Frans Brüggen, Cristina Deutekom, Licia Albanese, disparus de l’été. Hommages unanimes : avec Brüggen, flûtiste et chef du baroque conquérant, la génération Leonhardt-Harnoncourt perd une figure. Mais les deux dames ? Cristina Deutekom a beaucoup chanté, peu enregistré, mais restera comme la « Reine de la Nuit de Solti » (La Flûte enchantée, Decca – 1969), couronnant d’un contre-fa triomphant un déluge de vocalises évoquant davantage la tyrolienne que le chant classique. Son petit plus : un timbre cristallin (acide, disent ses détracteurs) contrastant avec l’ampleur de ses moyens, en tout cas facilement reconnaissable. Le cas Albanese est plus intriguant. « Licia Albanese, star du Met de New York, est morte à cent-cinq ans », a annoncé en bandeau i-Télé, chaîne d’infos en général peu versée dans le classique. Star ? Pour le discophile, elle n’est qu’une Traviata et une Mimi (La Bohème) old fashion, maillon faible de deux enregistrements célèbres de Toscanini (RCA). Mais elle a vécu cent-cinq ans (cent-un selon certaines sources) et a son étoile sur le Hollywood Walk of fame, entre celles de Lauren Bacall et Robin Williams, autres disparus de l’été. Que son art soit plus périssable que celui d’une Lisa Della Casa, étoile lyrique disparue dans une relative indifférence en 2012 à quatre-vingt-treize ans, n’entre pas en ligne de compte.
François Lafon
Photo : Licia Albanese © DR