Musikzen

Samedi 20 avril 2024

Une musique « entre deux »

Gabriel Dupont ou le temps suspendu à la Belle Epoque

Gabriel Dupont : Poème - Les Heures dolentes - La Maison dans les dunes - Journée de printemps

De Jacques-Emile Blanche, on connaît surtout le portrait de Proust daté de 1892, alors que le jeune Marcel n’était encore qu’un chroniqueur mondain. Mais bien d’autres de ses contemporains, dont certains quasi inconnus aujourd’hui, ont été représentés par le peintre, dont l’une des ambitions était de pérenniser son époque. Que l’un de ses portraits figure sur la pochette de cet album n’est pas anodin : Gabriel Dupont, lui aussi, restitue par sa musique l’atmosphère de son temps, un temps très court puisqu’il est mort de tuberculose en 1914, à l’âge de 36 ans. Cette maladie, qu’il a traînée pendant des années, confère un ton particulier à sa musique de chambre, une sorte de musique « entre deux » comme un balancement mélancolique entre sa douleur personnelle et la réalité des paysages dont il sent qu’il s’éloigne peu à peu. Le Poème pour piano et quatuor à cordes passe ainsi d’un romantisme enthousiaste à des intonations désabusées, et Les Heures dolentes, ensemble de pièces pour piano seul, portent bien ce titre à l’adjectif désuet qui évoque une souffrance muette : Gabriel Dupont s’abandonne dans son propre univers, ne crée aucun mystère qui entraînerait l’auditeur vers un autre monde que le sien. Et les interprètes l’ont parfaitement compris

Gérard Pangon

Poème pour piano et quatuor à cordes ; Les Heures dolentes ; La Maison dans les dunes ; Journée de printemps pour violon et piano

Marie-Catherine Girod (piano)

Quatuor Prazak

1 CD Mirare MIR 238

1 h 18 min

mis en ligne le mercredi 14 mai 2014