Mardi 16 avril 2024
Mystique sans mystère
Une version trop sage des Sonates du Rosaire de Biber
The Mystery Sonatas

Heinrich Biber (1644 – 1704) s‘amusait à expérimenter toutes sortes de choses bizarres sur son violon : pour chacune de ses Sonates du Rosaire, par exemple, il demande un accordage différent de l’instrument, afin de trouver une couleur spécifique (dans cette version, on peut entendre avant chaque sonate les quatre cordes à vide pour avoir dans l’oreille l’accord prescrit). Le plus surprenant de ce cycle est néanmoins son projet narratif mystique : chacune des quinze sonates est une sorte de glose musicale des mystères joyeux, douloureux et glorieux (les trois étapes du Rosaire catholique), plus une immense passacaille finale pour violon seul, sorte de Paradis où l’on revient à l’accord normal. Il faut non seulement une technique impeccable mais surtout un jeu plein de fantaisie pour que ce voyage initiatique ne devienne une pénitence. Appliqué, le violon de Christina May Martinson ne tient cependant pas la distance : si elle fait face aux demandes techniques (mais sans éblouir, comme dans une « Présentation au temple » très sage) la soliste manque souvent de la variété de couleurs et d’accents pour rendre justice à toute la richesse du cycle (la version récente de Rachel Podger chez Channel Classics est à cet égard bien plus réussie). Elle n’est pas non plus idéalement accompagnée et dans ces pages où le continuo a un rôle essentiel, le jeu trop lourd du Boston Baroque ne décolle jamais : on peut le comparer à la version haute en couleurs et autrement plus virtuose de John Holloway et l’ensemble Tragicomedia (chez Virgin Veritas), qui rendait presque visibles les mystères dépeints par Biber.
Pablo Galonce

Les Sonates du Rosaire
Christina May Martinson (violon)
Boston Baroque
Direction musicale : Martin Pearlman
2 SACD Linn CKD 501
2 h

mis en ligne le mardi 10 juillet 2018

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