Vendredi 29 mars 2024
Un chant mystérieux tombe des astres d'or
Daniil Trifonov illumine Tchaïkovski
Concerto pour piano n°1

Dès les premières mesures, le Concerto n°1 de Tchaïkovski, si souvent massacré (et les pianos avec) au gré d’interprétations façon Orgues de Staline, se mue ici en un vol ample d’aigle noir, aérien, moiré. Daniil Trifonov est un joueur – dans les deux sens du terme - à la technique exceptionnelle mêlée à une sensibilité à fleur de peau, une délicatesse parfois violente, parfois murmurante, d’une élégance à la fois ferme et fébrile. Valery Gergiev lui-même en oublie ses excès chromatiques et, vous l’entendrez, l’orchestre Mariinsky semble, à l’instant de quelques reprises, comme sonné par ce qu’il vient d’entendre. Dans Chopin (Barcarolle, opus 60), vous distinguerez peut-être des résonnances de Samson François, autre joueur sensible. Quant aux lieder de Schubert arrangés par Liszt, ils symbolisent tout ce qu’est Daniil Trifonov, ce mélange de fougue et de ferveur (le côté Liszt) et de sombres errements juvéniles (coté Schubert). Après ces pages en forme d’autoportrait, le programme se conclut sur une méditation. Attention : danger ! Daniil Trifonov vous parle à l’oreille à la façon d’Ophélia, celle de Shakespeare tout comme celle de Rimbaud, dans ce Lieberslied de Schumann arrangé lui aussi par Liszt. Une fin en points de suspension pour un programme dont on attend impatiemment la suite. A 21ans, puisse la star des concours ne pas être une étoile filante.
Albéric Lagier

Tchaikovsky : concerto pour piano n°1 et un poco di Chopin - Chopin : Barcarolle op. 60 - Schubert/Liszt : Erlkönig, Frühlingsglaube, Die Forelle, Auf dem Wasser zu singen, Die Stadt - Schumann/Liszt : Lieberslied.
Daniil Trifonov (piano)
Mariinsky Orchestra
Direction musicale : Valery Gergiev
1 CD Mariinsky (2012)
1 h 09 min

mis en ligne le jeudi 27 septembre 2012

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