Samedi 20 avril 2024
Des effets d'une Querelle...
Jean-Philippe Rameau atteint par la mélancolie
Castor et Pollux (1754)

Castor et Pollux, la deuxième tragédie lyrique de Rameau, est créé à l’Opéra de Paris en 1737. Personne, ni aucun dramaturge ni aucun librettiste, n’a auparavant traité le sujet : deux frères, l’un immortel (Pollux) et l’autre mortel (Castor), amoureux de la même femme (Telaïre), sont unis par une amitié telle que chacun est prêt à consentir au bénéfice de l’autre à tous les sacrifices. L’intrigue est moins propre aux péripéties dramatiques que celle d’Hippolyte et Aricie (1733), mais davantage aux conflits de sentiment. En 1754, après la Querelle des Bouffons, Rameau concocte une nouvelle version : suppression du prologue, pourtant particulièrement réussi, rôle de Castor étoffé, nouvel acte 1, actes 2 à 4 correspondant (non sans ajouts et modifications) aux actes 1 à 4 de 1737, acte 5 pratiquement inchangé mais avec divertissement final assez réduit. La trame s’en trouve allégée, mais il n’est pas sûr que l’œuvre ait gagné au change. On regrette par exemple la transformation de duo en air du « Eclatez, fières trompettes » à la fin de l’acte 2 (acte 1 de 1737). C’est la mouture de 1754, prise sur le vif à Montpellier en 2014, que nous propose - après Charles Farncombe (Erato 1982) - Raphaël Pichon. Il excelle dans les épisodes sereins et mélancoliques, mais n’atteint pas toujours dramatiquement la tension, voire la violence, nécessaires, notamment lorsqu’à l’acte 4 Pollux tente de pénétrer aux Enfers pour en faire sortir son frère. Mieux vaut pour le moment s’en tenir aux versions de 1737 dues à William Christie (Harmonia Mundi 1992) et à Nikolaus Harnoncourt (Teldec 1971), cette dernière à la fois implacable et très lumineuse.
Marc Vignal

Castor et Pollux
Colin Ainsworth (Castor), Florian Sempey (Pollux), Emmanuelle de Negri (Telaïre), Clémentine Margaine (Phébé), Christian Immler (Jupiter)
Ensemble Pygmalion
Direction musicale : Raphaël Pichon
2 CD Harmonia Mundi HMC 90221213
2 h 20 min

mis en ligne le mardi 21 juillet 2015

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