Vendredi 29 mars 2024
Sombre anniversaire
Alexandre Tharaud élégant et sombre dans Beethoven
Beethoven - Sonatas opus 109, 110, 111

L’un des talents d’Alexandre Tharaud est de toujours surprendre. Dans les trois dernières Sonates de Beethoven, qu’il joue depuis l’âge de douze ans, il intrigue. Par la captation dans des châteaux à l’abandon, où le DVD bonus de ce CD nous le montre déambuler, solitaire tel un Werther goethien, fragile dans monde décomposé, aussi désolé que celui d’Adolphe (Benjamin Constant) après la mort d’Éléonore. Par le jeu, annoncé par la mise en scène, dépouillé à l’extrême, sombre à l’envi, sans débordement mais non sans élans, un jeu fait de réminiscences appuyées. Economie dans l’usage de la pédale, accords arpégés comme dans les plus belles plages de la discographie d’Alexandre Tharaud : Bach et le contrepoint, Rameau et son élégance à la française sont dans une pièce à côté, bien présents. Même la captation et le réglage du piano répondent à ce parti du sobre et du sombre à tout prix. Est-ce bien Beethoven que l’on écoute, ou tout ce que Beethoven, sous les doigts d’Alexandre Tharaud, nous donne à entendre ? Les uns mettront ce Beethoven dérangeant de côté, en attendant... D’autres trouveront dans ces sonates une métaphore de l’adieu de Beethoven au piano, par un long silence, six ans avant sa mort ; et une reflexion sur le temps qui passe : Alexandre Tharaud, aux allures d'adolescent, aura bientôt cinquante ans.
Albéric Lagier

Sonates pour piano opus 109, 110 et 111,
Alexandre Tharaud (piano)
1 CD + 1 DVD Erato 0190295633820
1 h 02 min + 1 h 04 min

mis en ligne le mardi 27 novembre 2018

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