Au Palais Garnier, Iolanta/Casse-noisette de Tchaikovski, mis en scène par Dmitri Tcherniakov secondé par les chorégraphes Sidi Larbi Cherkaoui, Edouard Lock et Arthur Pita. Un pari historiquement informé puisque l’opéra – longtemps oublié – et le ballet – un classique – ont été créés ensemble, au Mariinski de Saint Pétersbourg en 1892. Un doublé marathon (3 h 30 plus deux entractes) riche en prolongements, Iolanta, fille du roi René de Provence, passant de la cécité à l’illumination (de l’amour) pour découvrir le plus visuel des arts scéniques. Expert en drames familiaux depuis son superbe Eugène Onéguine au Palais Garnier en 2008, Tcherniakov confine l’opéra dans le salon en format 4/3 où la jeune Marie fête son anniversaire pour raconter en cinémascope son amour rêvé et son retour au point de départ après l’apocalypse qu’on appelle la vie. Difficultés de l’entreprise : réconcilier le temps de l’opéra et celui de la danse, raconter la même histoire en deux langues différentes, élargir le champ sans être redondant. Gageure tenue, si ce n’est qu’après l’opéra débarrassé de ses parures historico-fantastiques, le ballet paraît plus patchwork encore : sublimes pas de deux sur terre brûlée signés Cherkaoui, étonnant jeu de peluches géantes mais aussi tics répétés façon Lock, fête-cauchemar un peu appuyée selon Pita. Musicalement, le bonheur : jeu de correspondances inattendues – et opportunément relevées par l’excellent chef Alain Altinoglu – entre le romantisme opulent de Iolanta et les clins d’œil de Casse-noisette, parfait duo en miroir de la soprano Sonya Yoncheva (pourtant annoncée souffrante) et de la ballerine Marion Barbeau, entourées d’une double troupe – chanteurs et danseurs – sans faiblesse, si ce n’est un ténor honorable musicien mais aux prises avec la tessiture périlleuse de son personnage.
François Lafon
Opéra National de Paris, Palais Garnier, jusqu’au 1er avril. En direct le 17 mars dans les cinémas UGC. Sur Culturebox à partir du 18 mars Photo © DR