Vendredi 25 avril 2025
Le cabinet de curiosités par François Lafon
Regina Resnik, les vertus du paradoxe
samedi 10 août 2013 à 19h50

« Silence ! » : paradoxal pour une cantatrice, mais resté dans les mémoires. C’était à l’Opéra de Marseille en 1962, où Regina Resnik chantait Carmen avec un Don José qui ne plaisait pas au poulailler. Elle-même dérangeait le public européen : on la disait outrée, voire vulgaire, en un mot américaine. Sa conversion de soprano à mezzo, dans les années 1950, prouvait bien qu’elle aimait avant tout se faire remarquer. Ce n’est que plus tard qu’elle est devenue culte : standing ovation en 1978, au Théâtre des Champs-Elysées, où elle chantait, assise et en étole d’hermine, la Comtesse de La Dame de Pique de Tchaikovski en version de concert sous la baguette de Rostropovitch. Les commentaires discographiques ont suivi : de caricaturale, sa Carmen (dirigée par Thomas Schippers – Decca 1963) est devenue flamboyante, et l’on ne manque pas de s’extasier sur sa Sieglinde (pure soprano) à Bayreuth sous la baguette de Clemens Krauss (1953). Sa Clytemnestre, dans l’Elektra de Strauss dirigé par Solti (Decca – 1967) résume le paradoxe : voix de rogomme, effets appuyés, rire hystérique, mais malgré tout cela un abattage, une classe même de grande entertaineuse. Regina Resnik, qui vient d’être emportée par un AVC à l’âge de quatre-vingt-dix ans, représentait à la fois ce dont on ne veut plus et ce qui manque cruellement à l’opéra.

François Lafon

 

Le cabinet de curiosités
 
Anciens sujets par thème
 

Anciens sujets par date
2025
2024
2023
2022
2021
2020
2019
2018
2017
2016
2015
2014
2013
2012
2011
2010
2009