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Opéra - Bastille : Parsifal,  ironie britannique
dimanche 13 mai 2018 à 21h57
Première à l’Opéra Bastille de Parsifal, retardée depuis le 27 avril par la rupture d’un câble soutenant un contrepoids de dix-huit tonnes. Un spectacle à décors en effet, mobilisant le système-maison de plateaux coulissants tant vanté mais rarement utilisé à vue. Un Parsifal de chambre pourtant, sans forêt au printemps ni temple à colonnes, le metteur en scène Richard Jones concentrant l’action sur le dualisme dogme/pornographie – deux façons fallacieuses d’échapper à l’angoisse humaine, représentées, pour le premier, par un collège-secte vivant au rythme d’un rituel qui fera son temps, et pour la deuxième par les sortilèges plus scientifiques que magiques du généticien Klingsor. On aura compris qu’une fois encore la fable est actualisée, mais de façon plus consensuelle qu’avec Krzysztof Warlikowski, dont le Parsifal diversement apprécié a fait long feu sur la même scène (2008). Jones - dont L’Enfant et les sortilèges (Ravel) au Palais Garnier finissait dans l’enfer des tranchées -, manie cependant une ironie que l’on peut qualifier de britannique, montrant les Filles Fleurs en (pas très pornographiques) épis de maïs transgénique et les Chevaliers du Graal (plus bacheliers que chevaliers) suivant Parsifal en black bloc après avoir jeté aux orties chasubles et livres saints. Public ravi (rassuré ?) au rideau final, au grand dam des amateurs de wagnérisme plus sulfureux. Chambriste aussi - mais au sens où l’entendait Karajan - la direction de Philippe Jordan, travaillant la transparence (française ?) de son excellent orchestre et de chœurs impeccables. Une intimité qui profite aux chanteurs, lesquels ne sont pas obligés de faire la grosse voix, soit qu’ils n’en possèdent - ou n’en exploitent - pas le creux (le par ailleurs émouvant Günther Groissböck en Gurnemanz pas trop chenu), soit qu’ils wagnérisent alla Fischer-Dieskau, tel le raffiné Peter Mattei (Amfortas). Beau couple Kundry-Parsifal - pourtant peu flatté au deuxième acte en tenue légère sur plateau nu -, Anja Kampe passant de la séduction au dévouement avec une timbre riche en couleurs, Andreas Schager faisant éclore le meneur d’hommes du Chaste Fol avec une sûreté vocale et une présence scénique remarquables.
François Lafon 

Opéra National de Paris – Bastille, jusqu’au 23 mai. En différé sur France Musique le 27 mai (Photo © Emilie Brouchon/Opéra national de Paris)

 

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