Jeudi 28 mars 2024
Boris notre contemporain
Moussorgski transposé sans ménagements par Calixto Bieito
Boris Godounov

Pot de fer (les puissants) contre pot de terre (le peuple), nationalistes contre altermondialistes, ultraviolence généralisée : transposez Boris Godounov à notre époque, et l’histoire du tsar assassin trouvera des résonances infinies. Un peu assagi depuis ses très trash premiers spectacles (Un Bal masqué à Barcelone, L’Enlèvement au sérail à Berlin), le metteur en scène espagnol Calixto Bieito pousse à Munich assez loin le procédé, au risque de tomber dans l’agitprop : ce ne sont plus des images pieuses que brandit le peuple réclamant un chef, mais des portraits de Poutine, Cameron, Obama, Hollande et Sarkozy. Ceci dit le spectacle est assez fort (c’est la version courte, la première, qui a été choisie, exempte des distractions du grand opéra), la direction d’acteurs soignée, et les partis-pris judicieusement amenés, jusqu’au « tous coupables » final - même Pimène, le moine chroniqueur. Même absence d’épanchements dans la musique : battue sèche, précise (quelques décalages quand même) du chef Kent Nagano, prééminence du sens sur le son, ce qui n’empêche pas Alexander Tsymbalyuk (Boris) de cacher une certaine neutralité sous un timbre somptueux, à la différence d’Anatoli Kotscherga (Pimène), lequel en rajoute dans la raucité expressive. Beau travail du chœur, personnage principal du chef-d’œuvre selon Moussorgski lui-même.
François Lafon

Boris Godounov
Alexander Tsymbalyuk (Boris), Bernhard Siegel (Chouiski), Anatoli Kotscherga (Pimène), Vladimir Matorin (Varlaam), Sergei Skorokhodov (Grigori), Kevin Conners (L’Innocent), Markus Eiche (Chelkalov)
Choeur du Bayerischen Staatsoper, Bayerisches Staatsorchester
Direction musicale : Kent Nagano
Mise en scène : Calixto Bieito
Réalisation : Andy Sommer
1 DVD Bel Air Classiques BAC 102
2 h 19 min

mis en ligne le jeudi 6 février 2014

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