Mardi 23 avril 2024
Grand Patron
Alain Planès renouvelle la question des Nocturnes de Chopin
 
Le même, pas pareil
Chopin chantant
Maria João Pires
Complete Nocturnes

Que dire de plus que les autres dans Chopin ou Debussy ? Pour cette intégrale des Nocturnes du premier, Alain Planès, qui en dit déjà beaucoup en concert sur piano moderne mais poursuit son cycle d’enregistrements sur des instruments historiques, a cette fois choisi un Pleyel de concert de 1836 surnommé « Grand Patron », et pas seulement parce qu’il est contemporain des œuvres en question. Sa description du chef-d’œuvre (le piano) en dit long : « Le Grand Patron a été conçu, selon son fabricant, d’après “un principe nouveau de sonorité contraire à toutes les idées reçues”. La table d’harmonie, au lieu d’être seulement en sapin, est collée à une autre table en acajou dans le sens transversal des fibres du bois. “Contre toute attente, le son fut doublé”, permettant au nouveau modèle de rivaliser avec les pianos anglais. »… et d’avoir la puissance d’un piano moderne. Mais l’essentiel, pour ces Nocturnes, est plutôt là : « Il possède trois registres différents, l’aigu plus léger et tendant vers la harpe, le médium au velouté charmeur et les basses puissantes, rondes et claires – l’ensemble des sonorités se mélangeant mieux que sur le clavier uniforme d’aujourd’hui ». C’est à dire que c’est l’essence même de cette musique qui en est affectée. Fou du bel canto qui faisait fureur en son temps, amoureux de la voix de la Malibran aussi bien que de celle du ténor Rubini, Chopin en a trouvé un équivalent au piano, qui s’exprime particulièrement dans ces pièces lyriques par nature. Mais comment chantaient ces gosiers d’or d’avant le disque ? La plupart des pianistes ont dans l’oreille la voix ou le style (atypique) de Maria Callas ou celui (plus berçant) de Montserrat Caballé. Mais le « mélange des sonorités » qu’évoque Planès ne signifiait pas unification des registres, et nos oreilles modernes trouveraient probablement bien inégale la voix de la Malibran. C’est cela qu’induit ce Grand Patron, et c’est ainsi que Planès aborde les Nocturnes. Son talent personnel fait le reste : on est surpris, voire dérangé, mais conquis, pour peu que l’on mette de côté ses souvenirs, d’Arthur Rubinstein à Maurizio Pollini. Sous les doigts de Planès, le piano chante et nous émeut, et c’est cela l’essentiel. 
François Lafon 

21 Nocturnes
Alain Planès (piano)
2 CD Harmonia Mundi HMM 905332.33
1h 51 min

mis en ligne le jeudi 24 juin 2021

Bookmark and Share
Contact et mentions légales.
Si vous souhaitez être informé des nouveautés de Musikzen laissez votre adresse mail
De A comme Albéniz à Z comme Zimerman,
deux ou trois choses et quelques CD pour connaître.