Jeudi 2 mai 2024
Le pari de la jeunesse
Marc Minkowski poursuit sa saga offenbachienne
La Périchole

1868-1874 : deux versions de La Périchole, l’une avant la chute de l’Empire, l’autre après, la seconde plus opératique que la première, l’ouvrage étant de toute façon à part dans l’œuvre d’Offenbach, entre les bouchons de champagne de La Vie Parisienne, les tendresses de Fantasio et les rêves de grandeur des Contes d’Hoffmann. Marc Minkowski, dont les Offenbach avec Laurent Pelly (Lyon, Châtelet) sont restés dans les mémoires, mélange les deux versions, rendant plus inclassable encore cette histoire lointainement inspirée du Carrosse du Saint-Sacrement de Prosper Mérimée, lui-même saluant de loin la Périchole « historique », devenue, sous la plume des librettistes Meilhac et Halévy, la fausse soeur de la Carmen que ceux-ci tireront de Mérimée (encore) pour Bizet. L’ironie y est assez fine (même dans les gros effets du Vice-Roi et de ses ministres), les allusions assez directes (« Il grandira car il est espagnol », l’Impératrice a dû apprécier) mais les sentiments assez complexes (une beauté piquante prête à se sacrifier pour un balourd) pour donner prétexte à une musique référentielle (une spécialité offenbachienne), ambiguë jusque dans la tendresse (les couplets de la Lettre). Au disque – enregistré live à Bordeaux, laissant imaginer dans les passages parlés une mise en scène qui ne reculait pas devant la charge – Minkowski succède avec ses Musiciens du Louvre aux moins historiquement informés mais tout aussi pertinents Alain Lombard (Erato - 1976) et Michel Plasson (EMI - 1981), le premier dirigeant la superbe mais un peu trop grande dame Régine Crespin, le second la non moins flamboyante mais un peu trop guest star Teresa Berganza, celle-ci flanquée d’un José Carreras hors propos, celle-là d’un Alain Vanzo  dans la tradition. Il fait, lui, le pari de la jeunesse, confiant la Périchole à la prometteuse Aude Extrémo et Piquillo à Stanislas de Barbeyrac, étoile française déjà de première grandeur, accompagné en Vice-Roi machiavélique et bouffon par la « nature » Alexandre Duhamel. Vain exercice donc de comparer l’incomparable, ces trois-là ayant pour eux d’être immédiatement crédibles, comme le sont leurs partenaires soigneusement appariés, tels le protéiforme Marc Mauillon et le réjouissant et ex-Piquillo Eric Huchet, tous entraînés par un Minkowski égal à lui-même, c’est-à-dire emporté parfois par sa propre fougue, mais bête de théâtre à la sûre intuition. Sa Périchole  tend à sa manière la main à l’enregistrement princeps de l’oeuvre, chantée de manière datée (DG -1959) mais dirigée avec une sorte de génie par Igor Markevitch, rappelant sans cesse qu’Offenbach était surnommé par Rossini le Petit Mozart des Champs-Elysées. 
François Lafon 

La Périchole
Aude Extrémo (La Périchole), Stanislas de Barbeyrac (Piquillo), Alexandre Duhamel (le Vice-Roi), Eric Huchet (Panatellas), Marc Mauillon (Don Pedro), Olivia Doray (Guadalena - Manuelita), Julie Pasturaud (Berginella-Frasquinella), Mélodie Ruvio (Mastrilla-Ninetta), Jean Sclavis (un Prisonnier)
Choeur de l'Opéra National de Bordeaux - Les Musiciens du Louvre
Direction musicale : Marc Minkowski
Livre disque 2 CD Palazzetto Bru Zane "Opéra français"
1 h 43 min

mis en ligne le lundi 17 juin 2019

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