Mais qu’est-ce qui pousse Emmanuelle Haïm à mener Médée à un rythme d’enfer ? A ce train-là, le prologue, Louis le triomphant, n'a rien de majestueux mais tourne à l’air de guinguette primesautier. Un pastiche ? Non pas, le premier acte débute avec un Pour flatter mes ennuis qu'on attend lamento mais qui est du même tabac. Ça joue vite et fort dans la fosse, et avec une raideur métronomique. Côté voix, la diction en prend un coup et le souffle court est éliminatoire. Prosodie ? Déclamation ? Aux oubliettes, même si Médée est précisément une tragédie, lyrique certes, mais avant tout une tragédie. Seuls Anders Dahlin (Jason) et Sophie Karthäuser (Créuse) épousent le style baroque et parviennent à émouvoir. Laurent Naouri (Créon) s’en tire en faisant sourire (bien que le Roi de Corinthe ne soit pas vraiment un rigolo) ; Michèle Losier (Médée) abandonne toute prétention à se faire comprendre. La mise en scène de Pierre Audi est d’un modernisme académique : chœur en grenouilles rampantes, interprètes sortis de chez Cyrillus (tout de même). Inscrit en fond de scène, un immense SOS ! – en anglais Mayday !, emprunté au français M’aider ! Médée… Mayday…M’aider…Voilà donc la métaphore ? Les transports d’hier ne pas sont ceux d’aujourd’hui …et la Médée d’Haïm/Audi vaut-elle ce déplacement ?
Albéric Lagier
Théâtre des Champs-Elysées 15, 17, 19, 21 et 23 octobre. Opéra de Lille 6, 8, 10, 13 et 15 novembre.