Vendredi 26 avril 2024
Festival d'Aix-en-Provence 5
Metzmacher et l'Orchestre Paris
Über die Linie VIII, Le Chant de la terre

Aix-en-Provence, à la veille du quatorze juillet et de sa parade militaire, la ville vibre au son du Chant de la terre de Mahler, avec l’Orchestre de Paris dirigé par Ingo Metzmacher. Distingué sur cette même scène du Grand Théâtre de Provence à l’occasion des représentations du Jakob Lenz de Wolfgang Rihm – terminées la veille –, il assure la création française d’une partition récente de Rihm, Über die Linie VIII (2015), dont l’élan volubile joue des références, entre la profondeur inquiète de Bernard Herrmann (introduction), la luxuriance du Schoenberg des Gurrelieder (partie centrale), et une polyrythmie à la Ives revisitée avec panache (structure générale), pour un orchestre à la fois chamarré et effervescent, sous la baguette d’un chef aussi précis qu’attentionné. 
Auréolé de ses prestigieuses prestations wagnériennes – entre autres, rôles-titres de Parsifal, Rienzi et Tristan et Isolde – et avant de reprendre, justement, celui de Parsifal dans quelques jours à Bayreuth, le ténor Andreas Schager ouvre le premier volet de la vaste symphonie lyrique de Mahler. Avec la Chanson à boire de la douleur de la Terre, il arrive sur scène, une main dans la poche. Visage jovial, de la prestance, il tourne de l’autre, à la volée, sa partition sur une tablette. Mais que se passe-t-il ? Cette décontraction extrême n’explique pas tout à fait son interprétation désinvolte… Seule explication possible, harassé ou surchargé par son calendrier, il n’a que parcouru la partition : les notes sont projetées avec puissance, certes, mais en avalant les attaques – tout cela semble expédié dans le plus grand désordre… D’un sourire égal, les deux autres lieder, De la jeunesse et L’Homme ivre au printemps bénéficient du même traitement ébouriffé, qui chahute la poésie raffinée de Hans Bethge – quel dommage, eu égard aux antécédents et aux capacités du chanteur… On exige une séance de rattrapage ! Ex Comtesse Geschwitz (Lulu), Octave du Chevalier à la rose, Brangäne (Tristan et Isolde) et Phèdre d’Hippolyte et Aricie, Sarah Connolly se glisse sans peine dans les trois lieder dévolus à son timbre de mezzo-soprano, Le Solitaire en automne, De la beauté et L’Adieu. Une interprétation intériorisée et réfléchie qui honore ce Chant plaintif. On l’attend dans le final, dont elle restitue à la fois l’impression de retenue et de plénitude surnaturelles. Plus encore, c’est l’Orchestre de Paris qui triomphe dans cet Adieu, avec ses nombreuses parties où des solistes de haut vol dialoguent avec la mezzo-soprano – du violoniste Roland Daugareil au violoncelliste Éric Picard –, comme celles de la flûte solo, de la clarinette, du basson, du cor, du célesta, etc. Tout le bruissement mezzo voce de l’orchestre mahlérien déployé avec effervescence et dans un éblouissement de timbres dosés avec une science parfaite du contraste. Ingo Metzmacher pourrait bien être ce chef idéal à associer à l’Orchestre de Paris… Un souhait, un rêve ?
Franck Mallet

Aix-en-Provence – Grand Théâtre de Provence — 13 juillet 2019 (Photo @ DR)

Rihm : Über die Linie VIII - Mahler : Le Chant de la terre
Sarah Connolly (mezzo-soprano), Andreas Schager (ténor)
Orchestre de Paris
Direction musicale : Ingo Metzmacher

mis en ligne le samedi 20 juillet 2019

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