Au Théâtre de Caen, reprise du Vaisseau fantôme monté la saison dernière en conclusion du très réussi Wagner Geneva Festival (voir ici). Une recréation plutôt, le spectacle du metteur en scène Alexander Schulin (une plongée dans la tête de Senta la rêveuse, étreignant un doudou à l'effigie du Hollandais maudit, évoluant dans un souterrain - couloir de la mort, enfermement en soi-même? - laissant à filtrer des vagues, des yeux, du sang) soutenant cette fois une utopie musicale : la résurrection par François-Xavier Roth et son ensemble Les Siècles du son et de la couleur orchestrale de la toute première version de l'ouvrage, refusée à l'époque par l'Opéra de Paris, lequel lui préféra un Vaisseau fantôme ou le Maudit des mers vite oublié, dû à l'obscur compositeur Louis Dietsch. Orchestre à la française, timbres un peu acides, surexposition des influences (de Meyerbeer à Gounod) subies par le jeune Wagner lors de son calvaire parisien : une dichotomie risquée entre l'oeil et l'oreille, accentuée par un plateau de grandes voix wagnériennes ... telles qu'il n'en existait pas encore du temps de Wagner. Un alliage réussi pourtant, parce qu'une heureuse connivence se fait entre les images postmodernes de Schullin et cette interprétation à l'ancienne mettant en lumière l'intrusion de la "musique de l'avenir" dans le vieil opéra romantique, parce qu'Ingela Brinberg (Senta), Alfred Walker (le Hollandais) et Liang Li (Daland, appelé ici Donald, cette première version se passant en Ecosse) brûlent les planches. Gros succès auprès des habitués d'un théâtre qui a été, avant le changement de majorité municipale et les restrictions dues à la crise, le laboratoire des expériences philologiques de William Christie et de ses Arts Florissants.
François Lafon
Caen, Théâtre, 30 avril. Au Grand Théâtre du Luxembourg les 9 et 11 mai. Diffusion ultérieure sur France Télévisions Photo © Gregory Batardon