Vendredi 26 avril 2024
Un trouvère gris-jaune
Une production efficace à défaut d'être subtile
Il Trovatore

C’était la prise de rôle d’Anna Netrebko dans Leonora, et de Placido Domingo dans le Comte de Luna. La rencontre s’est passée à l’intérieur d’un Rubik’s cube monochrome grisâtre, parfois jaune : Philipp Stölzl s’est fait un nom avec des clips pour Madonna et Mick Jagger, et signe une nouvelle mise en scène aux références multiples, qu’il caricature jusqu’à un absurde revendiqué et où les repères, ceux qui distinguent le fantastique de la réalité, volent en éclat. Après Benvenuto Cellini de Berlioz (2007) et Rienzi de Wagner (2010), ce Trouvère un peu raide multiplie des visions à la Magritte et les moustaches à la Dali, aligne des gitanes aux allures de sorcières sorties, on hésite, d’un film de Tim Burton ou des Joyeuses Commères de Windsor, et une noblesse aragonaise sous forme de pantins très mécaniques. Tant et si bien qu’Anna Netrebko débite sa cavatine telle Olympia son couplet (Les Contes d’Hoffmann, Offenbach) sans que cela étonne. Placido Domingo, baryton depuis bientôt cinq ans, prend le rôle d’un Comte de Luna vieillissant et désabusé : la réalité, captivante cette fois-ci, fuit par ces moments le grotesque. Les deux stars sont excellemment entourées, avec Gaston Rivero (Manrico) Adrian Sampetraean (Ferrando), et une Marina Prudenskaya (Azucena) qui fait de l’ombre à Anna Netrebko (ne serait-ce que par la fermeté des attaques et la clarté de la diction). Troisième star de ce spectacle présenté au Staatsoper de Berlin en 2013 : Daniel Barenboïm. Il ajoute la dernière touche à cette vision surréaliste du Trouvère par une interprétation hyper-dynamique. Si les subtilités verdiennes sont diluées dans un bouillon de culture pop, le résultat est diablement efficace.
Albéric Lagier

Le Trouvère
Anna Netrebko (Leonora), Placido Domingo (le Comte de Luna), Marina Prudenskaya (Azucena), Gaston Rivero (Manrico), Adrian Sâmpetrean (Ferrando), Anna Lapkovskaya (Inès)
Staatskapelle Berlin
Direction musicale : Daniel Barenboim
Mise en scène : Philipp Stölzl
Réalisation : Philipp Stölzl
1 DVD Deutsche Grammophon 073 51 32
2 h 25 min

mis en ligne le jeudi 23 octobre 2014

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