Vendredi 29 mars 2024
Glissements jusqu'à l'effacement
Fausto Romitelli : une anthologie en forme de testament
The Nameless City

Il a suffi de quelques œuvres, une trentaine, pour que Fausto Romitelli, disparu en 2004 à l’âge de 41 ans, marque de son empreinte la musique du XXème siècle : sa manière de travailler les sons, de les allier, de les superposer ou de les confronter, comme un alchimiste amalgamait des matériaux de toutes sortes afin d’obtenir de l’or, témoigne d’une personnalité musicale hors du commun. Aujourd’hui, sa musique n’échappe malheureusement pas encore aux cénacles de l’art contemporain (qui continuent d’en philosopher avec une componction abstruse) alors qu’elle est au contraire entièrement ouverte sur le monde, avec une utilisation de tous les « moyens de produire du son », des cordes classiques aux instruments électriques en passant les cloches, l’harmonica ou les samplers. Le résultat est une sorte de tissage qui semble se dérouler jusqu'à l’infini et joue sur la texture, la couleur, la tache ou l’accroc (provoqué par exemple par les percussions comme dans Amok Koma ou une cloche dans The Nameless City). On a l’impression de glissades qui s’accélèrent, ralentissent, reprennent de plus belle, comme si on allait se perdre dans quelque précipice (Flowing down too slow, (s’écoulant trop lentement) annonce l’un des morceaux), avant d’être brusquement stoppées par un rappel au réel dû à son presque incongru. Et comme cette musique instille le sentiment d’effacement, de dissolution, on songe parfois à The Blair Witch Project, le film d’Eduardo Sanchez sur la disparition d’une bande d’ados américains : le mystère plane, hiératique, perturbé çà et là par quelques décalages et dérapages qui mènent du frisson à l’angoisse.
Gérard Pangon

Amok Koma (2001) ; Flowing down too slow (2001) ; Domeniche alla periferia dell’impero (200) ; Nell’alto dei giorni immobili (1990) ; The Nameless City (1997)
Ensemble Musiques Nouvelles
Direction musicale : Jean-Paul Dessy
1 CD Cyprès CYP5623
50 min

mis en ligne le samedi 4 août 2012

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