Samedi 20 avril 2024
Anthologie du réalisme poétique
Œuvres de Pierre Henry avec inédits et premières discographiques
Galaxie

Vingt ans après la luxueuse anthologie « Mix Pierre Henry » (épuisé, 19 CD Philips) et quatre après « Polyphonies », choix d’œuvres également remastérisées par le compositeur et son assistante Bernadette Mangin en 2016 (épuisé, 12 CD Decca), ce nouveau coffret « Galaxie » puise parmi un riche catalogue couvrant plus d’un demi-siècle avec un look très années soixante – sans toutefois reprendre l’aspect métallisé des pochettes de la collection « Prospective XXIe siècle » mais pour l’intérieur de chaque CD, un visuel des peintures concrètes qui ornaient le domicile du compositeur rue de Toul, à Paris. Années 60 avec Le Voyage, Variations pour une porte et un soupir, Messe pour le temps présent et Apocalypse de Jean et années 70 avec Mouvement-Rythme-Étude et Futuristie. Seul Pierres réfléchies provient des années 80, tandis que les deux dernières décades voient le retour des enregistrements d’Intérieur/Extérieur, Dracula, Envol, L’Art de la fugue odyssée et le testamentaire Phrases de quatuor (2000) – « plainte de l’homme seul perdu dans la nuit » (Henry) à suivre comme un conte de la folie ordinaire symbolisé par les figures hallucinés de Schubert et Ravel face aux ombres de Pelléas et Wozzeck.
Une moisson d’inédits ou d’œuvres jouées une seule fois en concert constituent en revanche près de la moitié du contenu de « Galaxie ». On découvre la plomberie déchaînée de Gouttes d’eau 2 (2008) où Henry, nouvel apprenti sorcier, joue de l’aquaplaning et de la cataracte, tandis qu’on déguste Jérusalem, séquence écartée de la géniale Apocalypse de Jean (1968) immortalisée par la voix de Jean Negroni. Échappée d’une boucle de la version originale de la Dixième symphonie de Beethoven, Ma grande Pâque russe (1993) découpe à la hache l’orchestre beethovénien quand Professeur Robot (2010) combine Wagner, Henry… et l’électro délurée de Proppellerheads ! Ailleurs, on apprécie aussi la jubilatoire Strette Symphonie habillée de métal et réélaborée en 2010 à partir des antédiluviens disques souples qui avaient servi à la Symphonie pour un homme seul cosignée avec Schaeffer soixante ans plus tôt, autant que le Grand remix, monstrueuse rave party imaginée à partir de Messe pour le temps présent pour le chorégraphe Hervé Robbe et créée à la Salle des concerts de la Cité de la musique de Paris en 2008. Également extraites du si dansant 12ème CD, les incantations de Métamorphose (2013), appendice du Tam-Tam du merveilleux donné sur la piazza du Centre Pompidou, à Paris (2000), les prismes de Machine danse d’après Ceremony avec Spooky Tooth (1970), les gymnopédies d’Utopia Hip-Hop (2009) et l’hymen aquatique d’un coquillage et d’une corde de piano de Construction tournante (2007). Le dernier CD comporte les ultimes Note seule, qui titube et vacille comme une flamme qui va s’éteindre, ainsi que le fébrile et angoissé Grand tremblement, tous deux créés par Thierry Balasse lors du week-end anniversaire au Studio 104 de Radio France, en décembre 2017 – soit six mois après la disparition de PH à l’approche de ses 90 ans. Enfin, commande de l’ex-Violent Femme Brian Ritchie – dont les sons s’insinuaient dans Intérieur/Extérieur –, Une minute éternelle condense en 2015 la signature de celui qui est allé au plus loin de la modélisation du son concret élevé à une dimension spirituelle – entre art cinétique et réalisme poétique.
Franck Mallet

• 16 octobre, à Paris, journée « Pierre Henry à la BnF », de 11h à 22h : Journal de mes sons avec Florence Delay (2000), Pierre Henry des années 50 (1976), Pierre Henry ou l’Art des sons (2007), table ronde et performance électro à partir des sons de Henry avec Molécule et NSDOS.   
• 19 octobre (Paris, Bnf, 12h), cinéma avec Aube de Jean-Claude Sée (1950), Les mobiles de Calder de Carlos Vilardebo (1966) et Fait à Coaraze de Gérard Belkin (1964).
• Cyrille Delhaye, Isabelle Warnier, Bernadette Mangin et Agnès Alidières : Pierre Henry : l’œuvre, catalogue exhaustif, raisonné et illustré, Éditions de la Philharmonie, 384 p., 39€.

Henry : anthologie, dont Le Voyage, Variations pour une porte et un soupir, La noire à soixante + Granulométrie, Apocalypse de Jean, Intérieur/Extérieur, Dracula, Messe pour le temps présent, Grand Remix, Phrases de quatuor, La note seule…
Jean Negroni (voix), Pierre Henry (électronique)
13 CD Decca 4855652 (dist. Universal)
14 h 25 min

mis en ligne le mercredi 13 octobre 2021

Bookmark and Share
Contact et mentions légales.
Si vous souhaitez être informé des nouveautés de Musikzen laissez votre adresse mail
De A comme Albéniz à Z comme Zimerman,
deux ou trois choses et quelques CD pour connaître.