Mercredi 24 avril 2024
Festival de Saintes 1
Les vagues d'Herreweghe
Fauré - Brahms - Stravinsky

« Le sexe sans péché, c’est comme un œuf sans sel, » écrit Carlos Fuentes. Et le Festival de Saintes sans Philippe Herreweghe, c’est… à chacun de l’imaginer… En tout cas, depuis plus de quarante ans, il y donne chaque année au moins un concert. Pour cette 50ème édition, il navigue vers les sommets, en trois étapes, Fauré, Brahms, Stravinsky. Les premiers accords du Requiem de Fauré donnent le signal d'embarquement : l'itinéraire méditatif sera fait de vagues et d’accalmies, de cris et d’hésitations, de sursauts ou de résignations pour s’achever dans l’apothéose finale de l’Alleluia de la Symphonie de Psaumes qui nous projette vers un espace infini. 
Avec un Concerto Vocale Gent exceptionnel, comme souvent et même masqué, Philippe Herreweghe souligne les vagues successives du Requiem de Fauré, les contrastes et les balancements, le contrechant délicat des cordes ou la puissance des chœurs. Et Dorothée Mields illumine avec un magnifique Pie Jesu marqué par la ferveur.
Ecrit par Brahms à l’âge de 25 ans, Begräbnisgesang (Chant de funérailles) pour chœur et orchestre à vents préfigure les houles du Requiem allemand, comme une marche funèbre sur les ondes de l’émotion.
La Symphonie de Psaumes de Stravinsky fait entrer dans une autre dimension. Les bassons et les hautbois jouent en clapotis, les cordes puissantes laissent entrevoir un tsunami : Stravinsky doute, hésite sur le rythme et la construction même ; Philippe Herreweghe entraîne le chœur vers un fortissimo avant d’arriver à la transparence. En fidèle de cette œuvre, il a, comme Stravinsky, trouvé l’harmonie à la fin du premier mouvement.
Interpréter des fugues, c'est une habitude chez lui, celles du second mouvement et leur dérive vers le chant orthodoxe le montrent à son affaire pour exprimer toutes les couleurs de la palette orchestrale où l’on remarque particulièrement les cuivres.
C’est dans le troisième mouvement que le chef déclenche le raz-de-marée, avec des saccades et des dissonances, avant le tangage dans un même élan des choristes et des instrumentistes. Le voyage se termine avec une sorte de berceuse, c'est la fin de ce superbe programme à la spiritualité multiforme, le bateau arrive à quai, Philippe Herreweghe le stabilise, comme pour étirer le temps.
Gérard Pangon
 
Saintes – Abbaye aux Dames 21 juillet 2021 (Photo © Sébastien Laval)

Fauré : Requiem (1888) - Brahms : Begräbnisgesang - Stravinsky : Symphonies de Psaumes
Dorothée Mields (soprano), Kresimir Strazanac (baryton)
Collegium Vocale Gent, Orchestre des Champs-Elysées
Direction musicale : Philippe Herreweghe

mis en ligne le vendredi 23 juillet 2021

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