Jeudi 28 mars 2024
Quelque chose d’irréductible
Une Histoire du soldat au parfum soigneusement restitué
Histoire du soldat

Ecrire une pièce qui n’en était pas une, composer une musique « pouvant être complètement indépendante du texte », acclimater à la Suisse un conte populaire russe : avec deux acteurs (dont Georges et Ludmilla Pitoëff), un récitant, une danseuse et sept musiciens (dirigés par Ernest Ansermet), Stravinsky et Ramuz, à la fin de la Grande Guerre, ont inventé un théâtre pauvre qui ne ressemblait à rien de connu. Exactement un siècle plus tard, L’Histoire du soldat aura été représenté de toutes les manières - y compris sous forme de Suite « indépendante du texte » -, tout en conservant quelque chose d’irréductible. Ce n’est pas tant la musique, où Stravinsky consommait sa « rupture totale avec l’école orchestrale russe », qui pose problème, que le texte, lui aussi faussement naïf, réactivant le mythe de Faust dans l’aventure de ce pauvre soldat revenant de guerre, à qui le Diable achète son violon (lequel possède une pièce nommée « âme »). Les V.O. suisses (Ansermet - Gilles, deux des créateurs - Clavès 1952 – Charles Dutoit - Erato 1970) restent en tête de la discographie, pour un certain parfum d’authenticité qui manque aux autres, à commencer par les plus all star cast (Cocteau-Ustinov-Markevitch – Planchon-Chéreau-Vitez-Boulez). Celle-ci renoue avec celle, historique, dirigée par Stravinsky lui-même (Philips), en ce que les trois acteurs sont issus de la Comédie-Française, Didier Sandre, Denis Podalydès et Michel Vuillermoz succédant à Jean Davy, Jacques Toja et Robert Manuel. Même bien dire, en plus moderne, même justesse d’intention, remarquable travail sur un style tréteaux. Les solistes, principalement issus de l’Orchestre de Paris et dirigés par l’ancien hautbois solo du Philharmonique de Radio France Jean-Christophe Gayot avec Olivier Charlier au violon, restituent bien, eux aussi, le ton tréteaux de la musique.
François Lafon

Histoire du soldat
Didier Sandre (le Récitant), Denis Podalydès (le Soldat), Michel Vuillermoz (le Diable), Olivier Charlier (violon), Philippe Berrod (clarinette), Bernard Cazauran (contrebasse), Giorgio Mndolesi (basson), Bruno Tomba (cornet à piston), Guillaume Cottet-Dumoiulin (trombone), Eric Sammut (percussion)
Direction musicale : Jean-Christophe Gayot
1 CD Harmonia Mundi HMM 902354
58 min

mis en ligne le vendredi 12 octobre 2018

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