Vendredi 3 mai 2024
Montpellier - Renaissance d'un Orfeo évanoui
Une troupe soudée redonne une belle vie au « récit chanté » de Sartorio
Orfeo

Créé à Venise lors du carnaval en 1672, l’Orfeo de Sartorio connut plusieurs reprises ensuite, de Vienne à Naples, de Turin à Bologne, puis disparut des scènes lyriques, contrairement à son grand frère, né quelque soixante-dix ans plus tôt (1607) sous la plume de Monteverdi. L’ouvrage reparaît cependant à l’occasion d’un concert à la Biennale de Venise en 1979. Reportée sur disque (Fonit Cetra), cette exécution ne convainc guère, non plus que celle qui suivit vingt ans plus tard à l’occasion du Festival de musique ancienne d’Utrecht (Vanguard, 1998). Que des personnalités comme Philippe Jaroussky, chanteur passé depuis peu à la direction d’orchestre, ou Benjamin Lazar, metteur en scène, se passionnent pour cet ouvrage prouve tout son intérêt, une résurrection française soutenue par l’Opéra de Montpellier, qui en assurait la première, la compagnie lyrique Arcal, la Fondation Royaumont et le Théâtre-Sénart.
Certes, Monteverdi et Cavalli ne sont pas loin dans ce « récit chanté » qui, entre deux styles, annonce l’opéra « seria » avec ses brefs récitatifs enchâssés dans des airs bien soutenus que le compositeur distribue équitablement à ses onze chanteurs solistes. L’ensemble Artaserse ne ménage pas sa peine sur les quelque trois heures d’un spectacle qui combine trois sources manuscrites différentes ; Jaroussky et ses musiciens modulant au maximum la couleur à partir d’une partition assez dense qui alterne sur un rythme soutenu lamenti, récits dramatiques, ariosos et ballets instrumentaux. Benjamin Lazar a placé les chanteurs au centre du spectacle : nous sommes au cœur de « la vérité crue  des passions » entre l’Orphée sombre et belliqueux d’Arianna Vendittelli, l’Eurydice d’Alicia Amo, le très torturé Aristée, frère d’Orphée amoureux d’Eurydice (le contre-ténor Kangmin Justin Kim), le personnage comique travesti d’Erinda (Zachary Wilder), clin d’œil à la vieille nourrice Arnalta du Couronnement de Poppée de Monteverdi, sans oublier l’agile berger Orylle (la mezzo Gaia Petrone), voyou à la mèche néo-punk flashy qui aiguillonne le drame autant que les ruades cavalières de Chiron (Yannis François) ou le duo tragi-comique de clowns blancs Achille (Paul Figuier) et Hercule (David Webb). Une troupe soudée autour d’une renaissance amplement justifiée.     
Franck Mallet

Opéra Comédie de Montpellier, mercredi 7 juin 2023 ; prochaines représentations les 9 et 10 juin.

Diffusion à venir sur la chaîne Mezzo.

• Reprise avec la 2e distribution de jeunes chanteurs sélectionnés par Philippe Jaroussky et Benjamin Lazar (Fondation Royaumont, décembre 2022), le 27/09 au Théâtre-Sénart, 30/09 au Théâtre de Suresnes Jean-Vilar, 5/10 au Tandem d’Arras, 8, 9, 12, 13, 15 et 16/12 à Paris au Théâtre Athénée-Louis Jouvet et le 2/03.2024 aux Bords de Scène de Juvisy-sur-Orge.   

Photo : Paul Figuier (Achille), Ariana Vendittelli (Orphée), Alicia Amo (Eurydice) et David Webb (Hercule) © Marc Ginot

Antonio Sartorio : Orfeo, sur un livret d'Aurelio Aureli
Arianna Venditelli (Orphée) Alicia Amo (Eurydice) Kangmin Justin Kim (Aristée), Zachary Wilder (Erinda) Maya Kherani (Autonoé), David Webb (Hercule), Yannis François (Chiron, Bacchus), Paul Figuier (Achille), Renato Dolcini (Esculape, Pluton), Gaia Petrone (Orylle)
Artaserse
Direction musicale : Philippe Jaroussky
Mise en scène : Benjamin Lazar

mis en ligne le vendredi 9 juin 2023

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