Jeudi 18 avril 2024
Reconstruction ou résurrection ?
Simon Rattle et Berlin dévoilent la Neuvième de Bruckner
Symphonie n° 9

Faut-il compléter les chefs d’œuvre inachevés par leurs auteurs ? Après la Dixième de Mahler et Lulu de Berg (pour ne rien dire du Requiem de Mozart, qui est plutôt de son élève Süssmayr), voici le tour de la Neuvième symphonie de Bruckner, lequel a toutefois laissé une esquisse assez avancée pour permettre, selon Simon Rattle, une reconstruction fidèle à ses intentions : dans cette version, 600 mesures sur 650 sont de la main de Bruckner, le reste est dû à quatre musicologues qui ont reconstruit cet amas de notes. Le résultat a convaincu Simon Rattle qui le défend avec énergie et brio, mais on ne pourra pas s’empêcher de l’écouter avec une certaine méfiance : est-ce vraiment ce que Bruckner aurait écrit ? Le côté décousu de certains passages est-il un signe de la « progressivité » de son dernier style ou la preuve que le mouvement n’est pas si complet que ça ? Si malgré la baisse de niveau perceptible (dans la musique, pas dans l’interprétation) on va jusqu’au bout, on peut tout de même deviner ce que Bruckner avait en tête : des harmonies étranges (à la limite de la désintégration) sur des polyphonies complexes, le tout conduisant vers une apothéose libératrice somme toute très brucknérienne. Ce n’est plus du tout le même chemin que celui que l’on avait l’habitude de parcourir dans la Neuvième : le sentiment final est celui d’une libération après une angoisse étouffante. Si on aime la Neuvième de Bruckner par sa terrifiante atmosphère de perdition, d’apocalypse brutale et de désolation sans rémission, on peut très bien arrêter la lecture de ce CD à la plage 3 et terminer comme d’habitude sur la terrifiante dissonance de l’adagio (évanouie dans le silence plutôt que résolue), l’une des plus belles « questions sans réponse » de la musique. Dans ce côté fin de monde, violent et expressionniste, Simon Rattle et le Philharmonique de Berlin réussissent justement une interprétation d’une intensité apocalyptique.
Pablo Galonce

Symphonie n° 9 en ré mineur
Orchestre Philharmonique de Berlin
Direction musicale : SImon Rattle
1 CD EMI
1 h 02 min

mis en ligne le mardi 10 juillet 2012

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