Jeudi 28 mars 2024
Cris et chuchotements
Le dernier Kaija Saariaho se défend mieux à l’oreille qu’à l’œil
Saariaho : Only the Sound Remains

À la suite de Britten (Curlew River), Kaija Saariaho, née en 1952, s’est inspirée de deux théâtre nô du XVe siècle – Tsunemasa et Hagoromo adaptés en anglais par Ezra Pound et Ernest Fenellosa – pour Only the Sound Remains, dernier ouvrage lyrique coproduit par plusieurs maisons d’opéras (dont Paris, qui le reprit en janvier dernier (voir ici), créé et capté à Amsterdam, en 2016. Depuis le succès de l’Amour de loin, premier opéra et création majeure de l’année 2000 – avec El Nino de John Adams –, la compositrice s’est imposée par son style au spectre large, sensuel et raffiné. Une qualité que l’on retrouve dans cet entrelacs typique du son vocal (baryton-basse, contre-ténor et quatuor vocal) et instrumental : flûtes, percussion, quatuor à cordes et électronique. Là où Britten cultivait une lenteur sacrée « médiévalisante » quasi debussyste (Martyre de saint Sébastien) sur près d’une heure, Saariahao oppose un statisme sur presque deux heures, diluant l’action dans une sorte de rêve abstrait. Compagnon fidèle de Saariaho, le metteur en scène (et ici cinéaste) Peter Sellars cultive les plans resserrés jusqu’à l’exaspération du « prêtre » Davone Tines, ne nous épargnant ni ses « tortures » morales ni physiques – sueur à gogo ! Certes, les voix, magnifiques, de ce dernier, comme celles de l’ « esprit » Philippe Jaroussky et du Nederlands Kamerkoor s’imposent, mais n’aurait-il pas été préférable de savourer cet ouvrage en audio plutôt qu’avec ces caméras trop intrusives aux éclairages saturés ? Hormis la partition, on ne retient, pour l’essentiel, que la chorégraphie de la danseuse Nora Kimball-Mentroz, dans le deuxième nô – comme l’annonçait, de manière prémonitoire le titre du spectacle : en français Seul le son reste. Dommage.     
Franck Mallet 

Only the Sound Remains
Philippe Jaroussky (contre-ténor), Davone Tines (basse-baryton), Nora Kimball-Mentzos (danse), Eija Kankaanranta (Kantele), Camilla Hoitenga (flûte), Niek KleinJan (percussion)
Dudok Quartet
Direction musicale : André de Ridder
Mise en scène : Peter Sellars
Réalisation : Peter Sellars
1 DVD Erato 0190295753955 (Warner Classics)
1 h 46 min

mis en ligne le samedi 9 juin 2018

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