Mardi 16 avril 2024
Musique sacrée ou sacrée musique ?
Verdi et l'âme orthodoxe de Youri Temirkanov
Messa da Requiem

Après trois ans d’un quasi-silence, c’est sur un quasi-murmure que Verdi ouvre sa messe de Requiem, par un introït polyphonique d’une grande douceur. Puis, comme pour célébrer sa renaissance musicale à l’âge de 63 ans, il fait surgir un Dies Irae qui suit une course folle tel un équipage méphistophélien dans une Sibérie minérale, sombre et tempétueuse. Ce Requiem d’un dramatisme exacerbé impressionne par ses réminiscences multiples, ses leitmotiv qui s'entrelacent, celui du Dies Irae étant loin d’être le seul. Et si Verdi y fait des retours sur sa propre vie, - on y reconnaît par exemple des touches d'Aïda -, c’est aussi un salut à son frère de combat, l’écrivain patriote Manzoni, mort un an plus tôt, chantre du romantisme italien. Et voilà maintenant que l’âme slave s'empare de ce Requiem et lui insuffle une dimension « orthodoxe » inattendue. Sous la direction de Yuri Temirkanov, l’Orchestre philarmonique de Saint-Pétersbourg, entouré de chœurs somptueux et de solistes habités par la dimension spirituelle de l’œuvre, rend avec force mais sans lourdeur ni débordements les contrastes violents de cette description verdienne d’une humanité engloutie. Des mesures enjouées du Sanctus aux plus sombres pages du Tuba Mirum, c’est avec un équilibre rarement entendu qu’il aborde ce testament prématuré aux dimensions exceptionnelles (plus de cent exécutants). « Musique sacrée ou sacrée musique ?» pour reprendre l’épitaphe de Rossini à sa Petite messe solennelle. Les deux sans doute.
Albéric Lagier

Messa da Requiem
Carmen Giannattasio (soprano), Veronica Simeoni (mezzo), Alexander Timchenko (tenor), Carlo Colombara (basse)
Orchestre philarmonique de Saint-Pétersbourg, Chœurs du Théâtre Mikhailovsky
Direction musicale : Youri Temirkanov
2 CD Signum Classics (2009)
1 h 26 min

mis en ligne le samedi 6 mars 2010

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