Mardi 23 avril 2024
Sonates en liberté
Amandine Beyer fait danser Heinrich Biber
Mystery Sonatas

Sonates du Mystère ou Sonates du Rosaire ? Le titre original n’est pas connu, on sait juste que vers 1674 Heinrich Biber les a dédiées à son employeur, l’archevêque de Salzbourg, avec cet envoi : « Les XV Mystères sacrés que vous honorez avec tant d’ardeur. » On peut donc penser qu’elles étaient destinées aux célébrations du mois du Rosaire, période de prières qui rappellent les étapes de la vie de Jésus et de la Vierge Marie. Voilà pour le fond. Quant à la forme, elle recèle aussi bien des mystères. Pourquoi donc Biber a-t-il repris des sonates qu’il avait déjà composées ? Pourquoi a-t-il utilisé la technique de la scordatura, c’est-à-dire un accord inhabituel du violon qui permet toutes sortes d'effets et de sonorités (on compte quatorze scordature différentes en relation avec la tonalité de chaque pièce) ? Et pourquoi tant de variations d’une sonate à l’autre, nombre de mouvements, rythmes… Amandine Beyer, elle, ne fait pas mystère de l’importance du corps dans sa manière de jouer, il suffit de la voir pour s’en convaincre. La pochette de cet album l’illustre, son texte de présentation le confirme, c’est la danse - Anne Teresa de Keersmaeker - qui l’a amenée à aborder ces Sonates du Rosaire, et elle les joue comme telles loin des canons liturgiques. Avec quatre violons différents (scordatura oblige), elle souligne les contrastes, les fulgurances et les chuchotements de ces sonates en liberté, joue sur les rythmes, apporte une couleur et une sensualité qui mènent au cœur même de la musique, et par là-même, en fait émerger ses accents surnaturels. La basse continue l’accompagne magnifiquement dans le déroulé de l’histoire biblique, et L’Ange gardien, Passacaille finale pour violon seul, après les quinze sonates, constitue en apothéose une épure frissonnante.
Gérard Pangon

• Spectacle : Compagnie Rosas d'Anne Teresa de Keersmaeker avec Amandine Beyer et Gli Incogniti : Lille Opéra 14, 15 et 16 mars ; Paris Théâtre du Châtelet 22, 23, 24, 25 mars ; Metz Arsenal 31 mars

Heinrich Biber : Sonates du Mystère (Sonates du Rosaire) : Les Cinq Mystères joyeux ; Les Cinq Mystères douloureux ; Les Cinq Mystères glorieux ; L’Ange gardien
Amandine Beyer (violon)
Gli Incogniti : Amandine Beyer (violon), Baldomero Barciela (viole de gambe, basse de violon), Francesco Romano (archiluth), Nacho Laguna (théorbe), Anna Fontana (clavecin, orgue)
2 CD Harmonia mundi 902712.13
1 h 45 min

mis en ligne le jeudi 16 février 2023

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