Samedi 27 avril 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
Maestro : Scènes de la vie conjugale chez les Bernstein-Montealegre
dimanche 24 décembre 2023 à 16h40
Sorti quelques jours avant Noël comme le produit phare de Netflix, Maestro est le contraire de ce qu’on aurait pu s’attendre d’un biopic grand public sur Leonard Bernstein. Pas d’ascension et triomphe d’un génie, puisque le génie crève déjà à l’écran dès le début, le concert avec le Philharmonique de New York où un espoir de 25 ans remplace au pied levé Bruno Walter pour devenir le prodige que l’on s’arrache. C’est plutôt la relation avec Felicia Montealegre (Carey Mulligan) qui constitue le fil de la narration, depuis leur rencontre jusqu’à la mort de l’actrice devenue pour le monde la femme du chef le plus célèbre qui soit. Comment survivre à un tel monstre, telle est la question : en épousant Lenny, Felicia n’ignore rien de l’appétit sexuel de son futur mari ni son penchant pour les garçons, mais elle va mesurer les effets dévastateurs du besoin maladif d’attention et de reconnaissance d’un éternel enfant qui ne peut se passer de sa vie de famille pas plus que de mener une carrière intense qui l’éloigne du foyer, tout en multipliant les aventures extra-conjugales en s’entourant d’une cour qui ne peut évidemment que tomber sous le charme d’un séducteur-né. « Je veux tout » dit Bernstein : c’est à Felicia de le mettre en face de ses contradictions dans une scène, la meilleure du film, où le couple prend acte du fossé ouvert entre les deux, comme dans un drame conjugal à la Ingmar Bergman. 
Produit par Martin Scorsese et Steven Spielberg avec tout ce qu’il fallait pour récréer avec luxe les années 1940 à 1970, le film est dirigé par Bradley Cooper, qui n’a pas eu peur d’endosser lui-même le rôle principal. Trop admiratif du personnage auquel il est censé donner vie, l’acteur-réalisateur se limite le plus souvent à l’imiter, moyennant un faux nez, des coiffures poivre sel et la diction typiquement nasale de Lenny, plus qu’à l’incarner. La ridicule est atteint dans une séquence inutilement longue, l’interprétation de la Deuxième symphonie de Mahler à la cathédrale d’Ely avec un Cooper qui singe tous les maniérismes dont le chef était capable. Yannick Nézet-Séguin, engagé comme consultant, aurait dû le mettre en garde : tout le monde veut être le nouveau Bernstein, personne n’y est parvenu encore...
Pablo Galonce

Maestro, de Bradley Cooper. 2h11. Disponible sur Netflix

 

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