Samedi 20 avril 2024
Option extrême
Daniel Barenboim met un orchestre dans le piano debussyste
 
Le même, pas pareil
Marcelle Meyer, de toute évidence
Claude Debussy

Une fois constaté qu’à la différence de ceux de Chopin - portes entrouvertes sur des états d’âme -, les Préludes de Debussy sont des mises en condition pour mieux voir le monde au-delà des apparences tout en étant, selon Vladimir Jankélévitch, « l’avant-propos éternel d’un propos qui jamais n’adviendra » (est-ce pour cela que leurs titres sont indiqués en fin et non en tête de partition ?), l’interprète se retrouve dans un jardin aux sentiers qui bifurquent : faut-il les jouer subjectif ou objectif, impressionniste ou structuraliste, intimiste ou orchestral ? Au trompeur premier degré de Marcelle Meyer, au flou artistique de Walter Gieseking, à la distance calculée d’Arturo Benedetti Michelangeli, Daniel Barenboim oppose, dans le premier des deux Livres - réputé le plus accessible -, une vision de chef d’orchestre amoureux des grand déploiements sonores : tempos larges, toucher profond, contrastes accusés. Au moins va-t-il, dans cet enregistrement réalisé en Catalogne en 1998, jusqu’au bout de cette option extrême, préparée dans la partie récente (Berlin, 2017) de ce récital inaugurant l’anniversaire Debussy, par des Estampes qu’il joue (ce qu’elles sont) comme des préludes aux Préludes, laboratoires d’un piano jamais entendu, rappelant les mots de Debussy à André Messager (créateur de Pelléas et Mélisande) : « Quand on n’a pas les moyens de se payer des voyages, il faut suppléer par l’imagination ». Dans cette optique, le célèbre « Clair de lune » de la Suite bergamasque est quelque peu hypertrophié, alors que la confrontation de La Plus que lente (écrite pour les « belles écouteuses » des salons de thé) et de l’Elégie (évoquant, elle, « les femmes et la guerre ») aboutit au résultat saisissant souhaité. 
François Lafon 

Estampes - Clair de lune (extrait de la Suite bergamasque) - La plus que lente - Elégie - Préludes (Livre 1)
Daniel Barenboim (piano)
1 CD Deutsche Grammophon 4798741
1 h 12 min

mis en ligne le jeudi 25 janvier 2018

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