Samedi 20 avril 2024
Festival Radio France - Occitanie - Montpellier 1
Fervaal, wagnérisme trompeur
Fervaal

Thème de l’année au 35ème festival Radio France - Occitanie - Montpellier : Soleil de nuit, les musiques du nord. Avec Fervaal de Vincent d’Indy, le sud rejoint le nord, l’action, wagnérienne d’inspiration, se passant dans un mythique midi. Autre correspondance que d’Indy aurait méditée : avant la recréation de son grand-œuvre donné pour la dernière fois en 1962 (en concert) et jamais repris sur scène en France depuis 1912 (Opéra de Paris), l’ambassadeur de Lettonie, dont l’illustre Chœur de la Radio est à l’affiche, reçoit de Vincent Berthier de Lioncourt - de la famille d’Indy - un éloge enluminé offert au compositeur en 1923 par les artistes lettons. Fervaal, « Parsifal français » comme L’Etranger – autre opéra de d’Indy ressuscité à Montpellier en 2010 - est son « Vaisseau fantôme », a certainement disparu des affiches parce qu’il exigeait des prouesses des chanteurs en général et du ténor en particulier, mais aussi (et surtout ?) eu égard aux opinions très droitières de d’Indy, dont le wagnérisme, pourtant largement partagé à l’époque, prenait-là des allures suspectes. Un wagnérisme doublement pénalisant d’ailleurs, car si le livret (du compositeur, d’après Axel d’Esaias Regnér) reprend – dans les termes et dans les thèmes – le mysticisme guerrier d’origine (éclosion d’un nouveau monde, chasteté du héros comme condition de son héroïsme, etc.), la musique en est plus déroutante, voire trompeuse : certes l’orchestre (énorme) y wagnérise, (discrets) leitmotives compris, mais l’ensemble évoque davantage le très français « opéra symphonique avec voix héroïques », tels Le Roi Arthus de Chausson et un peu plus tard Ariane et Barbe-Bleue de Dukas. Une parenté accentuée, dans cette version de concert, par les choix des interprètes, les excellents Gaëlle Arquez (la tentatrice Guilhen) et Jean-Sébastien Bou (Arfagard le druide) ne possédant pas tout à fait le format vocal requis, à la différence du phénoménal Michael Spyres, lequel (vêtu d'un étrange kilt noir) arrive sans encombre à bout du rôle-titre, dont il dit que l’affronter « revient à chanter Tristan deux fois d’affilée ». Une grande soirée en tout cas, Michael Schonwandt galvanisant ses troupes (« son » Orchestre et les chœurs de l’Opéra de Montpellier s’ajoutant aux Lettons précités) trois heures et demie durant, réussissant presque à gommer les longueurs de ce monument dont la retransmission radio débouchera peut-être sur une première intégrale discographique. Autres musiques du nord (et d’ailleurs) de la journée : le second des concerts « Rencontres inattendues » consacrés à Magnus Lindberg, au piano en compagnie de Florent Boffard avec Marina Chiche (violon) et Anssi Kartunen (violoncelle), moments d’excellence où le compositeur finlandais fait jeu égal avec Liszt et Ravel, et dans la série « Découvertes » celle du formidable trompettiste allemand Simon Höfele, également à l’aise chez Hindemith, Gershwin et notre contemporain Mark André.  
François Lafon  

Corum, Montpellier, Opéra Berlioz (Fervaal) et Salle Pasteur, 24 juillet (Photo © Luc Jennepin)

Fervaal
Michael Spyres (Fervaal), Gaëlle Arquez (Guilhen), Jean-Sébastien Bou (Arfagard), Elisabeth Jansson (Kaito), Eric Huchet (Lennsmor), Matthieu Lecroart (Geywihr), François Piolino (Ilbert),
Choeurs de la Radio Lettone, Choeur Opéra National Montpellier-Occitanie, Orchestre National Montpellier-Occitanie
Direction musicale : Michael Schonwandt

mis en ligne le jeudi 25 juillet 2019

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