Musikzen

Mardi 16 avril 2024

Métis sage

Une Shéhérazade hyper-référencée sur le violon de Leila Josefowicz

Scheherazade.2

Si John Adams (70 ans) était Mozart, on dirait qu’il s’offre une turquerie avec cette « symphonie dramatique pour violon et orchestre Scheherazade.2, mais à l’orée d’un XXIème siècle nourrie d’une variété infinie de genres musicaux, sa partition se réfère autant au Ravel des deux Shéhérazade et de Daphnis qu’aux traditions millénaires de l’Inde, du Pakistan ou de l’Iran, avec un détour par le Grateful Dead, groupe rock de la côte Ouest dont le compositeur était fan dans sa jeunesse. Nul exotisme cependant dans l’emploi de gammes non-occidentales, le compositeur américain ayant été précédé par ses confrères Harry Partch, Lou Harrison, Terry Riley ou Philip Glass – qui les avaient déjà intégrées à leur langage. Il en résulte un concerto qui conjugue à la fois l’exubérance psychédélique du précédent The Dharma at Big Sur – celui-là, pour violon électrifié (2003) –, et le néoclassicisme avoué du Premier (1993), qui lorgnait autant du côté de Sibelius ou Prokofiev que de Berg ou Bartok. Avec une certaine maestria, Adams surfe sur l’orchestre de ses anciens concertos, qu’il en appelle à l’ironie mordante de sa récente page symphonique City Noir (2009) – l’une de ses pièces maîtresses – pour le second mouvement, ou au dramatisme nerveux de son opéra Doctor Atomic (2005) pour le troisième. Dommage que le final, platement néo-bartokien, ne renoue pas avec le charme ensorcelant du premier mouvement, la soliste Leila Josefowicz, épaulée par le chef d’orchestre David Robertson, illuminant la partition de son jeu à la fois intense et capiteux.

Franck Mallet

Adams : Scheherazade.2

Leila Josefowicz (violon)

St. Louis Symphony

Direction musicale : David Robertson

1 CD Nonesuch 7559-79435-1 (Warner Classics)

48 min

mis en ligne le lundi 5 juin 2017