Jeudi 28 mars 2024
Entre myopie et presbytie
Une vision déconcertante de Moussorgski et Ravel
Kaleïdoscope

Si la technique de l’interprète est irréprochable (Ballet des poussins dans leurs coq, Limoges !) – tout comme celle de son coiffeur, au vu de la pochette –, que voici d’étranges Tableaux d’une exposition, aux tempi volontairement ralentis et à la dynamique étouffée (Promenade I & II, Le vieux château, Catacombes), quand les touches ne sont pas appuyées exagérément : Tuileries, Bydlo, La cabane sur des pattes de poule… Comme s’il fallait rendre aphone ce chef d’œuvre pianistique, tout en lui imposant une interprétation radicale et neuve – sinon, pourquoi faire carillonner d’une manière aussi grinçante Samuel Goldenberg ? Trop de gesticulations et d’effets de manche chez Khatia Buniatishvili ; préférons-lui d’authentiques poètes – et ils sont nombreux : Yudina, Richter, Pogorelich, Afanasiev, Janis, Ugorsky, Ashkenazy… Sensation d’étouffement avec La valse de Ravel qui, dans son intention première d’amour-répulsion doit certes tanguer et faire chavirer, mais jusqu’où ? Affaire de goût, ici. Dans cette version pour piano seul, la plus rare, comparée à celles pour orchestre et pour 2 pianos, on boit la tasse et coule à pic. Seule réussite de cet album, les Trois mouvements du ballet Petrouchka de Stravinsky qui chantent et dansent à tue-tête, tant la pianiste joue avec maestria du rythme et de la couleur, pour une vision « à l’opposé de l’interprétation percussive » comme elle le reconnaît avec à-propos dans les notes de pochette ; désormais une référence.
Franck Mallet

Moussorgki : Tableaux d'une exposition - Ravel : La valse - Stravinsky : Trois mouvements de Petrouchka
Khatia Buniatishvili (piano)
1 CD Sony Classical 88875170032
1 h 01 min

mis en ligne le dimanche 27 mars 2016

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