Jeudi 28 mars 2024
Baryton caméléon et musique du même métal
Avec Dietrich Henschel, un Wolf plus déroutant que nature
Wolf : Mörike-Lieder

On peut aimer les lieder de Schubert ou de Schumann sans connaître l’allemand : la musique parle d’elle-même, pour peu que l’interprète soit fin diseur. Avec Hugo Wolf, c’est plus difficile. Non que la musique de ce condisciple de Mahler soit absconse, ni expérimentale, mais les rapports entre le texte et les notes sont sans cesse biaisées, comme des balles coupées au ping-pong. Avec Eduard Mörike, qui était pasteur mais païen dans l’âme, sédentaire mais grand voyageur en imagination, ironique sous des apparences sérieuses (et vice versa), il a trouvé un interlocuteur à la mesure de ses propres fantasmes, lui qui passera une grande partie de sa vie consciente (il mourra fou) à faire entrer dans la forme concentrée du lied les rêves d’opéra qu’il n’a pu mener à bien. Dietrich Henschel, chanteur polyvalent, voire caméléon, était tout désigné pour interpréter ces tableautins aux sous-entendus multiples. Il sait varier le ton, manier le second degré, et soutient vaillamment l’inévitable comparaison avec Dietrich Fischer-Dieskau. Mais comme à l’impossible nul n’est tenu, il a du mal à tenir l’auditeur en constant éveil. Sur la pochette de ce double CD, deux photos se répondent : Henschel chantant dans un pavillon acoustique et son pianiste Fritz Schwinghammer se bouchant les oreilles, et le pianiste, l’air heureux, tenant le pavillon devant la bouche du chanteur. Cela résume bien les combinaisons entre cette musique et ses interprètes.
François Lafon

Mörike-Lieder
Dietrich Henschel (baryton), Fritz Schwinghammer (piano)
2 CD Fuga Libera FUG568
2 h 05 min

mis en ligne le lundi 28 juin 2010

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