Samedi 20 avril 2024
Armide, la même mais pas pareil
Une perle mineure de l’Edition Vivaldi de Naïve
Armida al campo d’Egitto

Rien qu’avec les aventures et particularités de cet Armida al campo d’Egitto, on pourrait faire un opéra. Créé à Venise en février 1718, l’ouvrage est repris deux mois plus tard à Mantoue, c’est à dire qu’il marque le début du succès de Vivaldi dramaturge en dehors de son port d’attache. Son style est trompeur : « dramma per musica », certes, mais ton mi-sérieux mi-ironique et mélange d’airs traditionnels à « da capo » et de passages plus inventifs. Son sujet même est tiré de la Jérusalem délivrée du Tasse, mais traite un passage moins connu (localisé à Gaza !) que l’histoire si souvent rabâchée de la magicienne Armide et du chevalier Ruggiero. En plus, il a fallu reconstituer le deuxième acte, dont la musique a été perdue. Rinaldo Alessandrini, qui dirige ce dixième opéra de la Vivaldi Edition entreprise par Naïve et fondée sur le fonds conservé à la Bibliothèque universitaire de Turin, y a pratiqué l’art du « pasticcio », qui consistait, à l’époque de Vivaldi, à recréer un acte, ou une oeuvre entière, en récupérant des airs et des ensembles piochés ailleurs, ou en composant soi-même des passages manquants. On retrouve même ici trois airs de ce deuxième acte recyclés dans d’autres ouvrages. Cela valait-il la peine de se donner tout ce mal ? Oui, car Alessandrini a une telle pratique de cette musique qu’il parvient (presque) à nous persuader qu’Armida est un peu plus qu’une enfilade de morceaux de bravoure et d’airs sentimentaux. Un peu moins si l’on considère qu’à part le contre-ténor Martin Oro, les chanteurs, au demeurant impeccables, peinent à dépasser le stade de la virtuosité. Reste que ces trois CD, comme les autres opéras de la collection (et plus encore que les musts que sont l’Orlando Furioso ou Tito Manlio) sont à déguster par petites tranches, et que personne n’est tenu d’écouter religieusement les récitatifs qui relient les airs.
François Lafon

Armida al campo d’Egitto
Furio Zanasi (Califfo), Marina Comparato (Emireno), Romina Basso (Adrasto), Martin Oro (Tisaferno), Sara Mingardo (Armida), Monica Bacelli (Osmira), RAffalela Milanesi (Erminia)
Concerto Italiano
Direction musicale : Rinaldo Alessandrini
3 CD Naïve OP 30 492
2 h 42 min

mis en ligne le mardi 20 avril 2010

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