ai cette liberté au Centre que je n’obtiendrais jamais ailleurs. À l’opéra ou au théâtre, un spectacle accapare trop de personnes pour qu’on puisse se permettre de réfléchir et chambouler ce qui était prévu. C’était d’ailleurs l’un des propos de The CIVIL warS (1963/84) : que tout le monde participe civilement à une vaste compétition… Sur scène étaient rassemblés des ouvriers d’usine, la chanteuse Hildegarde Behrens, Jessye Norman, David Bowie, etc. Des superstars comme des gens venus d’institutions les plus diverses, des handicapés, d’autres rejetés jusque-là par la société… 



Rassembler toutes ces personnes, c’était mon projet, partiellement réalisé en Allemagne, en France, en Italie, aux Pays-Bas, au Japon et à Minneapolis, à l’occasion des Jeux olympiques de Los Angeles, en 1984. C’est, plus modestement, la même idée qui anime Watermill : réunir des personnes qui n’auraient jamais l’occasion de se rencontrer, même si elles n’ont pas bénéficié d’un enseignement spécifique. À l’université de Yale, par exemple, il existe des secteurs hautement spécialisés dans des domaines artistiques réputés comme l’architecture et la peinture, mais on trouve aussi des secteurs consacrés à la décoration – je me demande bien ce qu’on y enseigne… -, le design… Il y a aussi, à côté, un secteur destiné aux déficients mentaux, à qui on dispense également un enseignement artistique. Beaucoup d’argent est dévolu à cette section… Les parents repartent avec leur enfant et un diplôme stipulant qu’il a réussi dans les épreuves de design, décoration, etc. Je trouve ça pitoyable… Nous évitons ce genre d’aberration à Watermill, où les individus se côtoient et réalisent quelque chose réellement ensemble.

L’une de vos productions les plus célèbres est celle de la Flûte enchantée de Mozart. La combinaison de plusieurs éléments objectivement disparates (arias d’opéra, chansons d’inspiration populaire, musique liturgique, situations comiques…) dans la Flûte est très différente de la manière dont est structuré le Ring – qui apparaît pour le coup comme une histoire classique…


La structure apparente d’une œuvre n’a pas d’intérêt, elle est juste là pour faire s’enchaîner une suite de sentiments. En revanche, si je n’établis pas une forme précise de mon travail, je ne peux pas continuer. Certes, la Flûte diffère d’un opéra de Wagner, mais il existe au moins une 
similitude dans le fait que tous deux sont structurés par un plan narratif. Je m’imagine raconter une histoire à un enfant. Le côté mélodramatique et tortueux chez Wagner peut se révéler aussi lumineux que chez Mozart. Lorsque l’enfant s’endort, n’est-il pas dans son rêve aussitôt un dragon crachant du feu ? Qui connaît la clé de ses songes ?
Si je parviens à communiquer cette impression aux chanteurs, une partie du spectacle est gagnée. Le monde fantastique de Wagner est proche de l’imaginaire de l’enfant. J’ai perçu cela très tôt parmi d’excellents comédiens et chanteurs ; en chacun d’eux, il y a une part d’enfance qu’il suffit de réveiller. Je me souviens avoir mis en scène Salomé de Strauss avec Montserrat Caballé. Elle était si émouvante, transportée dans un autre monde. Sur scène, elle s’était métamorphosée en une jeune fille, pleurant, souriant. Là où d’autres hurlent en vain, elle chantait avec une douceur extrême et des couleurs extraordinaires – nous avions tous la chair de poule. C’est l’une des artistes avec lesquelles j’ai le plus aimé travailler ; elle m’a beaucoup appris. Elle m’avait d’ailleurs provoqué lors de notre première rencontre ; tout en éclatant de rire, elle m’avait lancé : « Vous êtes bien sûr, monsieur Wilson, que vous voulez travailler avec moi ; êtes-vous certain que je serai votre Salomé ? »

Vous dessinez régulièrement le rideau de scène de vos spectacles, et votre façon de traiter la couleur et la lumière sur scène s’apparente au travail d’un peintre…


Ce que je fais, c’est peindre avec la lumière. Luchino Visconti était venu voir, lorsque, inconnu, au Festival de Spolète, je montais en 1974 A Letter for Queen Victoria. Je l’admirais depuis des années et je commençais tout juste dans le théâtre. En coulisse, après le spectacle, il est venu me dire : « C’est la plus belle mise en lumière que j’ai jamais vue sur une scène. » J’étais comblé, et comme je savais qu’il répétait lui-même un ouvrage à l’opéra, il m’a autorisé à aller le voir le lendemain matin. À dix heures, je me suis présenté derrière l’opéra, puis je suis entré dans cette vaste salle vide. Il était là et donnait des indications : « Là, le jaune, non pas comme ça, juste un tout petit peu ; non, un peu plus bleu, oui avec un peu plus de vert ici ; non, un peu plus fort… » Il peignait avec la lumière. Ce fut une formidable confirmation de ce que je commençais à entreprendre. Je n’ai pas eu la chance de voir la manière dont travaillait Wieland Wagner, à Bayreuth, mais je sais qu’il commençait toujours par la lumière, tout comme Giorgio Strehler. Sans éclairage, l’espace n’existe pas, et c’est l’un des éléments fondamentaux pour m’aider à entendre et voir. La lumière détermine tout : elle rejoint la musique ou l’affronte, rend transparent ou délimite des zones, ordonne le mouvement, découpe le texte et charpente le décor… Elle est tout sauf un complément, elle structure et rassemble ; du coup, elle entraîne le texte et la musique – ce n’est pas l’inverse.



Avez-vous abandonné la vidéo sur scène, alors que tout le monde l’utilise aujourd’hui ?

Actuellement, je réalise des portraits vidéos. Quatorze ont déjà été réalisés, notamment celui des comédiens Brad Pitt, Winona Ryder, Isabelle Huppert, Jeanne Moreau, Willem Dafoe. Ce sont essentiellement des images statiques, des surfaces d’écran. Isabelle Huppert est perçue comme Greta Garbo, avec cet œil endormi, mi-clos… Jeanne Moreau est Mary, reine d’Écosse avec cette allure et cette prestance propres aux femmes de pouvoir… Quelqu’un d’autre est saint Sébastien… Ils sont comme dans une peinture, un portrait officiel dans l’esprit de ceux de John Sargent. Peut-être les montrerai-je un jour dans une galerie. 
J’ai toujours le projet d’utiliser de très grands écrans pour projeter une image vidéo, dans le cadre d’une exposition autour de Goya, avec différents objets ou thèmes : un singe, un lac gigantesque… – aucun comédien sur scène, tout automatisé par ordinateur. Actuellement, je travaille sur un opéra à Berlin, où tout sera animé sur vidéo. 

(1) Créé au Thalia Theater de Hambourg (Allemagne) en mars 1990, The Black Rider de Robert Wilson, Tom Waits et William Burroughs fut repris la saison suivante à Paris, au Châtelet (9 au 14 octobre).
(2) Créé au Alley Theatre, Houston (Texas), le 24 mai 1995, Hamlet a monologue a été joué pour la première fois en France dans le cadre du festival d’Automne à Paris, à la MC93 de Bobigny (16 au 19 septembre 1995). Une femme douce de Dostoïevski a également été présenté et créé à la MC93 de Bobigny (11 au 23 octobre 1994).

Photo : Christopher Knowles et Bob Wilson en 1977 devant la FIAC (Grand Palais) © André Morain

Actualité


Wagner. l’Anneau du Nibelung, Paris, Théâtre du Châtelet. 
Mise en scène Robert Wilson, dir. Christoph Eschenbach. 
L’Or du Rhin  : 19, 25 octobre et 1er novembre 2005, 30 mars et 8 avril 2006, à 19 h 30, et 23 octobre, à 16 h. 
La Walkyrie : 21, 27 octobre, 5 novembre 2005, 1er et 10 avril 2006, à 18 h, et 30 octobre 2005, à 15 h. 
Siegfried : 26, 31 janvier, 8 février, 3 et 12 avril 2006, à 18 h, et 5 février, à 15 h. 
Le Crépuscule des dieux : 28 janvier, 2, 15 février, 6, 15 avril 2006, à 17 h 30, et 12 février, à 15 h
 

La Tentation de saint Antoine
. Paris, Palais Garnier. Mise en scène R. Wilson, dir. B. J. Reagon. 24, 25, 28 novembre, 3, 4, 5, 12, 13, 14, 15, 16 décembre 2005, à 20 h, et 27 novembre, à 14 h 30 

Puccini, Madame Butterfly, Paris, Opéra Bastille. Mise en scène R. Wilson, dir. Dennis Russel Davies. 21, 24, 30 janvier, 2, 9, 15, 17, 20, 23, 25, 28 février 2005, à 19 h 30, et 5, 12 février, à 14 h 30
                             
À l'occasion du décès de Bob Wilson, entretien paru dans
Le Monde de la Musique n° 205, décembre 1996

Dans la forêt de l'expérience

Le livre d'images de Bob Wilson
entretien avec Franck Mallet

Figure emblématique de l'artiste en cette fin de siècle, Robert Wilson est un touche-à-tout de génie à la manière d'un Jean Cocteau. Formé à l'architecture, il est à la fois homme de théâtre, improvisateur, chorégraphe, metteur en scène d'opéra, pédagogue, designer, vidéaste, dessinateur… et homme d'affaires. Le sens du mystère imprègne tous ses livres d'images, condensés et magiques.    

MDM — En 1971, votre premier spectacle Le Regard du sourd s'imposait comme un opéra du silence.

R.W. — Je ne pensais pas encore à la forme de l'opéra, mais j'avais conscience d'un théâtre construit sur des silences. Cage parle de ce monde sans silence, où tout est sonore — nous faisons énormément de bruits, du plus petit au plus grand — et de la manière dont nous organisons notre écoute. Le Regard du sourd est né de l'observation d'un enfant sourd âgé de 13 ans, n'ayant jamais fréquenté l'école et dont l'entourage ne comprenait pas quel était son problème. À travers ses yeux, son imagination et ses rêves, j'ai imaginé un travail qui permettrait de pénétrer dans son monde, tout en découvrant sa sensibilité et son appréciation des sons. Il faudrait que je revienne à cette pièce, car elle contient nombre de choses en friche dont j'ai certainement encore beaucoup à apprendre. L'écoute au théâtre est ce qu'il y a de plus important. Pour pouvoir parler et chanter, il faut pouvoir entendre… Lorsque j'ai ajouté du texte et de la musique à mon travail, j'étais très conscient de l'espace autour des sons. 
    
MDM — La première rencontre avec les mots a eu lieu avec Christopher Knowles.

R.W. — C'est la première fois où j'ai inclus des mots dans mon spectacle. Mais Chris a sa façon propre de construire un langage, musicale. Son intérêt n'est pas seulement dans le contenu des mots, il s'intéresse surtout à leur sonorité et leur construction, comme dans la poésie concrète (R.W. improvise, en fractionnant un texte, la main devant la bouche). Une poésie construite visuellement, mathématiquement, au moyen d'une combinatoire. Je pense, d'après, sa manière d'élaborer le son, qu'il avait un modèle visuel. Sa précision était mathématique dans la géométrie de sa construction. Donc, c'est un compositeur. 

MDM — La troisième rencontre c'est avec la musique : Einstein on the Beach, co-signé avec Philip Glass. De quelle façon la musique est-elle entrée dans votre théâtre ?

R.W. — Je pense que Philip Glass était la personne idéale pour franchir cette nouvelle étape, car nous partagions la même notion du temps et de la durée. Je sais que Phil et Chris sont différents, mais Phil ordonnait sa musique avec les mêmes formes géométriques que celles de Chris. En termes de forme, de structure, Phil était capable de visualiser à l'avance la totalité de l'œuvre, d'embrasser d'un coup d'œil la forme. Il faisait des croquis, des cartes…  Comme Chris.

MDM — Le théâtre est-il religieux ?

R. W. — Il ne convient pas d'avoir sur scène une attitude religieuse. Le théâtre n'est pas une église. Mais, pour moi, mon œuvre est une forme d'expérience religieuse, même si cela peut avoir l'air d'une contradiction. Dans Parsifal de Wagner (que j'ai mis en scène), il y a un service religieux sur scène, mais qui, selon moi, n'a rien de religieux. Ces chevaliers dans leur procession ridicule autour du Graal… Il existe une grande différence entre la spiritualité et religion. Lorsque j'ai mis en scène Parsifal, je n'ai pas voulu montrer un faux service religieux et j'ai pensé plus en terme de spiritualité universelle. Nike Wagner, la fille de Wieland Wagner a écrit dans un article que cette production était la plus proche de l'idée initiale de Wagner, en ce qu'elle englobe le christianisme dans une idée plus universelle. 

MDM — Le dessin est à la base de votre travail…

R.W. — Oui, par exemple dans The Life and Time of Joseph Stalin qui dure douze heures, il y a sept axes. Il existe une relation entre 1 et 7, 2 et 6, 3 et 5. Les spirales tournent autour d'un axe, la forêt, correspondant à la date de la mort de sa première femme (1907). Cette pièce se construit sur un jeu d'oppositions qui se répondent : l'extérieur et l'intérieur, le sombre et le clair, etc. C'est un schéma organique qui modèle l'interaction des scènes. Je procède ainsi, par une combinatoire visuelle. (cf. dessin de The Life and Times of Joseph Stalin). Pour Einstein on The Beach, j'ai fait la structure de la même manière. J'ai dit à Phil : Quelle durée ? Wagnérienne… bon, ce sera 4 heures 42. Ensuite, nous avons découpé ce temps et fractionné en scènes, dont la durée est déterminée à l'avance. La visualisation des scènes illustre la théorie de la relativité, d'où l'apparition d'un train dans Einstein on the Beach qui rappelle l'exemple fameux donné par Einstein pour illustrer sa théorie. Pour moi, le temps est une ligne qui pénètre au centre de la Terre et va jusqu'au Paradis, l'espace s'inscrivant sur la ligne horizontale de cette croix. Le symbole de la croix est important, il détermine la structure d'Einstein (cf. dessin d'Einstein on The Beach : E. O. B.) Et pas seulement d'Einstein, on le retrouve dans la construction d'un bâtiment, d'une peinture, d'une table, d'un corps humain…

MDM — Pour vous, le corps est déjà langage… 

R.W. —  En général, les artistes qui ont du succès auprès du public maîtrisent bien leur corps. Par exemple, Marlene Dietrich : elle se contente de rester plantée sur la scène, sans rien faire. Elle bouge un doigt. C'est suffisant, parce qu'elle connaît le sens de son geste, le timing adéquat. C'est rare chez un artiste. Souvent, les jeunes ont du mal à «trouver» leur corps. C'est à cela que je m'emploie à Watermill (1). Le corps est notre instrument, que l'on soit mathématicien, danseur, chanteur, enseignant, scientifique… C'est par le corps que tout se fait ; la connaissance gît dans le corps. Socrate dit que le nouveau-né sait tout dès l'origine, que l'enseignant ne fait qu'éveiller la connaissance que chacun porte en soi. Pour lui, tout est inscrit dans le corps ; et jusqu'à un certain point, je pense que c'est vrai. 

MDM — Et la lenteur, c'est volontaire ?

R.W. — Je ne sais pas. Le temps n'est pas un concept. Si on le considère comme tel, on limite l'expérience qu'on en fait. Si je dis à quelqu'un : bouge lentement, c'est ennuyeux. Mais si on le fait sans y penser, dans ce mouvement il y a toute une pluralité de temps. Il se passe des milliers de choses dans un geste. C'est difficile d'en parler. C'est une question de construction et de décision. Hier, je me suis mis en colère 
devant un journaliste qui me demandait quelle était la signification pour moi d'Œdipus Rex de Stravinsky et Cocteau. Je lui ai dit : Demandez à d'autres metteurs en scène américains (rires)… Je ne suis pas ce genre d'artiste. J'ai pris la décision il y a longtemps, d'entrer dans la forêt de l'expérience (The Wood of experience). C'est ce qui compte pour moi. Une expérience guidée sur quelques idées, certes. Mais, à long terme, l'important c'est l'expérience dans le travail. À l'arrivée, le résultat est toujours différent de l'idée de départ. Si on veut se libérer, être présent à chaque instant, ces idées doivent être une petite boîte noire dans votre placard, dont on a perdu la clé. Mais s'il fallait être conscient de tout ce que l'on fait à chaque seconde, même si je faisais la même performance chaque soir, ce serait à chaque fois différent. En un sens, c'est toujours une improvisation, une chose neuve. On n'apprend jamais rien. Ce qui importe, c'est l'expérience de l'apprentissage. Je ne nie pas que l'artiste ait des responsabilités morales et intellectuelles, mais c'est comme à l'école, quand on est devant ses professeurs (rires)… Je n'ai eu qu'un seul bon professeur. Elle ne faisait pas comme les autres, elle était étonnante. J'ai beaucoup appris d'elle ; aujourd'hui encore, au bout de trente ans… Elle se tenait sur une estrade, elle nous enseignait l'histoire de l'architecture devant trois écrans lumineux représentant des œuvres disparates de plusieurs architectes. Ce qu'elle disait n'avait aucun rapport avec ce qu'on voyait. Elle ne nous donnait pas de réponses. Cela nous troublait beaucoup, parce qu'au moment des examens, elle nous posait des questions, alors que nous n'avions pas les réponses. Dans ses cours, elle pratiquait des associations libres, brassant beaucoup d'idées. Au bout de cinq ans d'études, on commençait à faire soi-même des rapprochements et je crois que c'est ainsi que pratique un bon metteur en scène, un bon acteur, qui suggère des connexions et reste ouvert à des possibilités qui n'étaient pas là au départ. Il ne s'agit pas de mettre  Stravinsky, Shakespeare, au goût du jour (rires)… C'est déjà d'une telle richesse. Ce n'est pas éternel, mais « plein de temps ». 

MDM — Vous avez réalisé récemment une exposition aux Galeries Lafayette, pour le XVIIe Festival de la Mode…

R.W. — J'ai toujours travaillé sur plusieurs choses à la fois. Un jour, j'avais dix ans, ma mère était au téléphone et quelqu'un lui a demandé : « Que fait Bob ? » Elle a répondu : «Je ne sais pas ce qu'il fait, mais il a toujours une foule de projets». Quand j'avais treize ans, mon père m'a dit : « Bob, ne te disperse pas. Il faut te concentrer sur une seule chose et puis passer à une autre ». J'ai toujours fait mille choses à la fois. En ce moment, en plus d'Œdipus Rex et des Galeries Lafayette, j'ai une installation à Cologne, une soirée d'ouverture à Berlin, une installation permanente dans un nouveau Musée d'art moderne. C'est le même travail, Cézanne disait qu'il peignait toujours la même nature morte.

MDM — Quel est votre artiste français préféré ?

R.W. — Cézanne, sans hésitation. J'ai toujours aimé la structure transparente de ses toiles, le fait que l'on puisse voir toujours le geste de l'artiste, la touche, et l'intégralité de la chose en train d'être faite ; l'infinité du tableau. Moi aussi, j'essaie toujours de donner une image totale (2).

MDM — Votre décor se résume souvent à un siège, comme ceux que vous avez exposés en 1992 au Centre Georges Pompidou (Robert Wilson's Mr Bojangles' Memory og son of fire). 
Dans les chaises que je dessine, on trouve toute mon esthétique, qui peut servir à construire un bâtiment, une ville entière. C'est toujours la même préoccupation. Mes chaises sont des sculptures qu'on peut regarder hors de la scène. Au Centre Pompidou où je les avais exposées, beaucoup de gens n'avaient pas vu mes spectacles. On peut les voir aussi comme des meubles utilitaires. Souvent, je leur donne un nom. Je les perçois comme des sculptures des dieux de notre temps, comme les Grecs faisaient des sculptures de leurs divinités.

MDM — Prochainement, vous montez Pelléas et Mélisande de Debussy à l'Opéra de Paris Bastille…

R.W. — Hugues Gall m'a demandé de faire Pelléas. Pour cette production, je m'inspire de Cézanne, la transparence de sa palette, et l'attention portée à la structure. Pelléas a beaucoup à voir avec l'immobilité et le silence. Les Pelléas et Mélisande que j'ai pu voir étaient trop agités… Trop d'action, je ne pouvait pas entendre la musique. Je pense qu'il existe une incommensurable force intérieure à l'œuvre et que cela devient rapidement trop extérieur, naturaliste. Dans une production récemment montée à Paris, on essayait de donner de l'expression au texte. Avec un tel livret, il faut agir autrement, d'autant que la musique est parcourue d'une dynamique imperceptible. Regardez l'arbre qui est devant nous : il bouge à peine et pourtant il est puissamment fixé dans le sol… Par rapport à ma mise en scène du  Martyre de Saint-Sébastien, elle ne sera pas aussi statique, Saint-Sébastien restait dix-sept minutes sans bouger au début, alors que dans Pelléas, je vais tâcher de rendre cela plus vivant. Ce sera également une palette différente de couleurs, moins contrastée et plus pastel.

Photo : Christopher Knowles et Bob Wilson en 1977 devant la FIAC (Grand Palais) © André Morain

(1) Watermill : Centre de formation et de répétition inter-disciplinaire créé par Robert Wilson en 1992 à Long Island, où il invite des artistes du monde entier à la préparation de ses spectacles, comme l'an passé, celui projeté avec David Bowie.  
(2) R. W. a réalisé une vidéo originale La Femme à la cafetière, inspirée du tableau de Cézanne et créée au Musée d'Orsay, en 1989.
Igor  Stravinsky, Œdipus Rex, opéra-oratorio en deux actes, livret de Jean Cocteau d’après Sophocle, traduction latine de Jean Daniélou

précédé de Silent Prologue de Robert Wilson
Direction musicale de Christoph von Dohnanyi
Mise en scène et décors : Robert Wilson
Collaboration à la mise en scène : Giuseppe Frigeni
Collaboration aux décors : Stéphanie Engeln
Costumes : Susan Raschig
Lumières : Heinrich Brunke / Robert Wilson
Chorégraphie : Suzushi Hanayagi
Dramaturgie : Holm Keller`Chœur de la Radio Tchèque
Chœur du Théâtre du Châtelet
Philharmonia Orchestra
12 au 23 novembre 1996, Paris, Théâtre du Châtelet
Silent Prologue : Dominique Sanda, Marie-Annik Bocquillon, Arthur-Rémy Pestel, Alexandre Proia, François Chat, Francis Bouc et Jules-Emmanuel Eyoun-Deido
Œdipus Rex : James O’Neal, Michelle DeYoung, Franz-Josepf Kapellmann, Willard White, Peter Keller, Cheyne Davidson et Laurent Terzief. 

Claude Debussy, Pelléas et Mélisande, poème de Maurice Maeterlinck
James Conlon, direction musicale
Robert Wilson, mise en scène et décors
Frida Paemeggiani, costumes
Heinrich Brunke et Robert Wilson, lumières
Giuseppe Frigeni, collaboration à la mise en scène
Stéphanie Engeln, collaboration aux décors
Russell Braun, Pelléas
Suzanne Mentzer, Mélisande
José Van Dam, Golaud,
Victor von Halem, Arkel
Felicity Palmer, Geneviève
Gaële Le Roi, Le Petit Yniold
Vincent Le Texier, Un médecin
Souren Chahidjanian, Un berger
Paris, Opéra Garnier, 7 au 28 février, et 2 mars 1997
vendredi 4 juillet 2025 à 17h23
Avant-Scène Opéra, revue emblématique et pilier de la culture lyrique depuis près de 50 ans, renaît sous une nouvelle impulsion. Suite à l’annonce de l’arrêt de la publicationvdébut février 2025 de ce titre essentiel aux professionnels comme aux amateurs d’artvlyrique, Damien Dutilleul, entrepreneur culturel et fondateur de la plateforme Ôlyrix (et également associé aux sites Classykêo et Total Baroque Magazine), s’est engagé dans un processus de reprise de l’activité à travers une nouvelle société, Scenôra, indépendante de ses autres participations. Humensis, actionnaire de la revue Avant-Scène Opéra depuis 2018 via sa filiale Editions Premières Loges, a choisi ce projet permettant d’assurer la pérennité du titre :
« Les Éditions Premières Loges se réjouissent de la conclusion de l’accord avec la société Scenôra. Grâce à cette transaction, Avant-Scène Opéra, monument de l’édition musicale, voit sa pérennité assurée et poursuivra sa mission auprès des amateurs d’art lyrique. Nous avons toute confiance dans l’enthousiasme et l’ambition de Scenôra et de ses équipes pour redéployer le titre. Nous les remercions sincèrement pour leur engagement dans ce projet auquel nous apportons tout notre soutien. »
Ce projet de reprise, qui sera mené avec l’équipe historique de la revue, vise à un élargissement de la base de lecteurs, en conservant pleinement l’ADN du titre : Avant-Scène Opéra restera un outil de référence, pointu et complet. Six numéros continueront de sortir chaque année et une version papier restera disponible. Une version digitale, apportant de l’interactivité pour une lecture plus confortable et ludique, viendra s’ajouter et permettra d’offrir un contenu plus large et attractif aux abonnés.
« Je me réjouis de restituer Avant-Scène Opéra à ses lecteurs et à l’art lyrique, avec l’esprit d’érudition et l’exigence qui furent toujours les siens, avec la même curiosité et la mission de partager inlassablement le goût de l’opéra et d’en cultiver la passion. Ensemble explorons à nouveau l’opéra, ses imaginaires et ses émois ! », déclare Jules Cavalié, Rédacteur en chef de la revue.
« Beaucoup d’amateurs d’opéra et de professionnels se sont rendu compte de l’importance capitale d’Avant-Scène Opéra lorsque sa fermeture a été annoncée. Une pétition pour son sauvetage avait d’ailleurs réuni 3.000 signatures. Si tous ceux qui ont regretté sa disparition s’abonnent à "ASO", la revue sera assurément sauvée, explique Damien Dutilleul. Charge à nous de leur proposer des contenus toujours passionnants, complets et attractifs. Bref, essentiels. » Le premier numéro de la nouvelle formule est prévu pour une sortie en novembre. Un pré-abonnement est d’ores-et-déjà possible depuis le site [voir ici]. Scenôra livrera les numéros restants dus aux abonnés de l’ancienne formule.
Hauts lieux de divertissement pour l’impératrice Joséphine et Napoléon Bonaparte sous le Premier empire, le Château de Malmaison, ainsi que celui de Bois-Préau, racheté sous le Second Empire par la famille Rodrigues-Enriques, retrouvaient une partie de leur lustre musical d’antan grâce aux efforts conjoints d’Elisabeth Claude, leur Conservatrice, associée à Sylvie Brély, Présidente de La Nouvelle Athènes – Centre des pianos romantiques, à l’occasion de la première édition du Festival de Pentecôte dédié à l’esthétique du premier romantisme français. Si l’Histoire a retenu avec raison la figure de Beethoven, il s’agissait de redécouvrir, et même plus simplement de s’ouvrir, à celles, oubliées, de Devienne, Hortense de Beauharnais, Duport, Hérold, Garat, Wély, Jadin, Dussek, Grétry ou Adam, frottées au chant italien de Paisiello et Spontini.
La 3e journée débutait l’après-midi sur quatre quatuors à cordes de la fin du XVIIIe siècle par les excellents instrumentistes de l’Ensemble Infermi d’Amore, tous formés récemment par Amandine Beyer à la Schola Cantorum Basiliensis de Bâle. Certes, le soleil dardait à travers les baies vitrées de l’Orangerie et il n’était pas facile de garder l’accord sur des instruments aux cordes si sensibles aux températures, mais le style délicat et chantant du Quatuor op. 1 n° 3 de Jadin trouvait là des interprètes totalement passionnés. Avec Boccherini (Quatuor à cordes op. 2 n° 6), le jeu s’intensifie et se colore, avant le Quatuor op. 34 n° 1 de Pierre Baillot (1771-1842), vraie découverte aux accents plus dramatiques, avec les ritournelles « À l’Espagnole » de son « Menuetto ». Le Quatuor en sol mineur de Viotti offrait une conclusion brillante à ce récital.
Le second concert de 18h30 proposait un panorama éloquent des concerts donnés une fois par semaine dans son salon par Joséphine, concocté par Coline Dutilleul (mezzo-soprano), Aline Zylberajch sur piano Erard (celui de 1806 restauré par Christopher Clarke pour La Nouvelle Athènes) et Pernelle Marzotti (harpe Erard). Entre pièces solistes de Mehul, Paisiello, Pleyel et Nadermann (Sonate en do mineur pour harpe) et mélodies de Hortense, la fille de Joséphine (extraites des « 12 Romances »), airs d’opéras de Paisiello (Zingari in Fiera et Nina), Méhul (Ariodante transcrit par Jadin) auxquels s’ajoutaient des romances de Pierre-Jean Garat (Il était là) et Jadin (La mort de Werther), un air du Huron, opéra-comique de Grétry et la langueur sublime d’O nume tutelar, air tiré de La Vestale de Spontini (bien vu, Coline Dutilleul !), les interprètes révélaient tout le charme et l’attrait de ces œuvres à la fois joyeuses, tendres et ardentes. La Bibliothèque de Malmaison recèle encore bien des secrets – plusieurs opéras y furent créés avant Paris – et des partitions d’Hortense de Beauharnais y dorment encore.         
Franck Mallet

Orangerie du Château de Bois-Préau, Parc de Malmaison, 15h & 18h30, dimanche 28 mai 2023
(Photo : Coline Dutilleul © DR)
 
vendredi 27 novembre 2020 à 14h55
Dans le cadre du Festival Manca, l’Opéra de Nice devait ouvrir sa saison avec Akhnaten, troisième ouvrage lyrique de Philip Glass – qui, avec Einstein on the beach et Satyagraha, clôt au début des années 1980 une première trilogie d’« opéras-portraits ». Créé à Stuttgart, en 1984, l’ouvrage connut sa première française presque vingt ans plus tard, à l’Opéra du Rhin (Strasbourg), en 2002. Cette nouvelle production, confiée à Lucinda Childs, fidèle du compositeur, chorégraphe et metteur en scène (Dance, Einstein, etc.) et au jeune chef Léo Warynski, fut maintenue à l’affiche alors que les représentations étaient annulées. La décision de poursuivre les répétitions permit la captation du spectacle, désormais mis en ligne sur la toile.
Sans décor, ou presque, le spectacle se joue sur un unique et gigantesque disque incliné où évoluent chanteurs et danseurs. On apprécie la metteur en scène qui apparaît en buste au-dessus de la scène, tel un fantôme ou un hologramme, et « raconte » (en anglais, sous-titré) le destin du pharaon Akhenaton dont les Égyptiens ont voulu effacer toute trace. Sa chorégraphie superpose habilement les danseurs sur scène avec leurs images projetées agrandies – à la manière du film réalisé par Sol LeWitt qui accompagnait la chorégraphie initiale de Dance. Chanté à partir d’un livret écrit en égyptien ancien, le style de l’ouvrage s’inspire de l’oratorio haendélien et, à cet égard, les nombreuses parties chorales sont restituées avec soin par le chœur de l’Opéra, bien préparé par le chef d’orchestre qui, aguerri au répertoire contemporain, a su donner l’impulsion à l’ensemble.   
Dans le rôle-titre, le contre-ténor Fabrice Di Falco (Les Quatre jumelles de Régis Campo, La Métamorphose de Michael Levinas…) succède avec brio à Paul Eswood, le créateur, dans un style moins éthéré et une émission plus claire. À ses côtés, l’étonnante Patricia Ciofi (la reine Tye), qui se plie sans peine aux notes étirées et répétées du compositeur, tout comme le reste de la distribution, Julie Robard-Gendre (Nefertiti), Joan Martin-Royo (Horemhab), Frédéric Diquero (Amon) et Vincent Le Texier (Aye). À voir et revoir sur la toile.     
                                                              Franck Mallet

• https://youtu.be/jSAOrULT-F4


Photo : Akhnaten @ Dominique Jaussein
Au théâtre de l’Athénée, première parisienne de l’opéra-comique de Gerald Barry d’après Oscar Wilde  The Importance of being earnest, créé en France (Nancy) il y a dix ans. « Une partition qui ajoute du nonsense au nonsense » selon le metteur en scène Julien Chavaz (dont on a vu sur la même scène l’excellent Moscou, Paradis de Chostakovitch) « un opéra sur presque rien d’après une pièce sur presque rien ». Sauf que dans cette mondaine histoire de double inventé (Ernest devenu Constant en français) et d’enfant trouvé dans un sac de voyage (« In a handbag ! », réplique aussi célèbre outre-Manche qu’ici « Le poumon ! » du Malade imaginaire) Wilde, au faîte de sa célébrité et à la veille de sa déchéance, pose les jalons d’une révolution théâtrale dont Eugène Ionesco et son compatriote Samuel Beckett feront leurs choux gras. C’est ce qu’a saisi Barry - Irlandais lui aussi, et aussi célèbre dans le monde anglo-saxon qu’il est méconnu ici (The Importance… est une commande de Gustavo Dudamel et du Los Angeles Philharmonic) – lequel jette la mitraille de mots d’auteur dont la pièce est faite dans un tourbillon musical où le nonsense se met à faire sens à force d’échapper à toute analyse. De son côté Chavaz prend au mot les mots et les notes dans des décors et des costumes bonbons anglais, lançant les chanteurs polyvalents d’Opera Louise dans un perpetuum mobile acrobatique dont le perpetuum mobile musical (excellent Orchestre de Chambre fribourgeois dirigé par Jérôme Kuhn) est l’inépuisable ressort. Là encore, on pense à Ionesco et à sa Cantatrice chauve, en savourant au passage des idées lumineuses, telle celle de confier le dragon Lady Bracknell à une basse (Graeme Damby), ou de souligner les métaphores culinaires (c’est-à-dire sexuelles) dont Wilde a truffé son œuvre.  
François Lafon 

Théâtre de l’Athénée, Paris, jusqu’au 24 mai (Photo © Diane Deschenaux)
 
« Mon premier festival d’opéra » saison 2 salle Favart : Gretel et Hänsel et Petite Balade aux enfers. Deux exercices ambitieux pour la Maîtrise populaire de l’Opéra Comique, ouverte aux jeunes de huit à vingt-cinq ans non musiciens au départ. Résultat probant dans les deux cas : même en version light (1h 20 de musique, six instrumentistes dans la fosse), l’opéra d’Engelbert Humperdinck n’est pas une sinécure, et les stars en herbe s’en sortent bien sous la baguette sûre de Sarah Koné. Salle bondée d’enfants sages préparés par leurs professeurs, s’y retrouvant apparemment bien dans le spectacle schématique mis en scène par la même Sarah Koné, destiné avant tout à faire valoir les talents de chacun, chanteurs, danseurs, mimes et acrobates. Plus de maison de pain d’épice ni de four à faire cuire les petits enfants pour ce conte de Grimm plus connu en Allemagne qu’en France : la Sorcière gloutonne n’a qu’à éclairer la salle d’un coup de baguette magique pour qu’un cri d’effroi s’élève dans les rangs. Tout autre accomplissement pour la Petite Balade aux Enfers, ou l’Orphée de Gluck dans un castelet de marionnettes à visages (et voix) humains imaginé par Valérie Lesort, élève du grand marionnettiste Philippe Genty révélée par un remarquable 20 000 lieues sous les mers à la Comédie Française en compagnie du sociétaire Christian Hecq, que l’on retrouve ici en inénarrable Zeus récitant, entouré de Marie Lenormand (Orphée), Judith Fa (Eurydice) et Marie-Victoire Collin (l’Amour), des maîtrisiens et des oiseaux rares peuplant Enfers et Champs-Elysées revisités. Jeune public très réceptif au texte (très drôle) et aux voix, posant des questions pertinentes aux artistes après la représentation. Un spectacle tout public y compris les grands, et qui mérite longue vie. A venir en clôture du festival : des Contes chinois en musique et images par le dessinateur Chen Jiang Hong. 
François Lafon

Opéra Comique, Paris. Petite Balade aux Enfers,  jusqu’au 17 février. Contes chinois les 23 et 24 février (Photo © S. Brion)

jeudi 8 mars 2018 à 19h06
A l’occasion d’un questionnaire publié dans le recueil De la tradition théâtrale (Idées/Gallimard, 1975), le metteur en scène et comédien Jean Vilar dresse une liste des derniers mots prononcés par quelques personnages emblématiques : « pureté » (Phèdre), « silence » (Hamlet), « oublier » (Auguste dans Cinna), « arracher » (Œdipe-Roi), « cassette » (L’Avare), etc. A l’opéra, cela fonctionne souvent : « plaisir » (Isolde), « béni » (Werther) « Oui, oui » (La Maréchale du Chevalier à la rose), « donne » (Pelléas), « vérité » (Saint François d’Assise de Messiaen), « paix » (Orfeo de Monteverdi), « liberté » (Orphée de Gluck), « sang » (Wozzeck), « non » (Lulu), « toi » (Lucia di Lammermoor), « joie » (La Traviata), « ciel » (Aida), "Ciel" (Macbeth), « ah ! » (Faust de Gounod), « ah ! » (Faust de Berlioz), « vouloir » (Doktor Faust de Busoni), « éternité » (Faust dans Mefistofele de Boito), « malédiction » (Rigoletto), « scène » (Falstaff), « chef » (Lohengrin), « Graal » (Parsifal), « divin » (Néron de Monteverdi), « sort » (Didon de Purcell), « immortelle » (Didon dans Les Troyens de Berlioz), « jeu » (La Cenerentola), « roi » (Hamlet d’Ambroise Thomas), « mien » (Eugène Onéguine), « amour » (Turandot de Puccini et de Busoni), « nuit » (Barbe-Bleue de Bartok). « Le poète a toujours le dernier mot », conclut Vilar. Il va sans dire qu’à l’opéra, où les livrets sont au service de la musique, c’est le compositeur qui l’a, ou plutôt qui s’en passe puisqu’il a le pouvoir de dire l’indicible. 
François Lafon
(Photo © DR)
Tout l’été à la bibliothèque-musée du Palais Garnier (antenne lyrique de la Bibliothèque Nationale) : Mozart, une passion française. « Pas d’anniversaire, précise le trio des commissaires - Laurence Decobert, Jean-Michel Vinciguerra, Simon Hatab -, seulement de nouvelles productions de la trilogie Da Ponte ». Gageure : raconter, à partir du riche fonds maison, Mozart et l’Opéra de Paris depuis les voyages en France du jeune Amadeus jusqu’aux productions les plus récentes de ses opéras. Autour du manuscrit de Don Giovanni, relique suprême conservée à la BNF (à laquelle l’avait légué la cantatrice Pauline Viardot) et présentée pour la première fois in loco, s’organise le manège des lectures et relectures. Césure bien vue : les années 1830, au cours desquelles le compositeur à la mode devient un classique. Avant, folles adaptations : La Flûte enchantée devenant Les Mystères d’Isis, Les Noces de Figaro « rabeaumarchaistisées », Cosi fan tutte rebaptisé Les Amants napolitains (voire Le Laboureur chinois), Don Giovanni se terminant sur le Dies Irae du … Requiem (de Mozart, quand même). Après, chemin escarpé pour arriver aux actuelles interprétations « historiquement informées » (pour la musique tout au moins). Constatation : c’est plutôt au Théâtre italien ou au Théâtre Lyrique (XIXème siècle) ou au festival d’Aix-en-Provence (XXème), bref ailleurs qu’à l’Opéra de Paris, que le retour à l’original (pas seulement les langues) s’est effectué. Ce n’est par exemple qu’en 1976 (pendant l’ère Rolf Liebermann) que L’Enlèvement au sérail a été donné pour la première fois en allemand au Palais Garnier, la primeur française de la VO revenant à Aix en 1951. Parcours clair, fluide, permettant aux connaisseurs de s’y retrouver et aux néophytes de ne pas s’y perdre. Un certain humour aussi : reproduction de ce royaume de la musique (Gazette musicale de Berlin, traduit dans Le Journal des comédiens du 4 juin 1829), où Mozart est le roi, Haendel le ministre des cultes, Beethoven le généralissime, Bach le ministre de la justice et Rossini le confiseur de la cour. Beau catalogue, textes à méditer du trio des commissaires.
François Lafon

Exposition Mozart, une passion française. Bibliothèque-musée de l’Opéra de Paris (Palais Garnier jusqu’au 24 septembre. Tous les jours 10h - 17 h (18 h du 17 juillet au 10 septembre). Catalogue, éditions BNF, 39 euros (Photo : Mozart, son père et sa sœur d'après Carmontelle © BnF)

vendredi 5 mai 2017 à 23h44
Lancement à l’Opéra-Comique, de la onzième édition de Tous à l’opéra, pendant lyrique, en ce week-end électoral, de l’opération Tous aux urnes dont la culture sous toutes ses formes aura été la grande absente. Vingt-et-un théâtres sur les trente-trois membres de la Réunion des Opéras de France (ROF) y participent cette année, de l’Opéra de Paris à celui de Limoges, du Centre Lyrique de Clermont-Auvergne au Capitole de Toulouse, quelques grandes scènes (cette fois : Dijon, Nantes, l’Opéra du Rhin…) se distinguant par leur absence. Visites guidées, répétitions publiques, concerts et récitals, opérations jeunes, ateliers participatifs : un week-end prosélyte (80 000 spectateurs chaque année), pour tenter une fois de plus de persuader parents et enfants que l’opéra ne s’adresse pas qu’au troisième âge, qu’il n’est pas forcément ennuyeux, qu’il peut même être contemporain sans écorcher les oreilles. Marraine idéale de l’opération et meneuse de revue de cette soirée d’ouverture : Marie-Nicole Lemieux – voix sombre mais tempérament solaire, look chanteuse mais moderne -, en binôme avec Julie Depardieu - comédienne dans la vie et cantatrice dans ses rêves. Fil rouge : la relation amoureuse, depuis le temps béni de la séduction jusqu’à la fin, heureuse ou non, thème décliné sur tous les tons dans un pourcentage élevé d’ouvrages lyriques. Cinq chanteurs dans un cadre à taille humaine pour Dvorak et Bizet, Rossini et Gluck, Saint-Saëns et Mozart, mais surtout pour un feu d’artifice vocal orchestré par la maîtresse de cérémonie : Stéphanie d’Oustrac, formidable Carmen (rendez-vous au festival d’Aix), Philippe Talbot et ses aigus en voix mixte (on pense à Alain Vanzo), Florian Sempey désormais rossinien d’honneur, Chantal Sauton dans la tradition française (celle de Jacqueline Brumaire), et bien sûr Lemieux superstar, enchaînant Dalila, Orphée et l’Italienne (à Alger). Salle comble (soirée gratuite), public atypique, beaucoup de très jeunes, tous reprenant en chœur l’Heure exquise de La Veuve Joyeuse ou la Barcarolle des Contes d’Hoffmann. Et ce ton Lemieux, si bien adapté à la circonstance, qui convertirait à l’opéra les plus sceptiques. 
François Lafon
 
Tous à l’opéra, 6 et 7 mai - www.tous-a-lopera.fr (Photo © DR)

samedi 22 avril 2017 à 00h29
Au théâtre de l’Athénée : The Lighthouse (Le Phare), opéra de chambre de Peter Maxwell Davies (1980). Pas vraiment un opéra policier (en existe-t-il, d’ailleurs ?), plutôt un opéra à énigme, d’autant plus fascinante qu’elle n’a pas été élucidée. De l’incompréhensible disparition, en 1900, des trois gardiens d’un phare des îles Flannan, dans l’archipel des Hébrides, Sir Maxwell Davies, musicien déroutant, rebelle des sixties devenu Master of the Queen’s music, a tiré une fable morale censée dénoncer les méfaits de la mondialisation : Dieu et la Bête, raison et superstition, mystère des destinées, remplacement de l’homme par la machine (on apprend, à mi-chemin, que le phare a été automatisé en 1971). Musique à l’avenant, structurée par le symbolisme numérique du tarot (en particulier la Tour) : tradition anglaise (Britten, Tippett ne sont pas loin) pour les inspecteurs découvrant le phare désert, traditions ancestrales (chanson d’amour, gigue, cantique revisités) pour le bad trip des disparus, le tout lié par un cor faisant office de phare au milieu de la tempête. A moins qu’il ne s’agisse d’autre chose, rien n’étant (bien entendu) explicité ni même balisé. C’est cet autre chose que tente de saisir le metteur en scène Alain Patiès - longtemps collaborateur de La Péniche Opéra - sans perdre de vue les revendications sociales du compositeur : voile du bateau, cercle du phare, barre des témoins, objets concrets parmi lesquels évoluent les trois chanteurs – ténor, baryton, basse – impressionnants en enquêteurs entrant (si l’on peut dire) dans la peau des fantômes. Beau travail d’Ars Nova, douze musiciens (dont l’excellent Emmanuel Tricheux, le cor installé dans la salle) dirigés par Philippe Nahon, habiles à entretenir le charme de cette musique hybride, sans génie mais traversée de vénéneuses intuitions.
François Lafon

Théâtre de l’Athénée, Paris, jusqu’au 28 avril. Clés de l’œuvre par Jacques Amblard le 27 à 19h, salle Christian-Bérard (Photo © DR)

vendredi 2 décembre 2016 à 16h24
A l’Amphithéâtre de la Cité de la Musique, concert annuel de lauréats HSBC (la banque) de l’Académie du festival d’Aix-en-Provence. Des lauréats qui ont fait leurs preuves : le ténor britannique Rupert Charlesworth (promotion 2011) et la pianiste chef de chant française Edwige Herchenroder (promotion 2013) ont enregistré en 2014 pour Zig-Zag Territoires le même programme de Nocturnes en trois langues, de Schubert à Liszt (allemand), de Fauré à Lili Boulanger (français), de Bax à Britten (anglais). Des nocturnes rien moins que soporifiques (moins que sur le disque en tout cas), où l’heure exquise selon Fauré et Verlaine est ennuagée par la Terre rigide (Rigid land) de Britten et Auden (« Car désormais mes rêves de toi ne peuvent plus du tout se référer à toi »). Diction expressive, musicalité consommée, timbre et technique typiquement anglais (de Peter Pears à Ian Bostridge) pour le chanteur, mimétisme en même temps qu’art de donner la réplique pour la pianiste : on n’attend d’eux maintenant des programmes, sinon diurnes, du moins plus contrastés. De bons ambassadeurs en tout cas de cette Académie créée par Stéphane Lissner en 1998 parallèlement au festival, soutenue depuis dix ans par la banque HSBC, laquelle fournit à quelques éléments particulièrement prometteurs les moyens de démarrer dans la carrière. En 2016, palmarès international (pour la France : le baryton Guillaume Andrieux, le pianiste Florian Caroubi, le Quatuor Arod), en tournée tout au long de la saison.

François Lafon

Photo : Guillaume Andrieux © DR

Mer Egée, Cyclades : des noms qui évoquent la Mythologie et les vacances, voire la seule mythologie des vacances. On connaît moins Syros, au cœur de l’archipel, et sa petite capitale, Ermoupolis : un port - jadis le premier du pays, aujourd’hui paradis des yachtmen -, ses deux collines avec chacune leur évêque, grec et catholique, et le Théâtre Apollon, le plus ancien opéra de Grèce (1864) dit encore « La Piccola Scala », délicieuse réduction de l’autre, et fruit de la volonté d’armateurs venus de Chios. Aujourd’hui, la petite Scala vit ses grandes heures en juillet, pour le Festival « international » de l’Egée, dédié à la plus classique des musiques. Fondé voici douze ans par Peter Tiboris, son inamovible directeur, musicien texan de parents grecs, le festival bénéficie de soutiens généreux publics et privés. Au programme, une production lyrique, au milieu de quelques concerts symphoniques. On y vient comme on est, on y croise le pope, le maire et même l’évêque (catholique), invité d’honneur d’un concert de musique sacrée (Campra, Berlioz, Franck, Fauré, Poulenc) par le Chœur d’enfants d’Île-de-France, conduit avec talent par Francis Bardot, juste avant la deuxième représentation de I Pagliacci, dont il assure la partie chorale. Piero Giulacci (Canio), vieux routier des scènes italiennes, sert Leoncavallo avec fougue et sincérité. Il est très applaudi. Alors qu’importe la simplicité du décor ou une prima donna un peu trop prima donna, qu’on croise après la représentation au bras du directeur du festival, … son mari. Si près et si loin de Myconos, en tout cas l’île la plus culturelle de l’Egée.

Gilles Miller

www.festivaloftheaegean.com Photo © DR

Première saison de la Pop : Tristan et Iseut, ni toi sans moi, ni moi sans toi. Explication : à fond de cale relookée chic (noir, rouge) de la Péniche Opéra rebaptisée (seules restent les initiales) mais toujours flottant sur le bassin de la Villette, Geoffroy Jourdain (nouveau maître des lieux avec Olivier Michel), Morgan Jourdain (musique) et Nicolas Vial (metteur en scène) manient le mythe et en assument les dérives. Re-explication : ce Tristan joué, chanté, rafistolé par quatre comédiens-chanteurs-rafistoleurs virtuoses commence à la manière de Poulenc et Michel Legrand, se poursuit à la fortune du pot (verres frottés, bouteilles soufflées, tuyaux de plastique) et se termine dans une apothéose wagnérienne elle-même clôturant une réjouissante rencontre-débat sur le thème « Qu’est-ce que ce mythe nous dit, à nous, aujourd’hui ? ». Peu de moyens mais pas mal d’idées, un art du pince sans rire évitant les délires téléphonés, jeu assez fin avec les niveaux de lecture - même si les parents rient plus fort que les enfants. « La Pop, c’est un laboratoire où des artistes d’horizons variés s’emparent de l’objet sonore et musical pour raconter une histoire », résume Geoffroy Jourdain, d’abord connu comme animateur de l’ensemble vocal Les Cris de Paris. « Un lieu où les spectacles naîtront avant d’aller se faire voir ailleurs », ajoute-t-il en prélude au spectacle. Sur le papier : une volonté (risquée) de se démarquer du style bon enfant de la Péniche Opéra. A en juger par ce Tristan assez désopilant, une continuation finement décalée de la tradition maison.

François Lafon

La Pop, Quai de la Loire, Paris. www.lapop.fr Photo © DR

Disparition à soixante-sept ans du metteur en scène Luc Bondy, directeur depuis 2012 de l’Odéon-Théâtre de l’Europe. En 1979 – à propos de la première à l’Opéra de Paris de Lulu d’Alban Berg dans la version complétée par Friedrich Cerha - confrontation à l’Abbaye de Royaumont des tandems Patrice Chéreau-Pierre Boulez et Bondy-Christoph von Dohnanyi, artisans à Hambourg d’une Lulu incomplète mais mémorable. Découverte alors de ce jeune Zürichois bilingue français-allemand, qui aux péremptoires « Je veux dire » de Chéreau oppose un autre tic de langage : « Je ne sais pas, mais… ». Deux spectacles - théâtre et opéra - lui conféreront en France le durable statut d’artiste culte : Terre étrangère d’Arthur Schnitzler (Nanterre-Amandiers - 1984) et Don Carlos de Verdi (Châtelet -1996). Plus qu’à Chéreau, dont il sera l’éternel challenger (et avec qui il partagera le pourtant exclusif scénographe Richard Peduzzi), c’est plutôt à Klaus Michael Grüber, un de ses grands prédécesseurs à l’illustre Schaubühne de Berlin, que s’apparente sa manière : patchwork stylistique, plages vacantes ponctuées de fulgurances, direction d’acteurs à la fois lâche et précise. Sa superbe Salomé (Salzbourg – 1992, DVD Decca), sa Tosca, qui a succédé non sans remous au MET de New York à la version historique de Franco Zeffirelli, résume cet art consommé de l’intermittence (DVD Virgin Classics).

François Lafon

Photo © DR

mardi 6 octobre 2015 à 12h21

En même temps que l’annonce de sa fermeture pour travaux, l’Opéra Comique désormais dirigé par Olivier Mantei lance un nouveau concept (enfin, nouveau sous nos cieux) : l’opéra participatif. L’ouvrage en question, mis en musique par le Français Philippe Manoury, en mots par l’Autrichienne Elfriede Jelinek (prix Nobel) et en scène par l’Allemand Nicolas Stemann, sera titré Kein Licht (Pas de Lumière) et devrait être créé salle Favart en octobre 2017. Principe de l’entreprise : fonder une société de « mécènes-producteurs », c'est-à-dire de donateurs admis à participer « aux étapes de travail habituellement confidentielles entre les artistes et les équipes de production ». Participer ou assister ? Quel généreux contributeur ira taper sur l’épaule du compositeur pour lui indiquer une faute d’harmonie à la mesure 632, ou (plus vraisemblable, quand même) sur celle du metteur en scène pour lui faire remarquer qu’il verse trop dans le Regietheater ? A moins que… les trois noms à l’affiche étant censés attirer un tout autre public que La Traviata relookée par Arielle Dombasle… Une expérience significative en tout cas,  en ces temps de disette subventionnelle et de frilosité créative. Les candidats ont trois mois pour se déclarer, la plateforme de financement participatif étant d’ores et déjà ouverte sur Culture Time. Les anciens se souviendront à cette occasion des productions de disques par souscription, vite devenues des « offres spéciales » de rentrée, plus très participatives. Autres temps…

François Lafon
 

lundi 29 juin 2015 à 19h54

Initiative originale du Théâtre de La Monnaie de Bruxelles : un appel à projets de mise en scène pour Mitridate, Re di Ponto de Mozart. Règle du jeu : envoyer anonymement et en anglais intentions dramaturgiques, maquettes de décors, présentation de l’équipe artistique (à part, pour ne pas compromettre l’anonymat) avant le 18 septembre 2015. Sélection de trois équipes le 28 septembre, lesquelles participeront à un workshop en octobre. Désignation de l’équipe gagnante le 15 octobre, début des répétitions le 29 mars 2016, première le 5 mai sous le chapiteau de La Monnaie, où se déroule (entre autres lieux) la saison extra-muros pendant les travaux du théâtre. Mise à disposition des chanteurs (Michael Spyres dans le rôle-titre, Lenneke Ruiten, Myrtò Papatanasiu en Aspasia et Sifare), du chef (Christophe Rousset), de l’Orchestre et de « toutes les équipes techniques nécessaires », ainsi que d’un budget pour chaque équipe artistique. Mitridate, opera seria du jeune Mozart (quatorze ans) lointainement inspiré de la pièce de Racine, met en scène la lutte du Roi du Pont (la partie nord de la péninsule turque) contre les Romains : on peut espérer des projets engagés (anonymat aidant ?), voire polémiques, d’autant que le spectacle remplacera la production de Robert Carsen (dictature militaire, palais bombardé) déjà donnée en 2007, impossible à reprendre pour des raisons techniques. Intéressant aussi de voir qui se lancera dans la compétition : jeunes troupes, artistes confirmés, outsiders, plaisantins ? Dans sa présentation de la saison 2015-2016, le directeur de La Monnaie Peter de Caluwe cite Schiller via l’historien néerlandais Johan Huizinga : « L’homme ne joue que là où il est homme, dans la pleine acception de ce mot, et il n’est tout à fait homme que là où il joue ». « Jouer est indéniablement le mot qui résumera le mieux la saison », ajoute-t-il. En effet.

François Lafon

Envoi des projets en cinq exemplaires avant le 18 septembre 2015 au Théâtre Royal de la Monnaie / Mitridate / Marie Goffette / 4 rue Léopold / 1000 Bruxelles

jeudi 2 avril 2015 à 16h12

Parution en DVD de Lulu d’Alban Berg, filmé en 2012 à Berlin (Schiller Theater, pendant les travaux du Staatsoper) dans la mise en scène d’Andrea Breth et sous la baguette de Daniel Barenboim. Un cas d’école, moins à cause du caractère abscons du spectacle (rien de nouveau au pays de la Regietheater) que du réaménagement dramaturgico-musical de l’oeuvre. Depuis 1979 – création de la version complétée par le compositeur viennois Friedrich Cerha à partir du matériel laissé par Berg à sa mort – Lulu est considéré comme gravé dans le marbre, la seule excentricité admise étant le retour à la version donnée jusque-là, en deux actes suivis, pour remplacer le 3ème acte inachevé, d’extraits de la Suite orchestrale de la plume de Berg lui-même. Or c’est une nouvelle mouture, baptisée « version de Berlin », qui est donnée ici, due au compositeur anglo-allemand David Robert Coleman. Pourquoi pas, le travail scrupuleux de Cerha sur le 3ème acte laissant subsister des longueurs que Berg aurait probablement éliminées ? Mais Coleman, de conserve avec la metteur en scène qui tenait à présenter l’action sous forme de flashback, ne s’est pas contenté d’élaguer. Il a supprimé le prologue, où les personnages sont assimilés par un dompteur à des animaux de cirque, et tout le tableau « de Paris » au 3ème acte, siège principal des longueurs susnommées. Pourquoi pas, là encore, Lulu n’étant pas (tant s’en faut) un ouvrage sacré ? L’ennui, c’est que, tout en prétendant mettre en valeur les symétries et effets de miroir chers à Berg, ces coupes claires détruisent - musicalement mais aussi dramatiquement - la structure « en arche » révélées par la version Cerha, autour du pivot constitué par la « Musique de film » qui relie les deux tableaux du 2ème acte. Il a aussi orchestré ce qui reste du 3ème acte (la mort de Lulu à Londres sous le couteau de Jack l’Eventreur) façon jazz, avec marimbas, cloches à vaches et steel-drums. Des moustaches à la Joconde, qui au moins ne contribuent pas, elles, à faire perdre son équilibre tardivement retrouvé à un chef-d’œuvre déjà foisonnant.

François Lafon

1 DVD Deutsche Grammophon 073 4934

mardi 24 mars 2015 à 17h22

Au Petit Palais, exposition De Carmen à Mélisande, drames à l’Opéra Comique, à l’occasion du 300ème anniversaire de l’institution. Deux-cents manuscrits, programmes, photographies, tableaux, dessins, films, enregistrements, maquettes et costumes pour raconter vingt-sept ans de création (1875 – 1902) à travers sept ouvrages emblématiques : Carmen, Lakmé, Les Contes d’Hoffmann, Louise, Manon, Le Rêve, Pelléas et Mélisande. Une exposition documentée et efficacement pédagogique mais modeste d’apparence, aux tonalités un peu fanées en dépit de l’habillage symbolique de chaque section (rouge sang pour Carmen, bleu Watteau pour Manon, sable pour Lakmé…), le tout évoquant assez bien ce théâtre petit-bourgeois confiné dans l’ombre du grand opéra réservé aux riches. Un théâtre pas si conformiste pourtant, où soufflait l’air du temps au risque de choquer les habitués : scandale pour Carmen (sexe, meurtre et désertion), Louise (« roman musical » à tendance libertaire), Pelléas (anti-opéra nappé de non-musique), Le Rêve (Alfred Bruneau + Emile Zola, double peine naturaliste). Un choix habilement orienté, retenant des œuvres qui ont survécu (des drames d’ailleurs, comme l’indique le titre de l’exposition), laissant de côté l’ordinaire de la maison, dont le directeur sortant Jérôme Deschamps a donné ces dernières années une image plus conforme en programmant Carmen et Pelléas, mais aussi l’aimable Marouf, savetier du Caire d’Henri Rabaud ou – à l’affiche en ce moment – l’inoffensif Pré aux clercs de Louis-Ferdinand Hérold.

François Lafon

Petit Palais, Paris, jusqu’au 28 juin - En parallèle : L'Opéra Comique et ses trésors, Centre national du costume de scène, Moulins, jusqu'au 25 mai. Photio © DR

jeudi 24 avril 2014 à 00h07

Puccini réorchestré par Bernd Alois Zimmermann, ou accident d’orchestre pour cette Bohème contemporanisée par le metteur en scène Philippe Sireuil à l’Opéra de Zürich en 2007 ? Comme nombre de ses confrères, le ténor Marcelo Alvarez transpose sa partie dans le grave pour éviter les notes trop aiguës. Le chef Paolo Carignani n’a apparemment pas été prévenu. Résultat ici :


dimanche 9 mars 2014 à 19h13

Disparition, à soixante-dix ans, de Gerard Mortier. Hommages répétés à son refus de l’opéra-musée, à sa conviction que l’art lyrique a beaucoup plus qu’on ne le croit à nous apprendre sur nous, ici et maintenant. Liste glorieuse de « ses » metteurs en scène : Luc Bondy, Patrice Chéreau, Karl-Ernst et Ursel Herrmann, Gilbert Deflo, Peter Sellars, Klaus-Michael Grüber, Christoph Marthaler, Krzysztof Warlikowski, Michael Haneke. Opéra, théâtre, cinéma, même combat : « Mon rôle est d’essayer de semer le doute dans les esprits ». Vu d’ailleurs, hors de la bulle opéra, son avant-gardisme impressionnait moins : tel Rameau, trop en avance pour les lullistes, déjà dépassé pour les gluckistes, il aura pris le risque – comme le dit Pierre Boulez d’un confrère non identifié – d’être démodé avant d’être modé. « La tâche des hommes politiques devrait être de rapprocher le peuple des artistes », disait-il. Avant même d’être un idéologue, il était un idéaliste.

François Lafon

mercredi 25 septembre 2013 à 09h21

Il y a eu Die lustigen Nibelungen, opérette en trois actes d’Oscar Straus (1904), Bob et Bobette, le trésor de Fiskary, bande dessinée de Willy Vandersteen (1953), The Ring of the Nibelung, an analysis, one woman show d’Anna Russell (« L’histoire commence dans le Rhin. DEDANS !!! » – 1953), What’s Opera, Doc ?, dessin animé de Chuck Jones avec Bug’s Bunny (1957), La (toute) petite Tétralogie, théâtre musical de Michel Jamsin et Anne Laure Liégeois (2010), Nietzsche – Wagner : le Ring, spectacle philosophico-musical d’Alain Bézu (2010), Ring Saga, une Tétralogie de poche signée Antoine Gindt (2011). Voici, venu de Sidney (Australie), Le Ring raconté en deux minutes et demie, ou Pourquoi faire long, etc,. Une occasion rêvée pour rafraîchir votre anglais.

François Lafon
 

jeudi 11 avril 2013 à 10h41

2588 œuvres dont plus de 300 en première mondiale, 1198 compositeurs dont 640 vivants, ont été représentées dans le monde de 2007 à 2012, selon le site Operabase. Pour le nombre des représentations, Paris (392) arrive en quatrième position derrière Berlin, Vienne et Londres et la France (1219)  est à la même place derrière les Etats-Unis, l’Allemagne et l’Autriche, mais  se retrouve ... 19ème quant au nombre de représentations par million d'habitants. Verdi, Mozart, Puccini, Wagner et Rossini constituent le Top 5 des compositeurs « classiques » les plus représentés (en nombre d’œuvres), Phil Glass, Hans-Werner Henze, John Adams, Peter Maxwell-Davis et Jake Heggie celui des compositeurs « contemporains », les compositrices n'apparaissant qu'à la 15ème place avec Kaija Saariaho. Le Top 10 des opéras les plus représentés est sans surprise : La Traviata, La Bohème, Carmen, La Flûte enchantée, Tosca, Les Noces de Figaro, Madame Butterfly, Le Barbier de Séville, Rigoletto, Don Giovanni. A noter tout de même qu’Aïda, longtemps en tête avec Carmen, n’arrive qu’en 14ème position (manque de voix pour le chanter ?) alors que La Traviata passe pour la première fois en tête de liste. A noter aussi qu'aucun ouvrage de la seconde moitié du XXème siècle ne figure parmi les 25 titres leaders, le premier d’entre eux, Le Tour d’écrou de Benjamin Britten (1954), arrivant en 73ème position. Une précision : Jake Heggie, cinquième des compositeurs contemporains les plus représentés, est l’auteur de Dead Man Walking (2000), triomphe international pas encore donné en France. Une remarque : Händel est neuvième dans la liste des compositeurs les plus représentés, mais aucun autre musicien antérieur au XIXème siècle (Mozart mis à part, bien-sûr) n'apparaît avant Gluck et Purcell (23ème et 24ème places). L'invasion de l’opéra baroque, fêtée par les uns, déplorée par les autres, serait-elle un effet d’optique, à moins que ce ne soit un phénomène franco-français ?

François Lafon

Photo Mireille Delunsch dans La Traviata DVD Bel air

dimanche 28 octobre 2012 à 11h33

« A la fin de Dialogues des Carmélites, toutes les Carmélites doivent mourir ». C’est le cri du cœur que poussent par voie de justice les héritiers de Georges Bernanos et Francis Poulenc à l’occasion de la reprise de l’ouvrage au Staatsoper de Munich dans la mise en scène de Dmitri Tcherniakov. Tardive réaction : le spectacle existe depuis 2010, il est même paru en DVD l’année dernière, et les représentations auront lieu, accompagnées d’une mise au point distribuée au public. Tcherniakov, connu pour ses relectures radicales mais talentueuses du répertoire (son Don Giovanni façon complot de famille a alimenté la chronique au festival d’Aix) n’y est, il est vrai, pas allé de main morte : plus de Carmélites, plus de Révolution française, mais des femmes, quelque part dans un pays totalitaire, qui finissent par faire sauter à coups de bouteilles de gaz le local vitré dans lequel elles vivaient à la fois recluses et exposées au regard des passants. Argument du metteur en scène : l’angoisse générée par une telle situation parle davantage à notre époque. Peut-être, mais ce qui a choqué les ayants-droit, c’est que ces dames (sauf une) finissent par sauver leur peau, alors que l’œuvre ne prend son sens que si elles accomplissent leur vœu de martyre. Un radicalisme, en effet, qui devrait continuer à parler à notre époque.

François Lafon

Bayerische Staatsoper, Munich, les 28 octobre, 1, 4 novembre.

samedi 14 juillet 2012 à 21h40

Retransmission sur Medici TV et Arte Live WEB de Written on skin, l’opéra de George Benjamin (musique) et Martin Crimp (livret), en direct du festival d’Aix-en-Provence. « Attention : chef-d’œuvre » (Concertclassic.com) ; « Le premier chef-d’œuvre du siècle» (Le Soir, Bruxelles) ; « Le meilleur opéra écrit depuis vingt ans » (Le Monde). « On dirait que Benjamin a étudié tous les pièges posés par le genre pour mieux les déjouer » (Le Figaro). Pas si simple, pourtant, le chef-d’oeuvre : intrigue en abîme, télescopage des époques, tissu vocal subtilement dialectique, réflexion sur l’image et l’incarnation. « J'ai un problème avec l'écriture vocale de beaucoup d'œuvres récentes, car je n'aime pas que la voix fasse des zigzags permanents, explique Benjamin. J'ai dû (…) éviter les changements continuels de tessiture, bannir les intervalles modernes, devenus conventionnels. Je voulais surtout que la ligne vocale reflète les intentions des personnages. Il y a un rapport de force et une intention derrière chaque réplique. ». Au lieu de régler ses comptes avec le genre, il en renouvelle les données. Cela change, en effet, des habituels anti-opéras. Le spectacle, superbement mis en scène par Katie Mitchell, est programmé à Londres, Amsterdam, Toulouse et Florence. C’est tout pour l’instant. Medici le propose en VOD (payant) jusqu’au 31 octobre, Arte en streaming jusqu’en janvier 2013. Bande son sur France Musique le 22 juillet.

François Lafon

Photo © Pascal Victor/Artcomart

mercredi 23 mai 2012 à 10h23

Polémique au Metropolitan Opera de New York. A la suite d’une descente en flammes du Crépuscule des dieux mis en scène par Robert Lepage suivie d’un dossier mettant en cause sa politique artistique, Peter Gelb, le directeur général, décide d’interdire de critique la revue Opera News. Il en a les moyens : ladite revue, fondée en 1936 dans le but de fournir un soutien financier au MET, est toujours dirigée par un directeur adjoint de la maison. Tollé des abonnés, appel au respect de la libre expression. Aux dernières nouvelles, Peter Gelb a fait machine arrière, admettant qu’il avait fait une erreur, que le MET n’existait que par le bon vouloir du public, que celui-ci attendait d’Opera News qu’il chronique les spectacles du MET, et qu’il s’inclinait devant une « vague de déception ». Opera News tire à 100 000 exemplaires, couvre l’actualité lyrique américaine et internationale, chronique des disques, bref, se pose depuis trois quarts de siècle en leader d’opinion. Comme si En Scène, la revue promotionnelle de l’Opéra de Paris, ne faisait qu’un avec Opéra Magazine. Or personne jusqu’ici n’avait apparemment crié au trafic d’influence.

François Lafon

lundi 2 avril 2012 à 08h26

« Vous êtes malheureux en amour, ou en train de divorcer ? Votre partenaire a cessé de vous écouter ? Vous n’avez plus d’autorité sur vos enfants ? Vous ne vous entendez pas avec vos parents ? Vous pleurez un être cher ? Vous en avez assez d’être seul(e) ? Vous êtes en conflit avec votre patron ? Nous croyons à l’opéra, et pensons que l’opéra peut vous apporter une solution ». La solution a pour nom Operahjälpen (SOS Opéra) et fait partie du programme Opera Showroom, imaginé par le Britannique Joshua Sofaer avec des artistes du Folkoperan, deuxième scène lyrique de Stockholm, plus avant-gardiste que l’Opéra Royal de Suède. «J’ai chanté à domicile pour un couple qui perdait le contact, se disputait beaucoup, explique la soprano Henrika Gröndahl sur le site suisse 24 heures. L’aria choisie, "Donde lieta usci", tirée de La Bohème de Puccini, évoque une séparation. Au bout de deux mesures, la femme pleurait et s’agrippait au bras de son époux, qui lui-même semblait très ému ». « Le projet n’est pas une musicothérapie. Le son modifie la pièce qui demeure comme hantée après le départ du chanteur», précise Joshua Sofaer. « Si vous n’avez pas de problème, c’est vous qui venez au spectacle », ajoute Pia Kronqvist, directrice du Folkoperan. La séance à domicile est gratuite, comme la première dose offerte par un dealer. Qui affirmera, après cela, que l’opéra, n’est pas une drogue ?

François Lafon

Photo : Henrika Gröndahl en pleine thérapie © DR

dimanche 2 octobre 2011 à 11h28

Il y a une vingtaine d’années, Franco Zeffirelli avait déclaré qu’il monterait volontiers La Tétralogie à condition que les gardiens du temple wagnérien le laissent en faire un digest de quatre heures. Réaction desdits wagnériens : « Que Monsieur Zeffirelli s’en tienne à La Bohème et Aïda ». A la même époque, en Angleterre, le compositeur Jonathan Dove et le metteur en scène Graham Vick attiraient à l’opéra un nouveau public en condensant des chefs-d’œuvre du répertoire, parmi lesquels … La Tétralogie. Quatre soirées en un week-end, neuf heures de musique (et non plus quatorze, mais tout de même pas quatre), dix huit instrumentistes, quinze chanteurs. C’est ce Ring Saga, mis en scène par Antoine Gindt, qui parcourt en ce moment la France et ses environs : Porto, Strasbourg (dans le cadre du très chic festival Musica), Paris, St-Quentin-en-Yvelines, Nîmes, Caen, Luxembourg, Reims. Sans vedette, mis en scène a minima, le spectacle fait le plein partout. Les Français ne sont pourtant pas privés de Tétralogie grandeur nature : Aix-en-Provence, Strasbourg, Paris, pour ne citer que les plus récentes. Mais s’offrir un Ring complet n’est pas à la portée de toutes les bourses, ni de toutes les oreilles. Alors Wagner pour les riches, Wagner pour les nuls ? Un opéra à deux vitesses ? Prix des places pour le cycle intégral de Ring Saga : de 10 à 65 euros (Caen), de 80 à 120 euros (Strasbourg). Même en mini-lingots, l’Or du Rhin manque de stabilité.

François Lafon

ringsaga.com    Photo©CasaMusicaPorto

lundi 22 août 2011 à 10h30

Débat d’experts autour du Porgy and Bess de Gershwin, monté à Cambridge (Massachusetts) par l’American Repertory Theatre, et repris à Broadway l’hiver prochain. En tête de la fronde : Stephen Sondheim, compositeur et librettiste, conscience et mémoire de la comédie musicale. Depuis les années 1980, l’ouvrage de Gershwin figure au répertoire des grandes maisons d’opéra, le MET en tête. Des éditions musicologiques ont vu le jour, bien éloignées de la version entertainment créée en 1935 à Broadway, avec un succès d’ailleurs modeste. Première pomme de discorde : le titre, qui devient « Le Porgy and Bess de Gershwin ». « Au cas où on l’aurait confondu avec celui de Rogers et Hart », ironise le critique Patrick Healy, du New York Times. Plus grave, le livret est remanié : ajouts de dialogues, de péripéties et même d’un happy end qui modifie la signification de l’œuvre. On sait désormais pourquoi Porgy est infirme, et comment Bess est devenue une fille perdue. Exeunt les archétypes qui font le grand opéra, remplacés par des humains comme vous et moi. Réponse de Diane Paulus, metteur en scène du spectacle : « On peut pas demander à un public actuel de s’intéresser pendant trois heures à une intrigue pleine de lacunes et à des personnages incompréhensibles ». Et de fustiger les puristes gershwiniens, qu’elle assimile à une secte. Cela va faire drôle aussi d’entendre l’orchestre réduit à un petit ensemble de dix-huit musiciens, quand on est habitué aux enregistrements symphoniques de Lorin Maazel ou Simon Rattle. Stephen Sondheim y sera sensible, lui qui a dû attendre que ses propres ouvrages (A Little Night Music, Sweeny Todd) soient donnés à Paris, au Châtelet, pour les entendre « grandeur nature », avec le Philharmonique de Radio France dans la fosse.

François Lafon

lundi 14 février 2011 à 20h54

Un camion bélier, un portail défoncé, un entrepôt pillé : scène de chasse en banlieue. Mais ce ne sont pas seulement des tuyaux de métal (très recherchés) qui ont disparu du Théâtre de la Mezzanine, à Lieusaint (ville nouvelle de Sénart), c’est le décor géant imaginé par le metteur en scène Denis Chabroullet pour Didon et Enée de Purcell. Deux ans de travail, trente personnes au chômage, dix tonnes de matériel, cent mille euros de pertes. Le spectacle, qui tournait depuis la mi-novembre en Ile-de-France, était bien dans le style maison : onirique et paroxystique, entre palais des merveilles et fourre-tout de chiffonnier, le tout baignant dans une sorte de lac où se reflétaient objets récupérés et corps en perdition. Tout doit être reconstruit pour avril, où la tournée doit continuer. Loi des séries ou improbable hasard : la Serre (c’est le nom du lieu) venait tout juste d’échapper à la destruction, la clinique qui devait la remplacer allant finalement s’installer ailleurs. Les dons sont les bienvenus : à votre bon cœur ! En attendant, la banlieue, encore une fois, se passera d’opéra.

François Lafon

Théâtre de la Mezzanine : 01 60 60 51 06. http://www.theatredelamezzanine.com/

dimanche 23 janvier 2011 à 09h46

En 3D, comme Avatar : c’est le petit plus inauguré par l’English National Opera pour la retransmission, en direct sur la chaîne TV Sky 3D et en salles, de sa nouvelle production de Lucrèce Borgia de Donizetti. Le cinéaste Mike Figgis (Leaving Las Vegas), qui met le spectacle en scène, a même imaginé, en plus des entractes avec visite des coulisses et interviews des chanteurs, des interludes filmés racontant la jeunesse de l’illustre empoisonneuse, composés, entre autres, d’extraits de la Lucrèce Borgia d’Abel Gance avec Edwige Feuillère (1935). Le 5 mars, la Carmen du Covent Garden sera donnée en salles en 3D, mais pas en direct. L’opéra sur écran n’est plus un ersatz, et offre davantage que le spectacle live. Davantage ? Et la voix au naturel, et la présence scénique, et la sensation d’assister à une aventure unique ? Ne tremblez pas, chers abonnés : en 3D ou non, les caméras ont encore besoin (pour combien de temps ?) d’avoir quelque chose à filmer.

François Lafon

Lucrezia Borgia, du 31 janvier au 3 mars à l’English National Opera, Londres. En direct le 23 février sur Sky Art 2, Sky 3D et des salles de cinéma. (Photo extraite du film d'Abel Gance)

lundi 22 novembre 2010 à 10h35

Dans la louable intention de construire des ponts entre le Chine et le reste du monde, Pékin a envoyé l’année dernière le plasticien branché Zhang Huan monter Semele de Handel à Bruxelles. Auréolé du succès qu’il a remporté au Théâtre de la Monnaie, le spectacle est arrivé en fanfare dans la capitale de l’Empire du Milieu. Mais là, la commission de censure s’est déchaînée. Transposer en Chine la mythologie gréco-latine, c’est bien. La nudité et la lubricité, ça ne l’est pas : l’âne (une marionnette habitée par deux manipulateurs) doit cacher son priapisme et les acteurs sont priés de se rhabiller et d’éviter tout « geste sexuellement suggestif ». Non moins grave est l’impertinence morale, ou politique. Plus de chœur grec en robe safran : on dirait des moines tibétains. Edulcoration des sous-titres, coupures dans le film, projeté pendant l’ouverture, expliquant la présence sur scène d’éléments sculptés d’un temple de la dynastie Ming : l’ex-propriétaire dudit temple a été exécuté pour avoir tué l’amant de sa femme, et cela ne se raconte pas. Que cela soit la clé de la transposition de l’action, que le public, déjà désarçonné par la musique, ne comprenne plus grand-chose au projet initial est secondaire. Suppression enfin de L’Internationale, chantée à la fin du spectacle. Au New York Times, Lady Linda Wong Davies, directrice de la KT Wong Foundation (Londres) et productrice du spectacle, a déclaré : « La prochaine fois, nous monterons Mary Poppins ou La Mélodie du bonheur. » Parce que Le Roi et moi, cela risque de ne pas être politiquement correct ?

François Lafon
 

Photo : Han Fen

vendredi 11 juin 2010 à 16h17

Robert Hossein a de quoi être fier : au Wolf Trap, un centre de spectacles en pleine nature à quelques miles de Washington, le metteur en scène James Marvel lui a emprunté l’idée de faire voter le public. Cette fois, il ne s’agit pas de se demander si Gaston Dominici est innocent ou si Marie-Antoinette mérite la guillotine, mais si Zaide, le singspiel inachevé de Mozart, doit se terminer bien ou mal. Si l’on n’écoute que la musique, cette histoire d’esclaves chrétiens en terre musulmane - dans laquelle on a vu un brouillon de L’Enlèvement au sérail – s’arrête au moment où le sultan condamne les captifs pour avoir voulu s’évader. Mais le livret - ou tout au moins ce qu’on croit en savoir - ménage un coup de théâtre façon « croix de ma mère », qui amène le potentat à libérer tout le monde. C’est à l’entracte que les spectateurs doivent trancher. Le contexte n’est pas innocent : il s’agit moins d’être - ou non -  fidèle à l’esprit des Lumières en optant pour la clémence, comme dans L’Enlèvement au sérail, que de décider si l’on juge l’Islam capable de mansuétude vis-à-vis de l’Occident chrétien. Quatre représentations sont prévues : l’Amérique profonde n’a plus qu’à parler. Dans sa mise en scène de Zaide, créée à Vienne et donnée il y a deux ans au festival d’Aix-en-Provence, l’Américain Peter Sellars ne tranchait pas. Et pourtant, Sellars est connu pour être un incorrigible idéaliste.

François Lafon

Zaide, de Mozart. Gary Thor Wedow (direction). Wolf Trap Opera, les 11, 13, 15, 19 juin. www.wolftrap.org.

jeudi 3 juin 2010 à 09h49

Pour succéder au chroniqueur Henry-Jean Servat et à l’actrice Julie Depardieu, Patrick Poivre d’Arvor en personne. Pour quoi faire ? Monter un opéra. C’est à Carmen que PPDA va se mesurer. Il aurait préféré monter Don Giovanni, mais sa fille Solenn préférait Carmen. « Je m’endors avec Carmen, sans avoir besoin du son » ( ?)  a-t-il déclaré. De  cour (d’honneur) en  jardin (du château), Opéra en plein air promène chaque année un spectacle à travers la France. Il s’agit de « susciter un rapport nouveau à l’art lyrique ». Pas question, donc, de relecture critique des chefs-d’œuvre du répertoire. On y va comme à un Son et Lumière, sans faire attention aux aléas de la sono, et sans se poser de questions sur la pertinence stylistique de ce qu’on voit et (avec de la chance) entend. Les vieilles pierres, de toute façon, sont là pour légitimer l’entreprise. Patrick Poivre d’Arvor a, comme ses prédécesseurs, un co-équipier censé redresser la barre en cas de tempête, en la personne de Manon Savary, fille de Jérôme. Ensemble, ils veulent échapper à l’espagnolade, et imprimer au spectacle « un caractère furieux » et un rythme rappelant celui du JT (sic). Une des vertus de cet acte culturel estival est de donner leur chance à de jeunes chanteurs. Dont acte. En tout cas, le concept fonctionne, puisque l’opération fête son dixième anniversaire.

François Lafon

 

Carmen, 26 représentations, du 3 juin au 4 septembre

vendredi 21 mai 2010 à 08h21

 Cette troisième et dernière leçon nous initie aux aspects philosophiques, voire métaphysiques de la méthode.
 

 
19) L’ennui du public est une forme d’art.

20). Il doit y avoir un tas de ferraille dans un coin, que l’on manipule sans raison, et qui s’écroule de préférence quand l’orchestre joue piano. Veiller à ce que les objets dangereux soient placés sur le bord du plateau, de manière que, quand les danseurs ont les yeux bandés, ils puissent shooter dedans et les envoyer dans la fosse d’orchestre.

21) Les apartés doivent être chantés face à celui qui est censé ne pas les entendre.

22). Les protagonistes doivent être maquillés en blanc, de manière à perdre toute individualité, toute variété dans leurs expressions. De toute façon, ils ne savent pas jouer. Ils ne sont là que pour prendre la pose et émettre de jolis sons.
 
23). Essayez de lire le livret à l’avance, pour être sûr qu’il ne se mettra pas en travers de vos idées. N’allez pas jusqu’à écouter un enregistrement de l’œuvre : ce n’est pas votre travail.

24) Faites en sorte que le chef se sente utile, même s’il n’est qu’un intrus, un manieur de premier degré.

25). Le metteur en scène doit bannir toute idée qui ne vient pas de lui, même si cette idée figure déjà dans cette liste.

26) Un costume doit répondre au moins à deux de ces critères : a) enlaidir le chanteur ; b) obscurcir sa vue ; c) l’empêcher d’entendre l’orchestre ; d) gêner ses mouvements ; e) être en contradiction avec l’époque indiquée par le livret (ce dernier point ayant à peine besoin d’être mentionné).


Voilà. Sans prétendre égaler les maîtres en la matière que sont Christoph Marthaler, Claus Guth ou Christof Loy, vous avez en mains les éléments qui vous permettront de percer les secrets du Regietheater tel qu’il est pratiqué sur la plupart des scènes lyriques. Faites-en bon usage. Et si vous pensez aux pyramides en écoutant Aida, s’il vous arrive d’imaginer Wotan vêtu de peaux de bêtes et Manon en robe à paniers, apprenez par cœur ces vingt-six préceptes. Vous pourrez vous les réciter et échapper ainsi à toute tentation de révisionnisme dramaturgique.

François Lafon
 
Illustration : Le Roi Roger de Karol Szymanowski, mise en scène de Krzysztof Warlikowski à l'Opéra National de Paris.
mercredi 19 mai 2010 à 07h43

Les huit premiers préceptes de « How to opera germanly » ont posé les principes de base de la méthode. Avec cette deuxième leçon, nous en abordons quelques aspects plus pratiques. 

9) Les scènes de sexe doivent être sans charme, agressives même. Le must : se rouler par terre.

10) Des comportements homosexuels sans motif apparent doivent émailler l’action.

11) Le happy end est une faillite intellectuelle. Jouer le contraire. Ajouter si possible un meurtre.

12). Eviter à tout prix de plaire au public. S’il siffle, vous avez gagné.

13) Répétez l’opération jusqu’à ce que celui-ci soit mort. Très important.
 

14) Toute allusion à la beauté ou au mystère de la nature doit être évitée. Le décor doit être prosaïque, contemporain et décrépit. N’oubliez pas les lumières fluorescentes. Les lampes à arc sont aussi admises.

15) Le public ne doit pas savoir à quels moments il peut applaudir ni quand la scène/l’acte se termine.

16) Les atrocités de l’histoire, comme l’Holocauste ou le sida, doivent être le plus possible exploitées. Les mœurs du public doivent aussi être tournées en dérision.

17) Les couleurs relèvent de l’opéra culinaire : du noir, du blanc, du gris, rien d’autre.

18). Les choristes doivent avoir le crâne rasé, être sans sexe, sans visage et en trench coat.

 

François Lafon
 
Illustration : mise en scène de Cristoph Marthaler de Tristan et Isolde de Richard Wagner au Festival de Bayreuth. Crédit photo: Enrico Nawrath

Depuis son apparition sur la toile au début du XXIème siècle, « How to opera germanly » (« Comment monter un opéra à l’allemande », ou plutôt « allemandement ») reste un mystère. L’auteur en serait un chanteur et/ou metteur en scène préférant rester anonyme pour ne pas se griller dans le métier. Certains prétendent qu’il s’agirait du compositeur et ex-ténor wagnérien Gary Bachlund, lequel en a livré une très sérieuse version commentée. La charge contre l’école germanique de mise en scène est grosse, et l’ensemble dégage un désagréable parfum de réaction (c’est la loi du genre). Mais quel meilleur remède à l’overdose qui nous guette de Haendel en treillis, de Mozart au fast food et de Wagner façon Mad Max ? Il circule diverses versions de « How to opera germanly », plus ou moins augmentées et parées de variantes. L’urtext est en (mauvais) anglais. Le voici en (mauvais ?) français. Il est en vingt-six points. Pour vous permettre de l’assimiler plus facilement et devenir ainsi un as du Regietheater (théâtre de metteur en scène), comme on dit outre-Rhin, nous vous le proposons en trois leçons. Aujourd’hui : les huit premiers préceptes.

1) Le metteur en scène est l’élément essentiel du spectacle. Sa vision passe avant celles du compositeur, du librettiste, des chanteurs et surtout du public, composé d’idiots repus qui ne demandent qu’à être distraits et émus.

2) Le deuxième élément important est le scénographe.

3) La comédie est verboten, sauf si elle est fortuite. Laissons l’humour à ces abrutis de téléspectateurs.

 
4) Le jeu scénique doit être intense : on se roule par terre, on grimpe aux murs, on s’assoit sur le plancher nu.

5) L’attention du public doit se porter sur tout, sauf sur la personne qui est en train de chanter. Un air - forme musicale déjà démodé au siècle denier - doit être accompagné par des gens exprimant de la façon la plus triviale le mal être que leur inspire celui ou celle qui chante.

6) La fidélité au livret est passible de l’anathème, comme la peinture réaliste l’est pour le peintre abstrait. Ne racontez pas l’histoire, commentez-la. Mieux : dynamitez-la!

7) Quand il pousse une note aiguë, le chanteur doit être plié en deux, allongé par terre ou dos au public.

8) A certains moments, la musique doit s’arrêter, pour une raison obscure, mais intense.
François Lafon
 
Illustration : Mise en scène de Stefan Herheim de L'Enlèvement dans le sérail de Mozart (Festival de Salzbourg, 2003).
Photo: Karl Forster
lundi 22 mars 2010 à 09h29
Robert Badinter aime beaucoup l'opéra. Pas étonnant de la part d'un avocat : on s'assassine beaucoup dans le monde lyrique (sur scène bien sûr ; en coulisse, les crimes sont plus métaphoriques). En ce moment, il écrit un livret pour le compositeur Thierry Escaich. Le thème : les dernières heures d'un condamné à mort. Comme il est co-commissaire, avec Jean Clair, de l'exposition « Crime et châtiment » au Musée d'Orsay, il ne sort pas de son sujet. Il a déjà, en 1995, tâté de la scène avec C.3.3, une pièce sur la condamnation d'Oscar Wilde pour homosexualité (C.3.3., c'est le numéro de la geôle de Reading où l'écrivain a été enfermé). Le spectacle a remporté un « succès d'estime », c'est à dire qu'il n'a pas marché, et la pièce, qui tient davantage de la plaidoirie que de l'action dramatique, n'a jamais été reprise. Un livret d'opéra, c'est plus contraignant, mais aussi plus sécurisé. Impossible d'être bavard, la musique, qui ralentit tout, vous oblige à condenser. Difficile d'être dogmatique : la musique, qui travaille dans le sensible, va vous contredire. Interdit de pratiquer le double-sens, le non-dit, le sous-texte : la musique est là pour ça. Envahissante, la musique ? Pas si elle sait dialoguer avec l'action. L'opéra, qui est affaire de dialectique, lui demande avant tout de ne pas faire cavalier seul. Pourquoi ne donne-t-on jamais Pénélope ? Parce que la musique de Fauré est superbe, mais elle roule toute seule, indifférente à ce qui se passe sur scène. En revanche, Paillasse fonctionne très bien, et tant pis pour ceux qui en trouvent (à raison) la musique grossière. Ne voyez dans tout cela aucun non-dit quant à l'association de Thierry Escaich, compositeur spécialisé dans la musique sacrée, avec Robert Badinter, l'homme qui a fait abolir la peine de mort en France. Dans l'imagerie populaire, l'image de la guillotine se découpe souvent sur fond de ciel sans nuage.

Exposition Crime et châtiment. Jusqu'au 27 juin. Paris, Musée d'Orsay.

Polémique à la Scala de Milan à propos de la mise en scène du Tannhäuser de Wagner par La Fura dels Baus. Images choc, éclairages virtuoses, vidéos en folie : le collectif catalan déploie son arsenal habituel. Mais la grande idée du spectacle est que la rédemption de l'artiste déchiré entre l'empire des sens et l'aspiration à la pureté passe mieux si l'action est transposée dans une Inde colorée par le folklore bollywoodien. L'argument est recevable : là-bas, on fait encore la route à pied pour aller se purifier dans les eaux du Gange, alors qu'ici, on n'a pas encore vu Michel Houellebecq déguisé en Tannhäuser, se traînant jusqu'à Rome pour recevoir l'absolution papale.
Puisque l'actualisation est à la mode, il faut bien trouver des équivalences culturelles. On a vu à l'Opéra Bastille un Barbier de Séville déplacé par Colline Serreau dans le Maghreb (où l'on enferme encore les filles à marier), à la Cartoucherie un Tartuffe devenu islamiste par les bons soins d'Ariane Mnouchkine, et au Châtelet un Padmâvati (de Roussel) déjà bollywoodien, avec éléphants roses et jeunes premiers gominés. Les civilisations traditionnelles sont décidément bien utiles pour donner un coup de jeune (si l'on ose dire) à des intrigues qui ne sont plus de chez nous. C'est toujours plus raffiné que de transporter la prison de Fidelio à Guantanamo ou le séisme du Roi d'Ys à Haïti. Ce qui a le plus choqué, dans le Tannhäuser de La Scala, c'est la scène filmée où l'on voit Jean-Paul II vouer à l'enfer ceux qui ont commis le péché de luxure. Comme quoi il n'est pas toujours indispensable d'aller jusqu'en Inde pour se retrouver au XIXème siècle.

Wagner : Tannhäuser. Mise en scène : La Fura Dels Baus – Direction : Zubin Mehta – Milan, Scala, les 20, 24, 27, 30 mars, 2 avril.

Si Anna Nicole fait autant de grabuge que Jerry, Covent Garden tiendra mieux qu'un succès, un scandale! Vous ne comprenez rien ? Explication : Anna Nicole (Smith), c'est une playmate aux allures de Marilyn, qui a épousé un magnat du pétrole de soixante-trois ans son aîné avant de mourir d'une overdose en 2007. A partir de cette histoire dont les tabloïds britanniques n'ont pas manqué un épisode, le compositeur Mark Anthony Turnage et le librettiste Richard Thomas ont imaginé un opéra qui sera créé le 17 février 2011 sur la première scène lyrique du royaume. Richard Thomas est célèbre en Angleterre pour être l'auteur de Jerry Springer, the opera (2003), un musical qui a mis en émoi les ligues de vertu et dont le héros est l'animateur d'une émission de télé trash, où l'on voit couples et familles laver leur linge sale devant un public chargé d'attiser le feu (le show en question est diffusé ici sur une chaîne câblée - je ne vous dirai pas laquelle -, et il en existe même une version française). Mis en scène par le très sérieux Richard Jones, Anna Nicole sera incarnée par la soprano néerlandaise Eva-Maria Westbroek, que l'on a vue à Aix dans La Walkyrie et à la Bastille en Lady Macbeth de Mzensk. Imaginez Pascal Dusapin s'associant avec Laurent Ruquier pour un écrire un opéra sur Lolo Ferrari ! Ici, on préfère commander un Faust à Philippe Fénelon (première parisienne le 17 mars au Palais Garnier). Cela fait moins jaser, mais la réputation du service public est sauve.
Un Opéra au Burkina Faso. Un caprice colonialiste, comme celui de Manaus, dans la forêt brésilienne ? « Pas du tout, se défend Christoph Schlingensief, le metteur en scène et cinéaste allemand qui réalise là son rêve. Nous n'avons rien à apprendre aux Africains, mais beaucoup à apprendre d'eux. Le festival qui aura lieu tous les ans ne sera pas une copie de Bayreuth. Il mobilisera les énergies culturelles autochtones ». Curieux personnage que ce Schlingensief, réalisateur d'une trilogie filmée sur l'Allemagne (Les dernières heures du Führer dans le bunker ; Massacre allemand à la tronçonneuse ; Allemagne, bloc de réanimation), et metteur en scène d'un Parsifal dirigé par Pierre Boulez à Bayreuth en 2004, qui ont fait de lui un génie pour les uns, un imposteur pour les autres, pour tous un virtuose de la provocation. Arte lui a consacré une émission en septembre dernier, où on le voyait chercher le lieu idéal pour réaliser ce projet qu'il s'est juré de mener à bien il y a deux ans, après avoir été opéré d'un cancer du poumon. Dans un village de la périphérie de Ouagadougou, la première pierre a été posée le 8 février, et treize containers de matériel sont arrivés d'Europe. Le bâtiment, dessiné par Francis Ker, un Burkinabé résidant à Berlin, sera une spirale de béton, il comprendra des salles de spectacle, des ateliers, une école de musique et de cinéma, et même un dispensaire. Le Goethe-Institut, le ministère allemand des Affaires étrangères et la Fondation Culturelle Fédérale participent au financement. Ce qu'on ne connait pas encore, c'est le programme de l'inauguration, prévue en octobre, de ce « Village africain d'opéra ». S'il s'agit d'un spectacle monté par Schlingensief lui-même, le public local risque de se faire une curieuse idée d'une culture si longtemps considérée comme dominante.
dimanche 7 février 2010 à 00h05

Dans les années 1960, les Who voulaient donner leur opéra rock Tommy au Palais Garnier. Horreur des abonnés. Un demi-siècle plus tard, le compositeur italo-anglais Marco Sabiu lance - sur disque et, espère-t-il, sur scène - l'opéra metal symphonique. Le titre : Charlemagne, par l'épée et par la croix. La vedette : Sir Christopher Lee, quatre-vingt-sept ans, Dracula en chef du cinéma d'horreur britannique des années 1960, récemment relancé par Le Seigneur des anneaux de Peter Jackson. Rien de subversif dans tout cela, bien sûr. Le metal est plus poli que heavy, et Sabiu s'est rappelé qu'il avait travaillé avec Pavarotti. Encore une comédie musicale qui veut se donner des lettres de noblesse. A l'époque des Who, le seul nom d'opéra faisait fuir les beaux esprits, et le trio Pierre Boulez - Jean Vilar - Maurice Béjart achevait de le passer au Kärcher dans un rapport commandé par André Malraux. Aujourd'hui, Pascal Dusapin le partage avec Luc Plamondon et Jean-Pierre Pilot, l'un des compositeurs de Mozart, l'opéra rock. Mais personne, dans ce Mozart néo-disco n'a pour ancêtre l'auteur de Don Giovanni, alors que Christopher Lee affirme descendre par sa mère de l'Empereur à la barbe fleurie.

Au moins Hope, le spectacle qui fait fureur à Francfort, est moins ambitieux. Il ne se pare pas du beau nom d'opéra, comme naguère Nixon in China de John Adams et Peter Sellars, mais simplement d'« Obama musical story ». On y voit Mr President chanter « Yes we can » en duo avec Hilary Clinton, tandis que le public a la possibilité d'accompagner la musique au moyen du « plus petit tambour du monde » intégré à chaque siège. Une idée pour un futur opéra participatif ?

Charlemagne, by the Sword and the Cross. Opéra metal symphonique de Marco Sabiu. Dans les bacs le 15 mars.
Hope, Obama musical story. Jarhunderthalle, Francfort, Allemagne
.

Une vieille lune, le cinéma interdit au moins de dix-huit ans? Que dire alors de l'opéra « déconseillé » aux moins de seize ans, pratiqué par le <a href="http://www.geneveopera.ch/index.php?id=3â

mardi 8 décembre 2009 à 16h40
A New York, les troupes rivales sortent les couteaux. Le MET et le New York City Opera ? Pas du tout : le Bleecker Opera et l'Amore Opera, tous deux issus de l'Amato Opera, un mini MET de trois cents places situé dans l'East Village. Après la disparition de son épouse et collaboratrice Sally Amato, Anthony Amato, directeur, chef d'orchestre et impresario, a décidé de mettre fin avec Les Noces de Figaro à une aventure commencée en 1948 avec Le Barbier de Séville. On n'imagine pas le nombre de chefs, chanteurs et metteurs en scène qui ont fait leurs débuts dans ce théâtre de poche où l'on n'hésitait pas à monter le répertoire le plus exigeant, avec quatre bouts de bois, un impeccable professionnalisme et une naïveté qui serait qualifiée chez nous de ringardise. L'Amato était soutenu par la ville et par la communauté italienne de New York, qui trouvait là un symbole de sa participation à la vie culturelle de son pays d'adoption. Or voilà que le Bleecker Opera, créé par Irene Kim, la nièce d'Anthony Amato, revendique haut et fort l'héritage, tandis que l'Amore Opera, dirigé par Nathan Hull, qui fut pendant dix ans baryton, metteur en scène et webmaster (sic) chez les Amato, se targue d'être le véritable dépositaire de l'esprit-maison. Le Bleecker ouvre sa première saison avec L'Amour des trois Rois, une rareté d'Italo Montemezzi, alors que l'Amore débute plus classiquement la sienne avec La Bohème de Puccini. Transferts, trahisons, passages d'une troupe à l'autre se multiplient. L'affaire prend des allures de Roi Lear chez les Sopranos ou d'East Village Side Story. Qu'attendent Martin Scorcese ou Woody Allen pour en faire un film, ou, mieux, un opéra ?
jeudi 3 décembre 2009 à 12h46
Rires jaunes parmi les abonnés de l'Opéra de Birmingham : un ténor noir chante l'Otello de Verdi. La presse en parle et, bien sûr, applaudit. La chose est rare en effet. En Angleterre, c'est même une première. Le metteur en scène Graham Vick persiste et signe, puisque Iago le traître est aussi incarné par un chanteur de couleur. Un drôle de scoop, en apparence, mais un scoop quand même. Nous nous croyons loin de l'époque (1955) où Marian Anderson a fait scandale en osant fouler les planches du Metropolitan Opera de New York, et même de celle (1981) où le festival de Bayreuth a déprogrammé le baryton Simon Estes sous prétexte qu'un Wotan non-aryen était impensable sur la Colline sacrée, sans parler des remarques politiquement incorrectes du metteur en scène Franco Zeffirelli à propos de Barbara Hendricks chantant La Bohème au cinéma (1988). Et pourtant des ténors noirs, il y en a : toutes les productions de Porgy and Bess ou de Treemonisha en attestent. Reste à avoir si Ronald Samm est un bon Otello. Depuis Jon Vickers et Placido Domingo, l'emploi est vacant. Question d'endurance, d'héroïsme et de couleur. De couleur vocale, bien sûr.
samedi 28 novembre 2009 à 13h38

Vous rêvez d'être joué au Covent Garden de Londres ? Alors inscrivez-vous au concours ouvert sur www.numu.org.uk/fanfare, et composez le thème qui remplacera la sonnerie de cour de récréation ordonnant aux spectateurs de quitter le bar pour rejoindre leur siège. Vous prendrez place dans une lignée où brillent déjà Wagner (les appels de cuivres enjoignant les pèlerins de regagner leurs stalles dans le temple de Bayreuth), Maurice Jarre (les fanfares appelant le peuple à venir découvrir les beautés de la culture dans la Cour d'honneur d'Avignon) et un certain nombre de compositeurs commis post mortem à cette honorable tâche (l' « Idée fixe » de la Symphonie Fantastique de Berlioz préludant aux concerts de l'Orchestre de Paris). Mais attention, pour concourir, vous devez avoir entre onze et quatorze ans. Recalés d'avance, Wagner, Jarre et les autres !

 

Le cabinet de curiosités
 
Anciens sujets par thème
 

Anciens sujets par date
2025
2024
2023
2022
2021
2020
2019
2018
2017
2016
2015
2014
2013
2012
2011
2010
2009