Vendredi 29 mars 2024
Un Golgotha pas si difficile à gravir
Nouvelle version de l’oratorio culte de Frank Martin
Golgotha

Peu avenant a priori, ce Golgotha ! Frank Martin n’a jamais eu la réputation d’être un compositeur optimiste, mais là, au sortir de la guerre, ce Genevois met toute sa gravité de fils de pasteur, pétri de culture germanique mais féru de musique française. C’est en tombant en contemplation devant l’eau-forte de Rembrandt Les Trois Croix qu’il ose sauter le pas, se mesurer à Bach et tenter une Passion moderne. Il en résulte un oratorio grand format, mais pas aussi pompeux qu’on aurait pu le redouter. L’époque, où l’on a vu arriver le pire, se prête davantage à une méditation qu’à une glorification. Martin met en scène la Passion, mais interrompt à plusieurs reprises son récit pour laisser la place à des extraits des Méditations de Saint Augustin. Sa musique est à l’avenant, avec ses finesses héritées de Debussy (il adorait Pelléas et Mélisande), comme pour adoucir la violence commandée par le sujet. Soixante ans après la création (en avril 1949, à Genève), on joue plus que jamais, à l’écouter, au jeu des de devinettes, au repérage des références. Difficile de ne pas penser à Guerre et Paix, l’opéra de Prokofiev, contemporain de ce Golgotha. Difficile aussi de ne pas se rappeler que Martin a été le professeur de Stockhausen, pas seulement pour sa science des dissonances et son intérêt pour le dodécaphonisme, mais aussi pour la manière dont, par la seule force de la musique, il déchire peu à peu la nuit du Golgotha pour faire apparaître un espoir. Il existait déjà une poignée d’enregistrements de cette fresque peu commerciale mais « culte » parmi les amateurs de musique sacrée. Celui-ci, dirigé par Daniel Reuss, chef d’orchestre et de chœur (ce dernier point est, on s’en doute, très important ici), donne à peu près toutes ces chances à l’œuvre, dans la mesure où il ajoute l’émotion à la perfection factuelle. On le rangera tout près de celui de Robert Faller (Erato – 1968), où Michel Corboz galvanise le chœur et où le ténor Eric Tappy ferait pleurer les pierres.
François Lafon

Golgotha
Judith Gauthier (soprano), Marianne Beate Kielland (alto), Adrian Thompson (ténor), Mattijs van den Woerd (baryton), Konstantin Wolff (basse)
Capella Amsterdam, Choeur de chamber d’Estonie, Orchestre National d’Estonie
Direction musicale : Daniel Reuss
2 CD Harmonia Mundi HMC 902056.57 (2009)
1 h 34 min

mis en ligne le lundi 29 mars 2010

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